Logiques de guerre

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Dernière mise à jour : 2 décembre 2022 – Traductions de l’anglais et du grec

  • [Avis de tempêtes] Logiques de guerre
  • [anarchie!] La guerre commence ici
  • [Exploités énervés] Contre la guerre de Poutine et de l’OTAN, soulevons-nous en Ukraine, en Russie, en France !
  • [La mouette enragée] Paix aux chaumières, guerre aux palais !
  • [A$AP Révolution] Contre la guerre, guerre de classe !

Traductions du tchèque :

Traductions de l’anglais :

  • [Red and Black Notes] Déclaration sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie
  • [No War but the Class War] Guerre, pauvreté, crise et maladie : Le vrai visage du système capitaliste
  • [Internationalist Perspective] Ne vous battez pas pour « votre » pays
  • [ACG] Bientôt nous butterons nos propres généraux
  • [ACG] La « Campagne pour une vraie guerre »
  • [ACG] Défaitisme révolutionnaire
  • [Dark Nights] La guerre est le drame suprême d’une société complètement mécanisée

Traductions de l’allemand :

  • [Soligruppe für Gefangene] Contre les guerres du capitalisme, notre réponse c’est la guerre sociale
  • [In der Tat] Contre la guerre et la mobilisation militaire (notes provisoires sur l’invasion en Ukraine)
  • [Papier-Mâché] Pas de paix avec l’existant qui ne connaît pas la paix !

Traductions de l’espagnol :

Traductions du russe :

  • [KRAS] Bref aperçu de la Résistance à la guerre en Russie et en Ukraine
  • [KRAS] Quand la population se rebelle contre la guerre : en Russie et en Ukraine, des centres de recrutement sont attaqués
  • [KRAS] Encore une fois à propos des « anarchistes » qui oublient leurs principes

Traduction du grec :

  • [Acte] Un message de solidarité à tous ceux qui luttent contre la guerre en Russie et en Ukraine

[Avis de tempêtes] Logiques de guerre

Source: Avis de tempêtes. Bulletin anarchiste pour la guerre sociale, n°51, mars 2022
https://avisdetempetes.noblogs.org/files/2022/03/Avisdetempetes51.pdf

Campisme. Lors de la Première boucherie mondiale, si la terrible prise de position de Kropotkine en faveur de la victoire d’une partie des Etats belligérants et au nom de l’espoir d’émancipation même, est devenue célèbre, c’est sans doute parce qu’elle incarnait la faillite toujours possible de l’internationalisme et de l’antimilitarisme, malgré les réponses reçues d’autres anarchistes. Une position campiste même pas originale, puisque les principaux partis socialistes et syndicats ouvriers de l’époque avaient de leur côté déjà cédé aux sirènes de l’Union nationale en s’alignant derrière leur propre Etat belliciste. S’il serait absurde d’oublier que certains anarchistes ont parfois vacillé au pied du mur, y compris dans d’autres types de situations comme les guerres civiles (souvenons-nous du dilemme « guerre ou révolution ? » tranché en faveur de la première par la direction de la CNT espagnole), ce serait pourtant aller un peu vite en besogne de ne retenir que cela.

Au fil des guerres qui ont parsemé le siècle dernier, et dans lesquelles ont été pris les compagnons, c’est aussi envers et contre elles que bon nombre d’interventions subversives ont pu être mises en pratique en fonction de l’endroit où ils se trouvaient, comme celle de constituer des groupes de combat autonomes (généralement décentralisés et coordonnés), de bâtir des réseaux d’aide aux déserteurs des deux camps, de mener des sabotages de l’appareil militaro-industriel à l’arrière des fronts, de saper la mobilisation des esprits et de miner l’unité nationale, d’exacerber le mécontentement et le défaitisme en tentant de transformer ces guerres pour la patrie en insurrections pour la liberté. On nous dira peut-être que les conditions ont bien changé depuis ces expérimentations, mais certainement pas au point de ne pas pouvoir puiser dans cet arsenal-là si on souhaite intervenir dans les hostilités, c’est-à-dire en partant d’abord de nos propres idées et projectualités, plutôt que du moindre mal consistant à soutenir le camp et les intérêts d’un Etat contre un autre. Car si nous sommes contre la paix des marchés, contre la paix de l’autorité, contre la paix de l’abrutissement et de la servitude, nous sommes évidemment aussi contre la guerre. Parce que paix et guerre sont en réalité deux termes qui recouvrent une même continuité de l’exploitation capitaliste et de la domination étatique.

Energie. Parmi les différents trains de sanctions grandiloquentes prises par les Etats occidentaux pour frapper leur homologue russe à sa tête comme à sa base, chacun aura pu remarquer des petits jeux de dupe bien compris. Parmi les exceptions de taille à ces sanctions (qui en sont à leur quatrième salve), se trouvent en effet actuellement les exportations russes de matières premières énergétiques (pétrole et gaz) et minières. Et cela tombe bien, puisque la Russie produit 40% du palladium et 25% du titane dans le monde, tout en étant le deuxième producteur mondial d’aluminium et de gaz, ainsi que le troisième de nickel et de pétrole. Toutes matières dont les cours flambent depuis le début de l’invasion du territoire ukrainien en procurant davantage de rentrées monétaires à la Russie… qui lui sont par ailleurs en grande partie fournies par les puissants des mêmes pays qui poussent sans cesse de grands cris d’orfraie humanistes à propos la situation en cours. A titre d’exemple, depuis le début de cette guerre, l’Union européenne verse chaque jour à la Russie plus de 400 millions de dollars pour son gaz et près de 280 millions pour son pétrole, encaissés directement via les deux banques épargnées par les sanctions financières (et pour cause !), soit Sberbank et Gazprombank. Et on vous passe les montants gigantesques de tout le reste, indispensable aussi bien à l’industrie automobile occidentale (palladium), à son aéronautique et sa défense (titane) ou aux batteries électriques (nickel).

Quand on dit que la guerre commence ici, cela ressemble souvent à une simple resucée d’un vieux slogan idéologique du siècle dernier, mais si quelqu’un venait aujourd’hui à se demander qui finance de fait l’attaque russe, il pourrait alors se tourner exactement vers les mêmes qui financent le camp d’en face, à savoir la défense ukrainienne : il s’agit notamment du système techno-industriel des Etats occidentaux, qui ne va pas cesser de tourner à plein régime pour si peu, vu que la guerre, les massacres et les ravages sur la planète font déjà intrinsèquement partie de son fonctionnement.

Et comble d’ironie, il existe alors différents intérêts que les deux Etats belligérants se gardent bien de mettre en pièce dans cette guerre meurtrière, afin de ne pas nuire à leurs financeurs occidentaux communs : les deux immenses gazoducs Brotherhood et Soyouz venus de Russie, qui traversent ensuite tout le territoire ukrainien, avant de se rediriger vers l’Allemagne et l’Italie. Un peu de la même façon qu’aucun des deux belligérants ne souhaite toucher à d’autres objectifs aussi sensibles pour leur économie nationale qu’ils sont vitaux pour les industries aéronautiques de la défense européenne (notamment Airbus et Safran), comme l’usine de titane du groupe VSMPO-Avisma située dans la ville toujours sous contrôle ukrainien de Nikopol, et néanmoins propriété directe du principal exportateur du complexe militaro-industriel russe, Rosoboronexport. Ce qui pourrait sembler un paradoxe n’est en réalité que l’amère illustration d’une des caractéristiques des guerres interétatiques : bien qu’ils les déclenchent sans vergogne à coups de haine nationaliste, religieuse ou ethnique, ce sont rarement les puissants qui en font les frais –en étant évidemment capables de s’accorder entre eux au besoin–, mais bien les populations qui en subissent toutes les conséquences meurtrières. Un peu comme le fait que la France ait continué à fournir à la Russie entre 2014 et 2020 des caméras thermiques pour équiper ses blindés actuellement utilisés dans la guerre en Ukraine, ou des systèmes de navigation et des détecteurs infrarouges pour ses avions de chasse et ses hélicoptères, tout en fournissant désormais à l’Ukraine des missiles anti-aériens et antichars. En matière d’énergie comme d’équipements militaires, les financeurs et les profiteurs de guerre sont également ici, et c’est ici aussi qu’on peut les combattre.

L’un des avantages de la création de petits groupes autonomes décidant à la fois de leurs cibles et de leurs temporalités –pour qui ici regarderait la guerre d’un autre œil ou qui ailleurs n’aurait pas l’opportunité de fuir ou déciderait volontairement de rester–, pourrait ainsi par exemple résider dans le sabotage des intérêts capitalistes et stratégiques communs aux dirigeants des deux Etats et à leurs alliés, ne pouvant plus servir par la suite ni à l’un ni à l’autre quel que soit le vainqueur. Une autre possibilité certes, mais qui ne peut pourtant nulle part tomber du ciel au vu des difficultés à affronter, en nécessitant peut-être de l’avoir déjà développée et préparée avant, notamment à l’aide d’instruments organisationnels facilitant le partage d’efforts, de connaissances et de moyens adéquats. Cette vieille question des intérêts en jeu agitait d’ailleurs déjà les réseaux de résistants hexagonaux sous occupation allemande, dont le commandement comme les services anglo-américains insistaient bien entendu sur le fait que leurs sabotages industriels de tels sites et structures sensibles restent surtout réversibles en ne faisant que ralentir la production ennemie, ou ne viennent détruire que des objectifs non-critiques au futur redémarrage du pays.

Sujets. Dans cette guerre sale, faute d’engager pour l’instant d’intenses combats en zone urbaine, l’armée russe procède depuis plusieurs semaines à l’encerclement et à d’intenses bombardements sur plusieurs villes, selon une tactique déjà éprouvée à Alep. A Marioupol par exemple, où 300 000 personnes survivent assiégées dans de terribles conditions, beaucoup ont dû comprendre à leurs dépens qu’elles étaient en réalité prises en otage sous le feu des deux Etats. Au milieu des immeubles éventrés, c’est ainsi à leur propre armée que de nombreux petits groupes de civils affamés doivent faire face en sortant des abris pour se rendre en quête de nourriture dans les commerces abandonnés.

Afin de maintenir son monopole sur les ruines et de continuer d’affecter prioritairement toute ressource aux hommes en armes, l’État ukrainien a ainsi confié aux volontaires des brigades de Défense territoriale (Teroborona) non seulement la tâche de protéger en deuxième ligne ses infrastructures critiques, mais aussi celle de préserver l’ordre public, qui concerne par exemple les tentatives de pillages des désespérés. Pour un Etat qui a décrété la loi martiale en tolérant essentiellement dans les villes bombardées des formes d’auto-organisation encadrées permettant de suppléer ses propres carences, le devoir patriotique serait bien entendu d’attendre ses miettes le ventre vide en buvant l’eau des radiateurs, puisqu’il est bien connu que les pillages de la sacro-sainte propriété désertée ne peuvent relever que de soldats ennemis ou de traîtres, comme le martèlent ses ordres du jour. Et au-delà de la situation tragique de Marioupol, c’est la même logique qui est mise en œuvre dans la capitale Kiev au fur et à mesure de son encerclement par les troupes russes, cette fois avec des couvre-feu dont le dernier en date n’était plus nocturne mais de 36 heures d’affilée afin de donner la priorité à l’armée et à la police, considérant « toutes les personnes se trouvant dans la rue pendant cette période comme des membres des groupes de saboteurs ennemis », avec les conséquences qui s’en suivent.

Là encore, affirmer qu’en temps de guerre l’État impose sa main de fer davantage encore qu’en temps de paix non seulement sur les esprits mais aussi sur les corps de tous ses sujets, n’est pas qu’un simple poncif éculé : chair à canon ou chair à bombardements, en quête de nourriture ou de complices pour s’auto-organiser hors des carcans étatistes, voire simplement pour respirer un autre air que la promiscuité des abris ou comprendre la situation par soi-même, tout individualité est sommée de s’effacer de gré ou de force sur l’échiquier des deux armées en présence. Une situation qui s’étend évidemment jusqu’aux frontières occidentales de l’Ukraine, que plus de trois millions de personnes réfugiées ont déjà franchies… après avoir été dûment contrôlées pour en écarter tous les hommes entre 18 et 60 ans aptes au service. Si une vague d’entraide avec les familles s’est propagée des deux côtés de la frontière, l’un des aspects les plus remarquables concerne cependant la solidarité ténue qui commence à se mettre en place malgré l’hostilité d’une partie des habitants, avec ceux qui refusent de combattre et n’ont pas tous la possibilité de verser 1500€ aux gardes-frontières ukrainiens corrompus. Notamment grâce à l’établissement de faux certificats médicaux ou de dons de passeports biométriques, seul document officiel accepté en Hongrie ou en Roumanie pendant les deux premières semaines du conflit afin de laisser pénétrer les réfugiés sur leur territoire.

Trier, sélectionner, prioriser, enregistrer, classifier pour séparer aux frontières les bons pauvres des mauvais (y compris selon leur nationalité, comme l’ont constaté sur leur peau les ressortissants des pays africains) n’est bien entendu pas une spécificité de l’État ukrainien en guerre, mais la continuité d’un vaste enfer de collaborations interétatiques, de marchandages économiques et d’impératifs géostratégiques. C’est comme cela que les uns sont condamnés à se noyer en Méditerranée, les autres à croupir dans des camps du HCR afin d’être fixés sur des territoires voisins, et les derniers à servir glorieusement leur patrie ou comme esclaves salariés dans des pays riches toujours en quête de main d’œuvre exploitable à vil prix. Car en fin de compte, la férocité du pouvoir –qui ne se révèle jamais tant qu’à travers les guerres, la misère et les massacres qu’il engendre–, tient d’abord peut-être à cela : sa prétention intrinsèque à régner en maître au nom de ses propres intérêts sur le territoire qu’il contrôle, tentant alors de transformer chaque être qu’il dirige en sujets remplaçables, au prix de leur anéantissement comme individus.

Urgence. Depuis de nombreuses années, des vagues de menaces sont brandies et instrumentalisées à tout bout de champ pour distiller la peur, au sein d’une gestion toujours plus militarisée de la « paix » sociale : terrorisme, catastrophe écologique, Covid-19… ou désormais possible embrasement nucléaire dans l’extension du conflit qui brûle aux confins de l’Europe. Et naturellement, la petite musique d’énièmes sacrifices à consentir en rangs d’oignons derrière l’État devient ici aussi chaque jour plus stridente. Mais sur le fond, peut-être est-ce vrai qu’il y aurait quelque chose à sacrifier sans même avoir besoin de parcourir des milliers de kilomètres. Car tout ce vaste système de mort à grande échelle n’est-il pas alimenté par une énergie, une industrie, des transports, des communications et une technologie qui défilent quotidiennement juste sous nos yeux ? Renvoyer la guerre au monde qui la produit en interrompant son ravitaillement, serait alors une autre manière de rompre les rangs de l’ennemi, en dispersant partout le conflit contre lui.

[anarchie!] La guerre commence ici

Source : anarchie! n°23, mars 2022

Cela fait des semaines que flottait un air vicié par les annonces et les signes de sa réalisation imminente, et voilà, la guerre a éclaté. Une nouvelle guerre, cette fois aux portes de l’Europe. Un récit taillé sur mesure est déjà dans les esprits et sur de nombreuses lèvres : c’est la faute de Poutine. Une formule simple, dont découle ceci : puisque la Russie est le camp du Mal, alors ses ennemis et adversaires ne peuvent qu’être dans le camp du Bien. L’entreprise de production et façonnement des opinions qu’est la communication moderne n’a rien d’une activité esthétique ni spirituelle, bien au contraire, le but poursuivi est tout ce qu’il y a de plus pratique : produire des attitudes et des comportements et en bannir d’autres. En l’occurrence, le grand récit dont on nous abreuve à longueur de journée vise entre autres à mettre en rang la population entière derrière la perspective d’une intervention de l’armée française et d’un affrontement militaire direct (pour l’instant peu probable), autant qu’à faire passer l’engagement protéiforme de l’État français et de ses alliés dans cette nouvelle guerre pour une cause juste. Animés par de louables intentions, les intérêts des capitalistes et des États coïncideraient alors soudainement avec ceux de tout un chacun. Il faut pourtant rappeler une évidence : la cause de la guerre qui déchire l’Ukraine aujourd’hui, comme de toutes celles qui l’ont précédée, réside justement dans l’existence des États. Historiquement, l’État est né de la force militaire ; il s’est développé en se servant de la force militaire ; et c’est encore sur la force militaire qu’il doit logiquement s’appuyer pour maintenir ou étendre sa puissance, qu’il s’agisse de la Russie ou des pays de l’Otan. Si l’existence des individus (civils et militaires) qui meurent des deux côtés du front est censée appartenir à deux charognes différentes, en réalité seule la couleur de leurs drapeaux respectifs diffère mais leur nature est la même : qu’il soit russe ou ukrainien, l’État est toujours l’oppression organisée au profit d’une minorité de privilégiés.

Quand il y a un siècle la Première Boucherie Mondiale terrassait des millions de vies, entraînant dans ses logiques guerrières la quasi-totalité de feu le mouvement ouvrier et révolutionnaire pourtant censé soutenir que, de par leurs conditions d’exploitation similaires, les prolétaires appartiennent au même camp quel que soit leur pays d’appartenance, des anarchistes internationalistes rappelaient que : « Le rôle des anarchistes quels que soient l’endroit ou la situation dans lesquels ils se trouvent, dans la tragédie actuelle, est de continuer à proclamer qu’il n’y a qu’une seule guerre de libération : celle qui, dans tous les pays, est menée par les opprimés contre les oppresseurs, par les exploités contre les exploiteurs. Notre rôle, c’est d’appeler les esclaves à la révolte contre leurs maîtres. La propagande et l’action anarchistes doivent s’appliquer avec persévérance à affaiblir et à désagréger les divers États, à cultiver l’esprit de révolte, et à faire naître le mécontentement dans les peuples et dans les armées. » La guerre totale mobilisant chaque aspect de la vie et chaque pan de la société ne pouvait être arrêtée que par l’action directe des prolétaires eux-mêmes, par leur insubordination au travail comme au front, en bloquant la production, en désobéissant aux supérieurs, en les désarmant, en se mutinant, en interrompant la mobilisation guerrière, en désertant, en s’insurgeant. En somme, c’est toute une organisation de la vie autour de l’État et de ses impératifs guerriers qu’il s’agissait de désarticuler et de désordonner.

La guerre des États entre eux a toujours besoin de la paix sociale, et les appels à l’union et à la solidarité nationale qui fusent de toutes parts n’ont pas d’autres objectifs que d’imposer une trêve interne dans un contexte qui ne brille déjà malheureusement pas par sa conflictualité. Les analyses géopolitiques et les calculs raffinés sont inutiles pour repousser la guerre, cela ne pourra se faire qu’en brisant le front intérieur qui s’érige jour après jour, en minant l’unité nationale, en s’opposant à la militarisation de la société et du langage qui ne date pas d’aujourd’hui (« guerre contre le terrorisme », « guerre contre le virus »…), en affirmant haut et fort que nous ne partageons pas plus les perspectives belliqueuses des pays de l’Union Européenne et de l’Otan que celle de La Russie de Poutine, et en incitant ouvertement au défaitisme : il s’agit de transformer la guerre des États entre eux en une guerre contre les États.

Quelle pourrait alors être une pratique cohérente avec la perspective internationaliste et antimilitariste que soutiennent les anarchistes ? Comment être « solidaires » avec ceux qui, en Russie et en Ukraine, s’opposent à la guerre et à leur propre État, s’exposant à la mort, aux emprisonnements et aux tortures ? Cela peut consister entre autre à s’en prendre, sur le territoire où l’on vit, à « son » État, à « ses » patrons et industriels, à « son » patriotisme, à « son » économie, à « son » militarisme. Car si ce n’est évidemment pas leurs défenseurs et leurs partisans qui subiront les conséquences directes des jeux de pouvoir entre les États et des affrontements pour leur puissance, mais les personnes vivant en zone d’affrontement militaire, à la portée des balles, des bombes et des destructions, il s’agit alors de briser ce sentiment des puissants d’être à l’abri. Puisqu’une des conséquences économiques de la guerre est l’augmentation du coût de l’énergie, du carburant et des matières premières, et par conséquent de tous les biens de consommation, et que l’acceptation de cette augmentation est d’ores et déjà présentée comme un effort de guerre, il s’agit plus que jamais de tenter de nuire à l’économie et au cours normal de l’exploitation, de la production et de la consommation.

Pour être menée chaque guerre a besoin d’une montagne d’armes, d’engins et de matériels militaires qui sont en permanence produits dans des usines en apparence banales par des travailleurs se levant chaque matin pour aller faire leur petite besogne quotidienne. Contre la guerre, il est donc nécessaire d’essayer de tout bloquer. Bloquer et saboter la recherche de mort dans les laboratoires et les universités, bloquer et saboter les usines de mort, bloquer et saboter les communications et les accès ainsi que les échanges de données, bloquer et saboter la logistique de mort qui permet la circulation et l’acheminement, par voies terrestres, aériennes et maritimes, d’armes, de munitions, de véhicules et de matériels de guerre. Le bal des hypocrites, ces dirigeants, experts, économistes et autres journalistes qui se félicitent et acclament chaque mois la signature d’un nouveau maxi-contrat de vente d’armes et autres véhicules militaires à un autre État, tandis qu’ils semblent maintenant découvrir et s’inquiéter du fait que la guerre empile les morts – car, étonnamment, les balles et les obus tuent ! –, est révélateur d’au moins une chose : les guerres et la militarisation sont produites ici, elles sont préparées et projetées ici, elles rapportent de juteux profits en grande partie ici (comme en témoignent magistralement le record de bénéfices de l’entreprise Dassault Aviation pour l’année 2021 ainsi que la hausse de plus de 30% des titres en Bourse de Thalès dans un contexte de baisse généralisée). Face à cela, il s’agit en somme de mener la guerre à la maison.

Enfin, et bien que cela puisse sembler étonnant de dire ça dans le climat de guerre actuelle, il est impossible de faire une distinction fondamentale entre temps de guerre et temps de paix, entre autres raisons parce qu’un des piliers du militarisme aujourd’hui et depuis une centaine d’années est la recherche duale, visant « simultanément à maximiser les retombées civiles de la recherche de défense et à faire bénéficier le domaine de la défense des avancées de la recherche civile », comme cela est très clairement assumé par le délégué général pour l’armement responsable du programme n°191 Recherche duale (civile et militaire) dans le budget 2022, et comme en témoigne l’existence de la panoplie d’objets électroniques qui tapissent notre quotidien. Si cela pouvait au moins faire taire ceux qui croient encore à l’importance du rôle de la science et de la recherche technologique pour le « progrès humain », ou au moins les convaincre qu’elles ne sont pas neutres, nous tirons pour notre part une conclusion supplémentaire que nous invitons à partager avec toutes celles et ceux qui se soucient de lutter contre la guerre : en temps de guerre ou en temps de paix, il est nécessaire de se pencher sur les acteurs, les intérêts et les structures qui, enchevêtrées, rendent concrètement la guerre possible et de chercher les rouages de cette industrie, pour tenter de se donner les moyens de saboter la machine de guerre. Si celle-ci s’incarne dans de grands groupes (à savoir Nexter, Panhard Defense et Arquus pour le terrestre, EADS, SAFRAN et Dassault pour l’aéronautique, Thales et Sagem pour l’électronique, Naval Group pour la navale et MBDA pour la missilerie), l’industrie militaire s’appuie aussi sur des milliers de petites entreprises tout aussi indispensables et bien plus accessibles. En ayant en plus à l’esprit que les productions d’armement et d’engins de guerre, de systèmes de défense et de sécurité, de surveillance et de contrôle qui servent à faire la guerre sont les mêmes que celles qui arment le bras de la répression ici.

La paix restera un vain mot tant que nous n’aurons pas détruit tous les États et leurs frontières, tant que fleuriront les intérêts de ceux qui s’enrichissent sur l’exploitation et sur la guerre, ceux qui l’ont voulue, ceux qui l’étudie, ceux qui la fomentent, ceux qui la promeuvent, ceux qui la financent, ceux qui la préparent, bref de tous ceux qui de près ou de loin collaborent avec elle. Quelles que soient leurs nationalités, ce sont eux que nous reconnaissons comme nos ennemis, car ils seront toujours des ennemis de la liberté.

[Exploités énervés] Contre la guerre de Poutine et de l’OTAN, soulevons-nous en Ukraine, en Russie, en France !

Source : https://exploitesenerves.noblogs.org/ales-rassemblement-contre-la-guerre-en-ukraine-vendredi-4-mars-18h/

Les guerres des dirigeants, les intérêts des riches, ne sont pas les nôtres, à nous travailleurs, chômeurs, exploités de tous les pays. Pourtant, ce sont nous, prolétaires civils ou militaires des deux côtés, qui en faisons les frais.

LEURS GUERRES FONT NOS MORTS.

Nous paierons tous le prix de la guerre indirecte que se livrent les États occidentaux et la Russie. Les classes populaires ukrainiennes meurent ou partent en exil. Celles de Russie sont réprimées dans les manifs et paieront financièrement les dépenses militaires russes. Ici, on paiera la flambée des prix (en particulier du gaz), sans compter le risque d’élargissement du conflit à toute l’Europe…

Contre l’intervention du dictateur Poutine en Ukraine !
Contre la répression de l’État russe au Kazakhstan comme dans les rues de Moscou !
Contre l’union sacrée derrière Macron et l’OTAN !
Contre les intérêts économiques des capitalistes français, européens, occidentaux !

Les seules perspectives, ce sont des révoltes et des soulèvements de la classe des exploités d’Ukraine, de Russie, d’Allemagne, de France… Les travailleurs kazakhs, dans la foulée des Gilets jaunes et des combattants de Hong Kong et d’ailleurs, ont mené une lutte féroce. A nous tous de reprendre ces combats !

Nous ne pouvons compter que sur nos propres forces pour arrêter les catastrophes écologiques, sanitaires, économiques et militaires qu’ils nous préparent et renverser le système capitaliste mortifère.

À bas la guerre !
Vive l’internationalisme !
Vive la révolution !

[La mouette enragée] Paix aux chaumières, guerre aux palais !

Source : https://lamouetteenragee.noblogs.org/post/2022/03/05/paix-aux-chaumieres-guerre-aux-palais/

Internationalistes, nous refusons de nous laisser enrégimenter par l’un ou l’autre des deux camps qui ont jeté leur dévolu sur le territoire de l’Ukraine pour s’affronter militairement.

Chacun à leur échelle, Poutine, Zelensky, Macron, Biden et consorts ne sont que des courtiers du Capital. En affaire un jour, nouant des alliances de circonstance, ils s’empresseront de les renverser au besoin et de s’affronter le lendemain si la protection ou l’expansion de leurs zones d’intérêts l’exigent. Ce petit jeu se termine toujours mal pour les populations qui en font les frais. C’est à un de ces dramatiques coups de théâtre auxquels nous assistons impuissants depuis peu. Un de ces événements qui, durant tout le XX° siècle, ont accompagné au rythme des convulsions du capitalisme les menées impérialistes des Etats. A tort, les populations de la vieille Europe se croyaient désormais épargnées par les conflits armés. Elles se figuraient les guerres reléguées aux confins des zones périphériques. Pourtant, la dislocation de la Yougoslavie et son partage en zones d’influence sous la pression des puissances impérialistes sonnait à l’époque comme une mise en garde.

A bas tous les nationalismes !

Que le Kremlin abrite des canailles sanguinaires ne laisse planer aucun doute. Nous sommes conscients que Poutine et sa mafia ne reculeront devant aucune atrocité afin d’atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés. Sa volonté s’accomplira au prix de la répression des populations qu’il tient sous sa coupe, voire des secteurs de sa propre bourgeoisie qui auraient l’intention d’entraver ses plans. Mais il fait beau voir l’Etat français donner la leçon à son homologue russe. Entendre Macron, comme avant lui ses prédécesseurs, pontifier sur la démocratie et les valeurs de l’Europe face à un tyran ou à un fou relève de l’invitation à la rêverie. Il suffit de jeter un coup d’œil, même rapide, sur la politique internationale que mène l’Etat français en matière de soutien aux dictatures et de commerce des armes pour comprendre combien, chez ces gens-là, les belles paroles s’envolent dès que se profilent de potentiels intérêts commerciaux ou stratégiques. Il semblerait même qu’une victime civile des pilonnages de l’Otan en Libye n’ait pas la même valeur qu’un martyr de la guerre en Ukraine. Du moins, peut-on le supposer depuis que Natacha Bouchard, la maire de Calais d’habitude peu réceptive à l’adversité qui frappe les exilés errant aux alentours de sa ville, s’estinexplicablementouverte aux souffrances de réfugiés en provenance d’Ukraine…

Guerre de classe !

Certains se demandent comment agir ou intervenir en réaction à cette guerre. D’abord, en refusant de jouer les va-t-en-guerre et de tomber dans le piège de l’Unité Nationale et du poison patriotique, quel qu’il soit. Ensuite, comme d’habitude, en réclamant la libre circulation des personnes et l’ouverture des frontières, de toutes les frontières. Enfin, nous savons que notre camp, celui des travailleurs et des chômeurs, celui des prolétaires sera le premier et le seul à payer le prix fort de cette aventure criminelle. C’est donc, en Ukraine, en Russie, en France et ailleurs contre nos propres bourgeoisies que nous devons mener l’offensive. Macron, encore lui, entend nous protéger, dit-il. Lui, qui durant la pandémie n’a su qu’incarcérer à domicile l’ensemble de la population et dépecer l’hôpital public nous promet déjà, s’il est reconduit dans ses fonctions, de nous faire crever au travail.

Cette guerre et ses conséquences s’offrent comme un nouveau moyen d’étouffer dans l’œuf toute contestation sociale à venir. Nous devons au plus vite reprendre le chemin de la mobilisation dans les entreprises, dans les quartiers et dans la rue. Nous devons, dans la mesure du possible, tenter d’établir des contacts avec celles et ceux qui dans les Etats aux prises dans ce conflit tentent de s’y opposer. En Russie, par exemple, des féministes, bravant la répression d’État, constituent l’un des mouvements sociaux les plus actifs. Désormais, elles s’unissent dans la résistance contre la guerre de Vladimir Poutine en Ukraine.

Contre le chaos capitaliste, pour la révolution sociale !

Cette guerre n’est qu’une catastrophe supplémentaire qui s’ajoute à la longue liste des méfaits d’une civilisation capitaliste frappée de crise profonde, et peut-être même agonisante. Face au chaos qui est là, à la montée des nationalismes et des replis identitaires, nous devons retrouver le chemin qui mène à l’émancipation sociale et à la solidarité de classe internationale. La nécessité d’un nouvel horizon pour l’humanité s’impose donc avec acuité, mais cet espoir ne sortira pas des urnes, ni ici, ni ailleurs, ni demain, ni jamais. A bas la guerre ! A bas tous les gouvernements !

Cette exigence politique remet la nécessité de la Révolution Sociale à l’ordre du jour !

Boulogne-sur-mer, le 05/03/2022

[A$AP Révolution] Contre la guerre, guerre de classe !

Source : https://asaprevolution.net/index.php/2022/04/09/contre-la-guerre-guerre-de-classe/

En Ukraine, la guerre initiée par l’invasion du pays par l’armée russe fait toujours rage. Certains veulent nous présenter cette guerre comme la résistance glorieuse de tout le peuple ukrainien face au fascisme russe, d’autres comme la réponse légitime de la Russie à l’impérialisme de l’OTAN.

La vérité c’est que dans la guerre ce sont toujours les mêmes qui meurent ; ceux qui sont trop pauvres pour s’enfuir, qui n’ont pas l’argent ou les relations pour échapper à l’enrôlement forcé, obligés aujourd’hui d’aller garnir les tranchées pour défendre les intérêts des exploiteurs d’hier, qui les exploiterons encore demain. En bref les prolétaires, ceux qui comme nous, vous, toi, n’ont pas d’autres choix pour vivre que d’aller chaque jour vendre son temps et son corps pour enrichir les patrons de tous les pays. La guerre fait rage au-delà des frontières, ceux qui ne meurent pas sous les bombes, subiront la famine engendrée par les sanctions et les répercussions économiques, même à des milliers de kilomètres de la ligne de front.

Alors qu’une partie de l’appareil d’État russe semble déterminé à continuer la guerre quelles que soient les pertes humaines, les capitalistes au pouvoir en Ukraine ont décrété la loi martiale. Ceux qui se servent dans les commerces, pour se nourrir ou améliorer l’ordinaire sont punis sévèrement, humiliés, parfois exécutés. Ceux qui travaillent encore sous les obus voient leurs salaires réduits à néant au nom de l’effort patriotique. Les capitalistes russes eux, envoient des soldats russes, biélorusses, ossètes ou tchétchènes mourir et tuer pour leurs profits. Une partie des soldats sont des conscris, engagés de force et envoyés au combat.

Face à cette situation de nombreuses et régulières manifestations se sont tenues en Russie. Des cheminots biélorusses ont saboté des voies ferroviaires pour empêcher l’approvisionnement logistique des lignes de front. Des travailleurs de l’aéroport de Pise, en Italie, ont refusé de charger des armes à destination de l’Ukraine. Malgré la féroce répression, des prolétaires se lèvent contre cette guerre qui n’est pas la leur.

Les pays occidentaux et ceux de l’OTAN, qui après avoir pillé, envahi, bombardé à peu près l’entièreté du globe au nom du progrès puis de la démocratie, peuvent de nouveau se faire passer pour le camp de la paix et de la raison.

L’Etat russe à la traîne de l’économie capitaliste, se lance dans une guerre d’expansion : situation dramatique pour ceux qui crèvent sous les bombes mais opportunité pour les capitalistes ! Une réorganisation du marché mondial de l’énergie est désormais nécessaire sur fond d’économie verte. Un plan forcé mais bienvenu pour les capitalistes européens et nord-américains, tant les investissements et les potentiels profits sont colossaux.

Cette réorganisation ira bien au-delà de la question énergétique, les blocs se redessinent, l’appel à la nation ou à la souveraineté n’est qu’un leurre à la nécessaire remise en concurrence entre les États menacés de récession mais surtout entre les travailleurs.

Le vernis idéologique nationaliste cherche à galvaniser les foules pour faire travailler encore plus et moins cher pour soutenir l’effort de guerre et faire oublier aux travailleurs que leurs intérêts sont les mêmes que ceux de la tranchée d’en face.

Les migrants ukrainiens sont soi-disant répartis chaleureusement par pays et selon leur qualification. Dans la réalité, c’est une tente de la Croix-Rouge qui sera leur zone d’attente avant redistribution vers une nouvelle exploitation.

“Nous sommes en guerre”, c’est avec cette phrase, que Macron a ouvert la séquence Covid avant d’ériger la résilience en mot d’ordre pour la nation. Dans la lignée du discours militariste produit par les États du monde entier depuis le début de la pandémie, pour nous faire accepter un nouveau serrage de ceinture. Ici comme partout les prix montent, grimpent, EXPLOSENT ! Cette hausse des prix déjà bien entamée avant le début du conflit trouve une justification toute faite dans les affrontements qui ont lieu en Ukraine. Pour ceux qui nous dirigent on devrait baisser le chauffage, réduire notre consommation de ceci ou cela, continuer à aller trimer en payant l’essence deux euros le litre !

N’oublions pas que la guerre des Etats c’est la paix capitaliste par d’autres moyens. Nous ne réclamons pas la paix, qui n’est chère qu’aux démocrates que parce qu’elle permet d’accumuler. Contre l’horreur de cette société où tout est basé sur le profit, nous voulons la guerre de classe !

Contre le bruit mortel des bombes, et le brouhaha médiatique qui veut nous conduire aux urnes, aiguisons nos couteaux, reprenons la rue, la grève, les blocages : passons à l’offensive contre l’exploitation !

[Proletarchiv] Commentaire critique sur l’orientation politique du texte de Kolektivně proti Kapitálu – Mouvement Communiste

Présentation de Guerre de Classe

La contribution suivante, écrite et envoyée par des camarades du projet Proletarchiv, aborde de manière critique un texte du groupe Collectivement contre le Capital – Mouvement Communiste (KPK/MC). Comme son titre le suggère, elle s’oppose aux différentes positions concernant la guerre en Ukraine soutenues non seulement par le KPK/MC, mais aussi par d’autres groupes et organisations.

C’est pourquoi en publiant cette contribution critique, nous ne voulons pas mener une quelconque guerre privée contre le KPK/MC. Au contraire, nous voulons souligner la critique communiste en général de la guerre bourgeoise contre tout « soutien critique », « défense légitime contre l’attaque impérialiste », etc., qui (volontairement ou involontairement) entraînent le prolétariat dans la guerre bourgeoise, le sacrifient sur l’autel de la patrie et de la nation et en font de la chair à canon.

Contre la tentative du KPK/MC de pousser le prolétariat à défendre le régime démocratique comme étant soi-disant plus favorable à la lutte des classes, contre leur définition du défaitisme révolutionnaire comme « soutien critique à la résistance », le texte met en avant la seule position possible des communistes contre la guerre : la lutte du prolétariat contre sa « propre » bourgeoisie et son « propre » Etat national. C’est le défaitisme révolutionnaire, qui ne peut signifier autre chose que le fait que le prolétariat doit combattre l’ennemi, qui est dans son « propre » pays, pour provoquer sa défaite et contribuer ainsi à l’unification du prolétariat mondial sur une base révolutionnaire. Pour citer directement le texte : « La cible de la résistance prolétarienne doit être la bourgeoisie et le capital, et non pas, comme le dit le KPK/MC, l’un des belligérants. Si les prolétaires doivent verser leur sang, c’est uniquement pour leurs propres intérêts. [C’est-à-dire dans la lutte révolutionnaire pour que plus jamais de sang ne soit versé. Note de GdC] La paix n’est pas une utopie bourgeoise, mais un mot d’ordre de mobilisation et un but dans l’avenir après avoir vaincu le capitalisme par la guerre de classe. »

Nous considérons également un autre point fort du texte qui définit l’Etat comme la « violence organisée d’une classe contre une autre ». Une telle définition est en nette opposition avec la définition sociale-démocrate de l’Etat (quelle que soit la famille idéologique qui l’incarne, « anarchistes », léninistes, syndicalistes…) qui l’identifie au « gouvernement » qui, selon cette logique, doit être soit renversé, soit soutenu (comme le suggère le KPK/MC dans le cas de l’Ukraine) ou même pris sans qu’aucun changement social réel n’ait lieu.

Contre le soutien du « mouvement démocratique » préconisé par le KPK-MC, expliquant que « la dictature ouverte constitue un terrain moins favorable à la lutte de classe que la démocratie libérale », le texte affirme clairement qu’il n’est pas dans l’intérêt du prolétariat de défendre une forme plutôt qu’une autre mais de s’organiser en classe pour défendre ses propres intérêts : « Les communistes ne sont pas des démocrates poursuivant une politique démocratique enrichie par la critique du capitalisme, ils ne sont pas non plus ceux qui attendent un terrain démocratique approprié pour leur lutte de classe, et ils n’incitent pas les prolétaires à se battre pour des procédures démocratiques. »

Nous pourrions ajouter la critique exprimée plus bas dans le texte selon laquelle il n’est bien sûr pas possible pour nous, communistes, de défendre la démocratie contre la dictature, comme cela est clairement exprimé dans le texte, car ce sont les deux faces d’une même pièce, la dictature du capital, c’est aussi la démocratie qui est l’essence même du capitalisme. À ce niveau d’analyse, il ne s’agit pas d’une sphère spécifique ou d’une simple forme d’administration du capital, mais de l’essence immuable qui maintient en vie la société du capital en atomisant les prolétaires et en unissant en même temps les individus-citoyens libres sur la base fictive de la fausse communauté des citoyens : c’est-à-dire le peuple. En ce sens, il s’agit de la négation pratique de l’existence de classes aux intérêts mutuellement antagonistes et de la reproduction conséquente de la communauté de l’argent dans laquelle les propriétaires de marchandises se réunissent en tant que sujets juridiquement libres et égaux, bien qu’il s’agisse toujours de la relation entre la bourgeoisie en tant qu’unique propriétaire des moyens de production et les prolétaires qui ne possèdent rien d’autre que leur propre force de travail.

Ainsi, si les régimes « démocratiques » et « totalitaires », quelle que soit leur forme extérieure, sont tous deux essentiellement des matérialisations de la dictature du capital, c’est en même temps la démocratie comme force d’atomisation et de négation du prolétariat au profit de la fausse communauté des citoyens et de la nation qui est l’essence de cette dictature.

C’est pourquoi les communistes ne sont pas seulement opposés à la fausse dichotomie « démocratie » versus « dictature », mais aussi contre la démocratie en tant que telle, qui est l’essence même de la dictature du capital.

Guerre de Classe – Juin 2022

Commentaire critique sur l’orientation politique du texte de Kolektivně proti Kapitálu – Mouvement Communiste « Ukraine : Évolution de la situation et points fermes théoriques »

Reçu par email et traduit par nos soins

Le texte accepte l’orientation guerrière de la bourgeoisie occidentale et la relie aux intérêts du prolétariat. Dans le texte, le K.P.K.-M.C. élabore une grille d’analyse qui soutient leur conclusion politique spéculative en s’écartant à la fois des preuves et du réalisme.

L’impérialisme a été échangé contre le colonialisme dans leur texte en 2022. Cependant, il n’y a plus de colonies à conquérir dans le monde, les puissances mondiales sont développées, elles ont divisé leurs sphères d’influence et ne font que repousser les frontières et la profondeur de leur influence dans le monde. Ici, aucune nation n’a d’espace pour l’indépendance. Ce n’est qu’un autre point d’appui du K.P.K.-M.C., une affirmation sans fondement, qui soutient l’orientation suivante du texte.

Le prétendu terrain démocratique de l’Ukraine est censé être l’environnement le plus objectivement progressiste pour une future activité de classe. Ils dessinent les évolutions possibles des actions futures des travailleurs (qui, pour des raisons connues d’eux seuls, se feront par étapes et non spontanément). Ils ont des plans pour les activités progressives du prolétariat – mais ce ne sont que des scénarios spéculatifs pour l’avenir destinés à justifier la poursuite de la collaboration interclasse aujourd’hui.

Le texte renforce la désorientation quant à ce que sont et ce que ne sont pas les intérêts de classe dans le conflit russo-ukrainien. Les questions sociales actuelles et les intérêts immédiats de notre classe ont été encore plus relégués à l’arrière-plan par la guerre bourgeoise (les retards occasionnels dans le paiement des salaires et des pensions sont quelque chose que le prolétariat devrait accepter) et ces niveaux (les besoins quotidiens immédiats des prolétaires) sont négligés dans le texte du K.P.K.-M.C.

L’escalade analytique occasionnelle – « L’État ukrainien s’est effondré sur pieds, en une dizaine de jours » /citation de K.P.K.-M.C./ peut difficilement être acceptée en comparaison avec les informations quotidiennes provenant des activités des institutions d’État (certes corrompues) et des entreprises d’État et des villes de la région de Transcarpathie (offices pour l’emploi, réunions du conseil municipal, contrôles existants : du stationnement aux transports publics en passant par le maintien de l’ordre et la lutte contre la criminalité ordinaire ainsi que l’improvisation pour faire face aux nouvelles situations causées par la guerre) ou la volonté des puissances occidentales de confier des armes et autres matériels au gouvernement ukrainien.

L’État au sens marxiste du terme, l’État en tant que violence organisée d’une classe contre une autre, ne s’est pas effondré. L’affaiblissement de certains de ses rôles existants ne signifie pas son effondrement. Le rôle social de l’État ukrainien a été réduit depuis de nombreuses années. Un exemple est celui des soins de santé, où chaque injection administrée par une infirmière est payée par le patient, où un séjour à l’hôpital nécessite un apport extérieur de nourriture de la part de la famille, car les services et la nourriture dans les hôpitaux sont misérables. Les exemples de misère sociale en Ukraine (et en Russie également) ne manquent pas.

1) Selon le K.P.K.-M.C., le point de vue national et l’intérêt national représentent les intérêts du prolétariat

« La population ukrainienne résiste à l’envahisseur. Et c’est plus que normal. La défense des villes et des villages est avant tout la défense de sa condition contre l’aggravation dramatique que la guerre provoque. La liberté d’un régime démocratique est, à ses yeux, préférable à une occupation militaire. La résistance au sens large doit être ainsi lue comme un mouvement démocratique armé. » /citation du K.P.K.-M.C./

Le K.P.K.-M.C. fait passer la défense de l’intégrité de l’Ukraine et des conditions qui y règnent pour une défense matérielle des conditions de vie. Le K.P.K.-M.C. ne tient pas compte de l’orientation idéologique générale, des motifs et de la compréhension des conditions de vie des travailleurs ukrainiens et ne fait que reproduire l’idéologie dans le texte, tout en parlant de liberté et de démocratie, tout comme en Occident. Les masses de travailleurs ukrainiens qui ont préféré aller travailler à l’étranger montrent que les conditions actuelles sont une réalité suffisamment misérable. De nombreux travailleurs ukrainiens quittent régulièrement pendant quelques semaines les campagnes économiquement mortes pour aller travailler dans les grandes villes, souvent à Kiev ou dans les grandes villes russes. Que défendent-ils ?

Le K.P.K.-M.C. ne prend pas la peine de décrire ce que signifie réellement « la liberté d’un régime démocratique », c’est-à-dire la loi sur la langue à l’encontre de plus de 20% de la population ukrainienne, l’interdiction depuis des années de tout parti, groupe ou symbole communiste, les peines de prison pour tout activiste de la politique séparatiste (pas seulement russe), le changement permanent des noms des rues selon des critères nationalistes, le nettoyage des places de l’influence russe, c’est-à-dire le démantèlement des statues de personnalités littéraires russes. Tortures, enlèvements, liquidation par le SBU de l’opposition pro-russe ou des entités désireuses de négocier avec leurs homologues russes. L’évolution se poursuit logiquement en réduisant les droits des travailleurs, en interdisant de nouveaux partis et groupes politiques, en punissant arbitrairement les pillards…

Le K.P.K.-M.C. ne prend pas la peine de donner une dimension réelle à ce choix du moindre mal en comparant la situation après l’occupation de la Crimée, c’est-à-dire de la restriction du pluralisme politique et de la parole publique à l’enlèvement, la torture et la persécution de militants indépendantistes, à la persécution de l’opposition politique ou de la minorité tatare. Ils ne perçoivent plus ces nuances de gris, comme ils aimaient eux-mêmes les utiliser autrefois.

Le contenu et les intentions démocratiques de l’auto-organisation loyaliste jusqu’ici volontaire sont surestimés. Il n’existe pas de mouvement fondé sur des principes et des droits démocratiques qui l’amènerait à entrer en conflit avec le gouvernement. Et même si c’était le cas, les intérêts de classe resteraient négligés en raison du contenu du mouvement lui-même.

Pendant ce temps, les travailleurs ukrainiens sont également témoins du banditisme, du comportement et du parasitisme de « leur » peuple.

  • Le pillage des maisons détruites et abandonnées est également commis par des unités de volontaires, alors que seuls certains sont punis.
  • Il existe un trafic de l’aide humanitaire, que l’État tente de combattre de manière inefficace, ainsi qu’un marché noir de l’aide étrangère.
  • Le prix des marchandises augmente, la situation de guerre est exploitée par les affairistes, l’État tente inefficacement de contrôler les prix des détaillants des produits de base par le biais de fonctionnaires facilement corruptibles.
  • L’Ukraine corrompue, armée depuis quelques années par l’étranger, ne dispose toujours pas de l’équipement de base pour ses soldats – bottes, gilets, casques… Les conscrits ukrainiens ou ceux qui se sont engagés dans l’armée pour gagner de l’argent préfèrent acheter ou se procurer autrement le matériel nécessaire au front.
  • Les hôpitaux ne sont pas en mesure de soigner les soldats estropiés de manière adéquate et gratuite (l’État ukrainien ne dispose même pas de prothèses pour ses militaires estropiés).
  • Les prolétaires qui ne paient pas les certificats nécessaires pour quitter le pays ou qui n’ont pas assez d’argent pour payer les contrôles aux frontières sont renvoyés dans leur pays. Les chômeurs aptes au travail sont détenus à l’intérieur du pays.
  • L’État ukrainien peut critiquer certains de ses voisins et apprendre à ses habitants à les haïr, mais ses bras sont toujours grands ouverts pour recevoir leur aide. L’État ukrainien est un gouffre dans lequel l’aide étrangère disparaît tandis qu’une partie seulement parvient aux prolétaires qui en ont le plus besoin.

2) « Le patriotisme est le liant et constitue la principale limite de ce mouvement. En outre, au sein de la résistance agissent en toute impunité et avec une popularité croissante des formations paramilitaires d’extrême-droite qui ont montré leur capacité de combat dans le Donbass. La forme de la résistance est malheureusement polluée par le patriotisme. » /citation du K.P.K.-M.C./

Il n’y a rien de pur sous la surface ; le patriotisme n’est pas une expression extérieure comme le K.P.K.-M.C. le présente. Le nationalisme est inhérent à ce mouvement démocratique bourgeois et c’est l’un de ses principaux contenus. Ce mouvement est une extension bon marché de la faiblesse de État ukrainien, il est coordonné par le gouvernement ukrainien, et c’est un organe provisoire de l’État. Il n’a aucune autonomie politique ou autre, et c’est aussi pourquoi le K.P.K.-M.C. n’en apporte aucune trace. Au contraire, les réseaux cachant les déserteurs et ceux qui ont refusé d’être mobilisés (famille, amis, connaissances…) sont des exemples positifs mineurs.

3) « En acceptant la forme du combat que leur impose l’armée russe (la fixation et la défense territoriale) … » /citation du K.P.K.-M.C./

Il est nécessaire de mentionner un des facteurs et c’est que l’ennemi, par son approche, par ses actions, crée un espace qui est ensuite utilisé par les forces ukrainiennes pour combattre. Le début de l’invasion ne s’est pas fait dans un esprit de liquidation de la population, les Ukrainiens n’ont pas été confrontés au choix de « combattre ou mourir ». Ils profitent de l’espace de défiance qu’offrent les actions et l’approche de la Fédération de Russie.

La forme de la lutte est basée sur le contenu et il est mesquin de la part du K.P.K.-M.C. de tout mettre sur le dos de la Fédération de Russie. La guerre de classe trouvera d’autres formes, d’autres façons de s’adresser aux soldats russes, elle aura d’autres priorités dans son agitation et ses tâches pratiques, elle choisira les formes en fonction de leur contenu, mais bien sûr, ce n’est pas le sujet pour le moment. La forme de la lutte des Ukrainiens est l’expression du soulèvement citoyen bourgeois (ces milliers de moments pour l’Ukraine), rien de plus.

4) « Le premier devoir des communistes est d’encourager par tous les moyens (très faibles aujourd’hui) le mouvement démocratique armé à s’émanciper de la tutelle symbolique de l’État ukrainien qui s’est effondré sur pieds. Il s’agit de faire appel à sa composante prolétarienne – très largement majoritaire parmi les volontaires – pour qu’elle ancre la résistance à la défense de ses propres intérêts contre son État et ses patrons, certainement prêts à tourner leur veste à la première occasion). » /citation du K.P.K.-M.C./

Tout d’abord, nous devons insister pour que ce soit clair – la classe ce n’est pas l’ensemble des travailleurs citoyennisés et embourgeoisés qui se battent pour la défense du territoire. Le mouvement bourgeois ne peut pas être changé ; on ne peut que rompre avec lui, s’en séparer. Le soutien critique à ce mouvement citoyen tel qu’il est aujourd’hui ne mène qu’au renforcement de l’État, à rendre le gouvernement actuel plus actif, à approfondir la guerre, à la rendre progressivement plus brutale, à augmenter le nombre de morts. Le soutien au mouvement démocratique armé n’est en réalité rien d’autre qu’un soutien à l’impérialisme occidental avec son gouvernement ukrainien. L’idée qu’on pourrait s’émanciper de l’Etat n’est qu’une forme de libertarisme bourgeois et non un changement en faveur des intérêts de classe. Les unités militaires qui deviendraient plus « non gouvernementales » dans le cadre de l’état actuel des choses ne deviendraient pas moins bourgeoises.

D’ailleurs, quel serait le contenu de la déconnexion du mouvement démocratique armé de l’État dans ce fantasme ? En attendant, à la demande du Quartier Général et du commandement des Forces Armées d’Ukraine (19.4.), le désarmement de la défense territoriale de l’ouest de l’Ukraine et le retrait d’équipements (Javelin, Stinger, NLAW) entre les mains de l’armée régulière doit avoir lieu. S’il y a un bras de fer pour obtenir des armes de l’occident, c’est entre le mouvement nationaliste bourgeois et le gouvernement actuel. Les deux acteurs sont hostiles aux intérêts de classe. Il faut en premier lieu parler du contenu, et non de la verticalité ou de l’horizontalité, de sa nature démocratique, des formes d’organisation du soulèvement citoyen.

Les communistes n’ont à s’occuper que des intérêts de leur propre classe, la bourgeoisie fait de même, et il n’y a pas de politique neutre. Les communistes doivent donc garder à l’esprit les intérêts immédiats des prolétaires, leurs intérêts de classe, leurs points de vue, leur perspective, et refuser de promouvoir un horizon plus démocratique du mouvement existant tel qu’il est imaginé par les partisans démocratiques du K.P.K.-M.C. Le « coopérativisme » dans la conduite de la guerre bourgeoise est absurde. Le prolétariat ne gagnera pas à renforcer la coopération interclasse dans cette situation. Sans parler du renforcement de la désorientation des prolétaires dans les autres pays.

5) « Tant qu’une polarisation de classe ne se produit pas au sein de la résistance populaire, les communistes n’ont pas à appeler à la constitution de brigades de volontaires prolétariens combattant pour la révolution sociale. Ce mot d’ordre n’a de sens que si les classes subalternes se dotent de leur propre plan politique et de leurs propres structures armées bien distinctes politiquement et militairement de la résistance populaire. » /citation du K.P.K.-M.C./

Un plan politique joliment organisé pour « la constitution de brigades de volontaires prolétariens » jusqu’à la constitution de « leurs propres structures armées » – bel idéalisme et schéma organisationnel gradualistes que le K.P.K.-M.C. nous sert ici. Nous devons faire appel aux intérêts de classe, aux revendications sociales et à la lutte sociale, qui, si elle naît dans cette situation, sera immédiate, élémentaire et spontanée. Même s’il n’y a pas assez d’oreilles prêtes à écouter une telle agitation, ce n’est pas une raison suffisante pour accepter la « plate-forme bourgeoise », qui sera de toute façon encline à des contenus bourgeois. Se rapprocher des prolétaires sociologiquement définis au sein du soutien national populaire de la guerre ukrainienne au prix d’une déviation des intérêts historiques du prolétariat est, comme nous le verrons plus loin, servi comme une recette pour la popularité des communistes. Une rhétorique moins stérile envers cette foule, cependant, est la rhétorique de la collaboration interclasse, c’est-à-dire le sacrifice du prolétariat pour la bourgeoisie.

6) « Pour autant, les communistes ne défendent pas une interprétation pacifiste du défaitisme révolutionnaire. La dégradation du défaitisme révolutionnaire en pacifisme s’exprime aujourd’hui par le rejet du soutien critique à la résistance selon le classique exercice de renvoyer dos à dos les « belligérants ». » /citation du K.P.K.-M.C./

Les deux camps sont bourgeois, mais pas identiquement les mêmes. Soutien critique = simplement un soutien. Les idéologues cherchent les profondeurs ésotériques auxquelles le prolétariat doit accéder pour unir ses intérêts à ceux de la bourgeoisie. La défense d’un régime soi-disant plus démocratique, qui est en grande partie une illusion, est évidemment plus importante, selon le K.P.K.-M.C., que la mort, la santé détruite et la destruction des modestes biens des prolétaires, de leurs maisons, de leurs conditions de vie par l’intensification de la guerre bourgeoise. Mais la cible de la résistance prolétarienne doit être la bourgeoisie et le capital, et non pas, comme le prétend le K.P.K.-M.C., l’un des belligérants. Si les prolétaires doivent verser leur sang, c’est uniquement pour leurs propres intérêts. La paix, non pas en tant qu’utopie bourgeoise, mais en tant que slogan mobilisateur, voire en tant que but dans l’avenir après le dépassement du capitalisme par la guerre de classe, n’est pas prise en compte ici, et par un réalisme pragmatique, le K.P.K.-M.C. arrive à une justification pour faire ami-ami avec la misère capitaliste du moment. Prolétaires, acceptez ce que vous avez, même si c’est une guerre bourgeoise, votre mort !

7) « C’est en appliquant cette ligne qu’à peu d’exceptions près, les gauches communistes issues de l’Internationale communiste ont déclaré d’emblée la défaite du prolétariat pendant la deuxième guerre mondiale, se sont retirées dans leurs petits cercles, se sont transformées en sectes et se sont coupées de toute tentative d’organisation prolétarienne indépendante des staliniens et des sociaux-démocrates de la résistance. Cette politique contribue au désarmement politique du prolétariat et entérine de facto, dans le cadre de la guerre actuelle d’Ukraine, la politique russe d’annexions et de destructions. » /citation du K.P.K.-M.C./

Les activités des communistes italiens dans la résistance et le mouvement des partisans ont conduit à leur liquidation par les staliniens. Les activités de la gauche communiste, l’agitation dans les unités de guérilla, dans les mouvements populaires militants, lors des manifestations publiques, dans les organisations de résistance populaire, ont été étouffées, réduites au silence, discréditées, dénoncées aux forces répressives depuis les années 1920, par les staliniens rivaux et les sociaux-démocrates de tous bords. Nous pouvons difficilement croire que le K.P.K.-M.C. ne dispose pas de ces informations, et pourtant ils répandent l’impuissance de la stratégie consistant à servir de laquais dans le mouvement bourgeois, c’est-à-dire le sacrifice des prolétaires pour le mouvement bourgeois.

Le prolétariat actuel est depuis longtemps désarmé politiquement par les illusions de la démocratie, par la politique du gouvernement élu, et sa destruction se poursuit dans la guerre patriotique bourgeoise. A quoi lui sert la mort comparée à la reddition, à la défaite de son propre Etat et de son propre gouvernement ? La destruction ici est faussement attribuée par le K.P.K.-M.C. uniquement à la Fédération de Russie comme s’il n’y avait pas de contexte ou de volonté du gouvernement ukrainien et de l’ensemble du mouvement bourgeois de poursuivre cette guerre. A quoi sert aux prolétaires morts le terrain démocratique (qui n’est pas certain de ne pas évoluer vers plus d’autoritarisme) que le K.P.K.-M.C. valorise par leur mort ? Le K.P.K.-M.C. est manifestement plus préoccupé ici par le partage territorial bourgeois que par la survie des prolétaires. Même si ce qui prévaut, c’est le rapport de force en Ukraine et les conditions qui en découlent en Europe occidentale, un régime démocratique ne vaut pas la peine de se sacrifier à la guerre. À cet égard, l’Ukraine devait cependant encore être colorée par la propagande. L’orientation des prolétaires aujourd’hui est toujours et partout la même, s’orienter vers leurs propres intérêts, tout comme la bourgeoisie le fait égoïstement tout le temps.

8) « Ceci équivaudrait à accepter l’annexion d’un bon quart du territoire ukrainien par la Russie. » /citation du K.P.K.-M.C./

Le K.P.K.-M.C. craint ici l’annexion, mais il ne craint pas les cadavres des prolétaires qui sont sacrifiés pour empêcher cette annexion.

9) « De la même manière que la dictature ouverte constitue un terrain moins favorable à la lutte de classe que la démocratie libérale. Toutefois, les communistes se distinguent des sincères démocrates, des populations qui aspirent à la paix par leur politique qui indique dans le capitalisme et dans toutes ses formes étatiques, démocratiques ou non, la racine de la guerre, des souffrances et des destructions qui accablent en premier chef les classes dominées. » /citation du K.P.K.-M.C./

Les communistes ne sont pas des démocrates poursuivant une politique démocratique enrichie par la critique du capitalisme, ils ne sont pas non plus ceux qui attendent un terrain démocratique approprié pour leur lutte de classe, et ils n’incitent pas les prolétaires à se battre pour des procédures démocratiques. Les revendications immédiates, les intérêts des prolétaires, sont encore plus marginalisés par la guerre, et le K.P.K.-M.C. en fait de même.

10) Une position de classe a été introduite dans le texte du K.P.K.-M.C., malheureusement seulement comme un ajout rhétorique : « Concrètement, aujourd’hui comme toujours, lutter pour la paix signifie ainsi favoriser par tous les moyens la transformation de la guerre capitaliste en guerre de classe. »

Pour ensuite sanctifier les efforts conjugués des classes pour faire la guerre :

« En Ukraine, comme partout ailleurs, quand des conflits armés capitalistes éclatent, le scénario objectivement le plus favorable afin que la guerre de classe étouffe la guerre capitaliste serait que la guerre perdure, ponctuée par des pertes croissantes dans les rangs russes et que la résistance populaire prenne entièrement et définitivement la place de l’armée régulière ukrainienne. La réalisation de ce scénario affaiblirait encore plus l’État ukrainien agonisant et produirait en Russie une crise politique indispensable à l’enracinement d’une contestation durable, déterminée et massive contre l’État. Enfin, la réalisation de ce scénario accroîtrait les contradictions au sein du dit camp « occidental » et servirait d’exemple dissuasif à Pékin qui prépare l’annexion de Taïwan. » /citation du K.P.K.-M.C./

Le scénario le plus favorable pour le K.P.K.-M.C. c’est la persistance de la mort, la continuation de la guerre bourgeoise, le tout suivi (comme un souhait) de la protestation contre l’État. Le souhait ici c’est un scénario similaire qui convainc les prolétaires de l’unité de classe antifasciste. Il faut d’abord débarrasser l’espace public des fascistes (ou, dans le sens national-libérationniste, il faut d’abord vaincre ensemble l’occupant), en oubliant temporairement les besoins des prolétaires, et alors la politique prolétarienne aussi aura soi-disant de l’espace pour agir. C’est la politique typique des staliniens. En fait, elle a une suite… le prolétariat est continuellement trompé par la bourgeoisie et fait les plus grands sacrifices dans cette lutte commune. Le mouvement démocratique interclasse actuel est tout et les objectifs et les besoins du prolétariat ne sont rien en ce moment. Le pragmatisme et le suivisme conduisent ici à soutenir le mouvement bourgeois citoyen. Le prolétariat en République Tchèque n’a pas été capable d’utiliser le terrain de la démocratie pendant les 30 dernières années et en Ukraine le prolétariat devrait mourir pour le prétendu terrain démocratique (pure idée idéologique). S’il n’y a pas de classe consciente de ses intérêts, alors elle n’a aucun moyen d’utiliser une crise politique ou un affaiblissement de l’État pour ses intérêts de classe. Il manque un acteur à la théorie du K.P.K.-M.C., elle cherche des moyens spéculatifs d’affaiblir l’Etat tout en n’appelant pas les travailleurs à prendre des mesures pratiques pour défendre leurs intérêts immédiats. Le K.P.K.-M.C. est l’aile extrême du mouvement social démocratique – la défense démocratique du massacre des prolétaires.

11) « … c’est une lutte pour la défense de la vie contre sa stalinisation, un retour de « l’époque soviétique » avec la répression et la censure et la suppression des libertés individuelles et collectives… »

La base économique du stalinisme n’existe pas en Russie et, de la même manière que les libéraux, le K.P.K.-M.C. effraie la population active avec le stalinisme dans ce commentaire sur leur page FB.

Email : proletarchiv@yahoo.com / www.proletarchiv.yolasite.com

[Subverze] Contributions internationalistes à la résistance à la guerre

Source en tchèque : https://kronika.noblogs.org/post/2022/07/27/internacionalisticke-prispevky-k-odporu-proti-valce/

Texte reçu par email en tchèque et traduit par nos soins

La guerre qui fait rage sur le territoire administré par l’État ukrainien alimente des débats passionnés sur la position que doivent adopter les partisans de la théorie et de la pratique révolutionnaires. L’approche d’innombrables individus et groupes est en contradiction avec des positions antérieures, comme si un antimilitarisme conséquent n’était légitime qu’en période de paix capitaliste, mais pas lorsque la guerre s’approche de nos foyers.

La guerre est un drame dans lequel les contradictions et les limites sont toujours révélées, parce qu’il n’est plus facile de les nier, de les obscurcir et de les cacher comme dans les périodes d’avant-guerre. On découvre toujours celui qui peut faire correspondre la théorie révolutionnaire avec la pratique révolutionnaire et celui qui se contente de mener une politique bourgeoise (ultra)gauchiste sous les slogans de l’anticapitalisme.

Nous voyons aujourd’hui de nombreux anarchistes et communistes promouvoir la guerre bourgeoise comme solution supposée aux problèmes mondiaux, rejoindre les armées d’État et participer à des conflits fratricides. En d’autres termes, ils se battent pour les intérêts de l’État et de la bourgeoisie. Ce faisant, ils se trompent eux-mêmes et trompent leur entourage en prétendant qu’ils protègent avant tout la vie des civils, sans renforcer en même temps la position de l’État et de la bourgeoisie. Comme si, peut-être, cette guerre n’avait pas pour objectif premier de déterminer quels États auront le pouvoir sur un territoire donné, ses ressources et sa population.

Il est certain que toute attitude contradictoire a besoin d’être « justifiée » si ses hérauts veulent cacher le fait qu’ils se chient dans leur propre bouche et nient par leurs actes aujourd’hui ce qu’ils prétendaient hier. Il est vraiment déprimant de voir les gens qui, il y a quelques années, défilaient dans les rues sous le slogan « Guerre à la guerre ! », crier maintenant, à l’heure où la guerre fait rage, « Allons à la guerre ! » avec la même ferveur.

Les discours sur le non-dogmatisme, l’adaptation aux réalités spécifiques, l’alliance temporaire avec l’État, le pragmatisme, et bien d’autres choses encore, ne sont que des manipulations idéologiques pour « justifier » la trahison de la pratique révolutionnaire et le ralliement à la politique démocratique bourgeoise.

Cela montre également que la propagande de guerre et la sélectivité des informations s’appliquent à tous ceux qui soutiennent la guerre : Poutine, Zelensky, les nationalistes des deux côtés de la ligne de front ainsi que les groupes anarchistes et communistes qui se soumettent volontairement au commandement militaire.

Ceux qui épousent le défaitisme révolutionnaire et qui, au lieu de soutenir l’une des parties belligérantes, appellent à la subversion de l’effort de guerre, sont étiquetés par la propagande de guerre comme les partisans d’une gauche occidentale arrogante, qui est incapable d’empathie et de reconnaître que les gens d’Europe centrale et orientale peuvent être des agents de changement confiants. Cette approche propagandiste dégoûtante ne doit pas rester sans réponse. Non seulement parce qu’elle contribue à préserver la division impérialiste du monde en blocs occidental et oriental, mais aussi parce qu’elle sert à masquer la réalité. Car le défaitisme révolutionnaire et le refus de participer à la guerre bourgeoise n’est pas une position exclusivement défendue en Europe occidentale et aux États-Unis. Ce ne sont que les « anarchistes et communistes » favorables à la guerre qui tentent d’effacer sélectivement du récit historique ce qui ne cadre pas avec leur propagande de guerre et leur mobilisation en faveur de la guerre. Ne soyons pas dupes : il y a aussi des anarchistes et des communistes en Ukraine, en Russie, en République tchèque, en Slovaquie, en Pologne, au Belarus, en Lituanie, en Lettonie et dans de nombreuses autres régions qui refusent de participer à cette guerre. Ils et elles la définissent correctement comme une rivalité entre différents blocs impérialistes, et non comme un affrontement entre la dictature et la démocratie, comme c’est l’explication habituelle chez les démocrates de tous poils, y compris ceux qui brandissent des drapeaux rouge, noir et noir-rouge.

La maison d’édition Subverze a édité plusieurs publications en juillet 2022 pour veiller à ce que la voix des opposants à la guerre ne soit pas noyée sous le poids de la propagande de guerre.

Plus précisément, ces textes sont :

Contre la guerre et la mobilisation militaire (notes provisoires sur l’invasion en l’Ukraine)
https://subverze.noblogs.org/post/2022/07/23/proti-valce-a-vojenske-mobilizaci-predbezne-poznamky-k-invazi-na-ukrajinu/
* ce texte est disponible en français ci-dessous *

Ne vous battez pas pour « votre » pays ! – Perspective internationaliste
https://subverze.noblogs.org/post/2022/07/23/nebojuj-za-svou-zemi-international-perspectives/
* ce texte est disponible en français ci-dessous *

Anarchisme, Nationalisme, Guerre et Paix
https://subverze.noblogs.org/post/2022/07/22/anarchismus-nacionalismus-valka-a-mir/
* quatre textes publiés par Libcom (disponible en anglais sur notre blog), ACG (deux textes disponibles en français ci-dessous) et KRAS-AIT (disponible en français ci-dessous) *

Commentaire critique sur l’orientation politique du texte de Kolektivně proti Kapitálu – Mouvement Communiste
https://subverze.noblogs.org/post/2022/07/22/kriticky-komentar-k-politicke-orientaci-textu-od-kolektivne-proti-kapitalu-mouvement-communiste/
* ce texte est disponible en français ci-dessus *

Traduction française : Guerre de Classe

[Red and Black Notes] Déclaration sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie

Source en anglais : https://www.redblacknotes.com/2022/02/26/no-war-but-the-class-war/

La récente invasion de l’Ukraine par la Russie est une extension du désastre humain qui a commencé il y a de nombreuses années – un produit d’années de dictature politique, de terreur capitaliste et de rivalités géopolitiques. Elle entraînera, comme on peut s’y attendre, la mort de nombreux civils et le déplacement d’un plus grand nombre encore.

Poutine a choisi cette voie expansionniste afin d’empêcher l’Ukraine de s’intégrer davantage dans le bloc économique de l’Union Européenne. Son Union Économique Eurasiatique, qui comprend la Russie et ses proches alliés tels que le Belarus et le Kazakhstan, est conçue comme l’expression des intérêts de la bourgeoisie de son propre pays, qui préfère être un gros poisson dans un petit étang plutôt que de négocier avec l’UE en tant que partenaire régulier.

D’une certaine manière, il s’agit d’un choc entre deux types d’économie capitaliste : les économies paternalistes, oligarchiques et souvent dirigées par l’État de la Russie et de ses voisins, et les économies modernes, axées sur le marché et ultra-compétitives des États « avancés » de l’UE. L’intégration des États autour de la Russie menace la bourgeoisie russe actuelle, car elle menace sa propre existence.

Nous ne pensons pas qu’il s’agisse d’un simple affrontement entre le libéralisme occidental et la dictature orientale, comme certains le suggèrent. Notre opposition à la bourgeoisie russe n’implique pas un soutien à celle de l’Europe occidentale ; comme le montrent des cas comme la Pologne et la Hongrie, des pays peuvent évoluer « démocratiquement » vers l’autoritarisme sous l’égide de l’UE et de l’OTAN. La croissance de la « forteresse Europe », largement inspirée par l’Australie, qui brutalise les migrants avec une sévérité croissante, démontre également que la démocratie libérale et l’autoritarisme ne sont pas opposés, mais partenaires.

La guerre en Ukraine aura des répercussions mondiales. Elle affectera non seulement l’UE et les États eurasiatiques, mais aussi les États-Unis, qui constituent la principale puissance militaire de l’Europe par le biais de l’OTAN. L’Ukraine est également un grand exportateur agricole, de nombreux pays dépendant du blé produit par son sol fertile. Le Liban, par exemple, déjà en proie à une crise économique, importe 50% de son blé d’Ukraine. La Libye en importe 43%. En valeur, 86% des importations de blé de l’Égypte proviennent d’Ukraine et de Russie. La déstabilisation de ce marché déclenchera sans aucun doute le genre d’« émeutes de la faim » que nous avons déjà vues dans nombre de ces pays.

Malgré leurs différences, les bourgeoisies d’Europe occidentale et de Russie ont une chose essentielle en commun : la défense de leur propre existence contre leurs propres classes ouvrières. Par conséquent, la principale réponse à ce bellicisme ne devrait pas être l’apologie de l’impérialisme russe ou le soutien à l’OTAN, ou même la « défense nationale » en Ukraine. Nous soutenons plutôt un effort renouvelé pour rassembler les travailleurs au-delà des frontières nationales, en soutenant toutes les formes de révolte qui remettent en cause leurs systèmes respectifs : mutineries, désertions, grèves, sabotages, manifestations.

Pour ceux d’entre nous en Australie, nous avons quelques tâches fondamentales :

  • Lutter contre le bellicisme de notre propre camp, et contre les condamnations hypocrites de la Russie par les mêmes politiciens qui ont conduit les invasions de l’Irak et de l’Afghanistan – en particulier, nous devrions faire tout ce qui est possible pour empêcher encore plus de nations d’intervenir, ce qui risquerait de transformer la guerre en un conflit mondial plus vaste et encore plus désastreux ;
  • Entreprendre des actions significatives de solidarité avec les classes ouvrières d’Ukraine et de Russie, qui sont les premières victimes de la guerre, et avec les manifestants contre celle-ci dans les deux pays ;
  • Diffuser l’information parmi les travailleurs d’ici concernant les conditions de travail de ceux en Russie et en Ukraine, et les moyens qu’ils utilisent pour lutter contre l’économie de guerre et les restrictions des libertés qui en découlent inévitablement ;
  • Soutenir le flux libre et sûr des migrants fuyant le conflit, en exigeant que l’Australie mette fin à ses politiques frontalières brutales et accorde aux réfugiés une protection permanente, quelle que soit la manière dont ils sont arrivés ;
  • Travailler, comme toujours, pour l’union des travailleurs au-delà des frontières nationales, en luttant pour la seule chose qui puisse mettre fin à toutes les guerres : la révolution sociale.

La guerre est vraiment horrible, mais comme toutes les autres crises capitalistes, elle contient le potentiel de déclencher le genre de soulèvements sociaux qui renversent des régimes entiers. Il y a un siècle, la Russie a participé à une guerre désastreuse et sanglante. Elle s’est terminée par une révolution ouvrière qui a provoqué des ondes de choc dans le monde entier. Il appartient à la classe ouvrière internationale de s’assurer que la guerre actuelle se termine de la même manière.

Signé par les groupes anarchistes suivants d’Australie et de Nouvelle-Zélande :

Anarchist Communists Meanjin
Black Flag Sydney
Geelong Anarchist Communists
Melbourne Anarchist Communist Group
RedBlackNotes

PAS DE GUERRE MAIS LA GUERRE DE CLASSE !

Traduction française : The Friends of the Class War

[No War but the Class War] Guerre, pauvreté, crise et maladie : Le vrai visage du système capitaliste

Source en anglais : https://files.libcom.org/files/2022-03/NWBCW Liverpool.pdf

L’invasion de l’Ukraine par la Russie rapproche le monde de son point d’ébullition. Une fois de plus, on demande à la classe ouvrière du monde entier de prendre parti dans un conflit où nous n’avons rien à gagner et tout à perdre. D’un côté, la Russie, qui tente de récupérer ce qu’elle a perdu depuis l’effondrement de l’URSS. De l’autre, l’OTAN, qui tente d’attirer l’Ukraine dans sa sphère d’influence. En arrière-plan, les lignes impérialistes se renforcent, les États de l’UE se ralliant aux États-Unis et la Russie se tournant vers la Chine.

Si la guerre en Ukraine représente une escalade dans la volonté de généralisation de la guerre, elle n’est pas le seul champ de bataille actuel. Que ce soit en Syrie, au Yémen ou en Palestine, la classe capitaliste dresse les travailleurs les uns contre les autres dans le monde entier. Tout cela à la recherche de revenus financiers, de matières premières et de main-d’œuvre bon marché. Le nationalisme – cette arme idéologique qui consiste à diviser pour régner – nous appelle à tuer et à mourir pour une cause qui n’est pas la nôtre.

Parallèlement aux conflits militaires, nous sommes au cœur d’une guerre des classes, avec nos conditions de vie et de travail qui sont sacrifiées sur l’autel de la rentabilité. Grâce à l’austérité, nous avons été contraints de payer pour le crash financier de 2008. Mais l’économie mondiale ne s’en est jamais vraiment remise. Avant même l’arrivée de la pandémie, des milliards étaient injectés chaque jour sur les marchés pour les maintenir à flot et une nouvelle récession était annoncée. La pandémie n’a été que l’étincelle qui a allumé la flamme. Aujourd’hui, sous couvert de restructuration, nous sommes une fois de plus censés payer pour la crise. Sur tous les lieux de travail, nous assistons à une baisse des salaires par rapport à l’inflation, à des licenciements (on congédie puis on réembauche), à des réductions des pensions et des avantages sociaux, ainsi qu’à diverses autres attaques contre notre classe. Pendant ce temps, à la maison, nous sommes confrontés à des augmentations des prix des aliments et du carburant, à des loyers plus élevés, à plus de factures et à plus d’impôts. Pendant ce temps, les riches s’enrichissent. Et la guerre, en bouleversant encore plus les chaînes d’approvisionnement, ne fera qu’empirer la situation.

Enfin, n’oublions pas la crise climatique. Les inondations, les incendies et les phénomènes météorologiques extrêmes rendent progressivement inhabitables toute une partie de la planète. La classe dirigeante continue de traiter la planète comme son jardin privé, avec peu de considération pour la biodiversité et les fondements environnementaux de la vie sur terre. Et, avouons-le, les conditions capitalistes qui ont créé le Covid 19 et lui ont permis de se propager, tuant des millions de personnes, sont toujours en place. La menace de futures pandémies plane.

La guerre, la pauvreté, la crise et la maladie créent des générations entières de personnes marquées par un système qui tend vers la barbarie : réfugiés, amis et familles de ceux qui sont tombés malades, mutilés et tués, chômeurs et sans-abri.

C’est une guerre sur de multiples fronts contre tous les travailleurs et l’avenir de l’humanité. Mais nous pouvons résister. Les tentatives de défense de nos conditions de vie et de travail peuvent semer les graines d’un mouvement plus large qui reconnaît que le capitalisme – le système de production actuel caractérisé par l’existence de la propriété privée, du travail salarié, de l’argent et des États – est la source du problème. Nous devons poser la question sociale et la possibilité de créer une société où la production est fonction des besoins et non du profit, une communauté mondiale où les États et les frontières ont disparu, où des organes indépendants créés par la classe ouvrière peuvent commencer à aborder collectivement les problèmes auxquels l’humanité est confrontée.

De même, les actions anti-guerre éparses qui ont été rapportées jusqu’à présent – manifestations en Russie, soldats désobéissant à leurs ordres en Ukraine, refus de manutentionner des cargaisons par des dockers au Royaume-Uni et en Italie, sabotage par des cheminots en Biélorussie – doivent adopter la perspective de la classe ouvrière pour être véritablement anti-guerre, de peur d’être instrumentalisées par l’un ou l’autre camp. Soutenir la Russie ou l’Ukraine dans ce conflit signifie soutenir la guerre. La seule façon de mettre fin à ce cauchemar est que les travailleurs fraternisent au-delà des frontières et abattent la machine de guerre. Ne croyez pas à la propagande nationaliste !

C’est pourquoi nous disons qu’il n’y a pas d’autre guerre que la guerre des classes. Les classes dirigeantes mènent déjà leur guerre contre nous et la planète. C’est aux travailleurs du monde entier – la grande majorité sans laquelle tout s’arrête de fonctionner – de créer l’alternative.

Le capitalisme mondial traverse une crise à long terme qui s’aggrave et nous entraîne sur la voie de la guerre généralisée. Il y a plus de 60 guerres locales en cours aujourd’hui. Chacune d’entre elles détruit la vie de nos sœurs et frères de la classe ouvrière tandis que différents gangs de patrons luttent pour en prendre le contrôle. La plupart de ces guerres opposent les clients des principales puissances impérialistes. Ce sont des guerres impérialistes par procuration qui, avec les guerres commerciales ouvertes, sont les signes avant-coureurs d’un conflit mondial plus large. L’incitation à la guerre est le résultat du fonctionnement du système capitaliste lui-même. Elle n’est pas le résultat de quelques dirigeants capitalistes fous ou mauvais et seul le renversement du système capitaliste peut empêcher la guerre. La véritable alternative à laquelle nous sommes confrontés est la guerre ou la révolution.

Les partisans de No War but the Class War (NWBCW) visent au renversement révolutionnaire du capitalisme par la classe ouvrière et la création d’un nouveau système mondial de production. Nous sommes pour un système basé sur la propriété commune pour satisfaire directement les besoins de chacun. Ce système sera contrôlé démocratiquement [sic, NdT] par la classe ouvrière via un système mondial de conseils ouvriers [sic]. La production pour le profit et le système des Etats-nations et des frontières seront éliminés. Dans ce processus, la dégradation de la planète par le capitalisme sera inversée et l’humanité pourra planifier un développement durable.

Pour y parvenir, nous devons nous organiser à l’échelle mondiale et répandre la compréhension de la nécessité de créer une nouvelle société et la conscience de la manière d’y parvenir. La classe ouvrière elle-même doit créer une organisation politique internationale de révolutionnaires pour cette tâche.

Le point de départ nécessaire est d’intensifier la défense de nos propres intérêts et de rejeter les programmes de la classe dirigeante, y compris les guerres qu’elle nous demande de soutenir. Toutes ces guerres sont des guerres impérialistes dans l’intérêt des différentes sections du capital. La NWBCW existe pour s’opposer à la guerre sur la base de la classe, pas seulement contre une section de la classe dirigeante, mais contre l’ensemble du système pourri qui offre aux travailleurs du monde entier la mort, la destruction et la misère, que ce soit lentement par la pauvreté, la maladie et les catastrophes ou au rythme plus rapide de la guerre.

Les prolétaires n’ont pas de patrie ! Les soi-disant guerres de « libération nationale » ou « anti-impérialistes » ne sont que des guerres impérialistes déguisées ! Nous ne faisons aucun front commun avec les marionnettes des patrons de la gauche capitaliste, comme les partis parlementaires et les syndicats, ainsi qu’avec les personnes qui les accompagnent dans le marécage pseudo-révolutionnaire. Ils sont tous intégrés dans le système des patrons et le soutiennent en temps de paix comme en temps de guerre.

Pas de guerre mais la guerre de classe ! Renforçons et généralisons la lutte de classe comme réponse à la guerre bourgeoise et à l’austérité !

Le NWBCW est une organisation de groupes et d’individus qui soutiennent les positions politiques ci-dessus. Nous invitons d’autres personnes qui soutiennent ces positions à rejoindre le NWBCW pour nous aider à produire et distribuer de la propagande et à réaliser des interventions dans la lutte de classe pour « Pas de guerre mais la guerre de classe ».

nwbcwliverpool@protonmail.com

twitter.com/NWBCWliverpool

No War but the Class War – LIVERPOOL

Traduction française : The Friends of the Class War

[Internationalist Perspective] Ne vous battez pas pour « votre » pays

Source en anglais : https://internationalistperspective.org/dont-fight-for-your-country/

Tout le monde déteste la guerre. Surtout ceux qui en envoient d’autres mourir sur les champs de bataille. Ils prétendent qu’ils abhorrent la guerre, mais hélas, ils y seraient contraints par ceux d’en face. Ceux qui empiète sur notre pré carré. Ceux qui envahissent une nation « souveraine ». Nous n’avons pas le choix ! Nous devons nous défendre… De quel « nous » faites-vous partie ? La propagande implacable des deux côtés pousse tout le monde à choisir un camp, à devenir un participant actif ou une pom-pom girl dans la guerre. Parce que l’autre côté est vraiment horrible. Et c’est toujours le cas.

L’armée russe est accusée de crimes de guerre. Une bien étrange expression « crime de guerre ». Une expression redondante, en effet, parce que la guerre est par définition un crime, le plus grand de tous les crimes. Quel que soit le but, les moyens sont toujours le meurtre de masse et la destruction. Il n’y a pas de guerre sans massacres atroces. L’expression suggère qu’il y aurait deux façons de faire la guerre : une civilisée et une criminelle. Si jamais il y avait une différence entre les deux, elle a été effacée par les progrès de la technologie militaire. Depuis le début du 20e siècle, le pourcentage de victimes civiles dans les guerres n’a cessé d’augmenter. Durant la guerre de Sécession au 19e siècle, le personnel militaire s’élève encore à plus de 90 % du total des morts de ce conflit. Pendant la Première Guerre mondiale, les pertes civiles représentaient 59 % du total. Dans le second, il est passé à 63 %, et dans la guerre du Vietnam à 67 %. Dans les différentes guerres des années 1980, il a grimpé à 74 % et au 21e siècle à 90 %. Jamais depuis la Seconde Guerre mondiale autant de personnes n’ont été déplacées par la guerre. La différence entre combattants et non-combattants, entre cibles militaires et non militaires, a largement disparu dans la guerre contemporaine. Plus chaque partie déploie de forces destructrices, plus les « dommages collatéraux » pour la population civile sont importants. Plus la guerre en Ukraine s’intensifie, plus la vie des Ukrainiens ordinaires est détruite, plus le pays devient une ruine.

Ce qui constitue un crime de guerre ou non devient alors une question d’opinion. Comme le « terrorisme », qui est devenu une injure facile que tout le monde attribue à l’adversaire dans chaque conflit, c’est une excuse déguisée en accusation. Parce que le « terrorisme », ayant été défini par les médias et les politiciens comme le plus grand de tous les maux, implique que tous les moyens sont bons pour le réprimer, et est donc l’excuse parfaite pour utiliser soi-même la terreur. De même, l’accusation de « crimes de guerre » justifie les crimes commis par « notre » camp, que « nos » médias mentionnent à peine, ou parfois pas du tout. Pensez au Yémen par exemple, où les forces saoudiennes ont bombardé et affamé des civils bien pire que l’armée russe ne l’a fait jusqu’à présent en Ukraine. L’armée de l’air saoudienne n’aurait guère duré une semaine sans le soutien militaire et technique britannique et américain et la fourniture d’armes. Serait-ce aussi « une guerre pour la démocratie » ? Cette atrocité se poursuit, en dehors des projecteurs médiatiques. Dégagez, rien à voir. Pas de crimes de guerre ici.

Guerre moderne

On a souvent observé qu’en temps de guerre, la ligne entre la propagande et le reportage devient difficile à percevoir. Lorsque l’armée russe mène une attaque de missiles (ratée) sur la tour de télévision de Kiev, les médias occidentaux l’appellent un crime de guerre. Mais lorsque l’OTAN a bombardé (avec succès) la tour de radio et de télévision de Belgrade en 1999, elle était « une cible militaire légitime ». Le fait que les « opérations militaires spéciales » de l’armée russe soient criminelles a été abondamment prouvé à Grozny et à Alep, pour ne citer que les exemples récents les plus extrêmes de villes qu’elle a réduites en ruines. En Ukraine, elle n’est pas encore allée aussi loin, peut-être parce que le prétexte de l’invasion est que les Ukrainiens sont un peuple frère qui doit être libéré. Mais pour atteindre ses objectifs militaires, la Russie doit intensifier la guerre et submerger ce « peuple frère » de son pouvoir supérieur de destruction. La logique de la guerre pousse l’invasion russe vers une escalade de la dévastation.

Ne prétendons pas qu’il s’agit d’une spécificité russe. Pendant les guerres du Golfe, les Américains ont bombardé des abris à Bagdad (avec des bombes conçues pour écraser des bunkers), entraînant la mort de centaines de civils. Beaucoup d’autres sont décédés lorsque des soldats en fuite ont été massacrés depuis les airs sur « l’autoroute de la mort » en 1991. Dans les guerres que l’Occident a menées en Irak et en Afghanistan, plus de 380 000 civils sont morts. Les innombrables attaques de drones que l’armée américaine a réalisées depuis lors ne montrent également aucun respect pour la différence entre combattants et non-combattants. Sans parler de ce qu’Israël, le vassal le plus loyal de Washington, a fait à Gaza. Ils en sont tous capables. C’est la guerre moderne.

La guerre est le cadre idéal pour resserrer l’emprise de l’État sur ses citoyens. C’est clairement le cas en Russie à l’heure actuelle, où vous risquez 15 ans de prison si vous appelez la guerre une guerre, où les manifestations contre celle-ci sont brutalement réprimées, où tous les médias qui ne sont pas des porte-paroles du Kremlin sont réduits au silence. Mais ceci souligne la faiblesse de ce régime qui a besoin de cette répression crue. Il ne fait aucun doute que ce n’est pas le cas en Ukraine. Là, tout le monde se tient derrière Zelensky. C’est ainsi, pour autant que nous soyons autorisés à le savoir. Dans les nombreuses interviews d’Ukrainiens dans les médias occidentaux, vous n’entendez jamais quelqu’un exprimer une opposition ou même des doutes sur la guerre, bien que nous sachions, d’après les réseaux sociaux et nos propres sources, qu’ils existent. Mais selon les médias, tout le monde est prêt à mourir pour la nation. Pourtant, Zelensky a jugé nécessaire d’interdire à tous les hommes âgés de 18 à 60 ans de quitter le pays. Tout le monde doit rester disponible comme chair à canon pour la patrie. Il a également jugé nécessaire d’interdire les partis d’opposition et de forcer toutes les chaînes d’information télévisées à se regrouper en « une seule plate-forme d’information de communication stratégique » appelée « United News ». Tout cela au nom de la défense de la liberté. Bien sûr, les médias qui appellent les Ukrainiens à tuer autant de « cafards russes » que possible peuvent continuer à cracher leur poison. De nombreux médias occidentaux – même des journaux comme le New York Times – ont choisi de ne pas parler des mesures autoritaires de Zelensky. La célèbre devise du Times dit « toutes les nouvelles qui sont dignes d’être imprimées », et ce genre de nouvelles ne correspond pas au narratif selon lequel il s’agit d’une guerre pour la démocratie.

Menteurs

Les gouvernements russe et ukrainien affirment que la censure est nécessaire pour protéger la population de « la désinformation ». C’est un autre terme ambigu. Comme « crime de guerre » et « terrorisme », il est « dans l’oreille de l’auditeur ». Bien sûr, la désinformation grouille dans les médias sociaux et autres. Mais qui décide de ce qui est ? En Russie, l’État décide qui peut parler et qui doit garder le silence. En Occident, cette tâche est largement sous-traitée au secteur privé, aux entreprises qui contrôlent les médias de masse et aux plateformes de réseaux sociaux. Mais eux aussi sont poussés par le gouvernement. « Nous allons interdire la machine médiatique du Kremlin dans l’UE. Les entreprises publiques Russia Today et Sputnik et leurs filiales ne doivent plus être autorisées à répandre leurs mensonges qui justifient la guerre de Poutine. Nous développons des instruments pour interdire leur désinformation toxique et nocive en Europe », a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Et, en effet, les chaînes d’information russes loyales et d’autres sources qui ne suivent pas la ligne pro-occidentale ne sont plus accessibles sur Facebook et d’autres grands médias sociaux. Mais n’appelez pas cela de la censure, c’est ce que fait l’ennemi.

Les Russes et les Occidentaux ont chacun une image très différente de la guerre. On leur ment, surtout par ce que leurs médias choisissent de montrer ou de ne pas montrer. Par exemple, le spectateur russe voit à maintes reprises des images d’Ukrainiens leur disant qu’ils ont été battus et menacés par des ultranationalistes parce qu’ils parlaient russe et le spectateur occidental voit à maintes reprises des mères dire au revoir avec les larmes aux yeux à leurs maris qui disent qu’ils sont prêts à mourir pour l’Ukraine. Les deux types d’images sont probablement réels, mais chaque partie choisit de montrer ce qui correspond à son récit de propagande.

En Occident, l’histoire parle d’un outsider courageux qui se défend bravement contre un tyran cruel. Bien sûr, nous encourageons les héros courageux, bien sûr nous les aidons, bien sûr nous agitons le drapeau bleu jaune. C’est aussi simple que cela.

Le narratif de la Russie n’est pas très sophistiqué, c’est un fourre-tout d’accusations dans le style rustre de l’ex-URSS. L’Ukraine souffre sous un régime corrompu, néo-nazi et génocidaire. Nous ne faisons pas la guerre à l’Ukraine, nous l’empêchons simplement de devenir un avant-poste de l’OTAN, une menace pour notre patrie. Nous nous battons pour un monde sans nazis. Avec le même genre de prétextes fallacieux, les chars russes ont roulé dans Budapest et Prague à l’époque. Comme dans toute histoire de propagande, il y a un grain de vérité. L’impulsion de l’OTAN est réelle. Il y a un courant ultra-nationaliste en Ukraine. Il y a des groupes fascistes comme Svoboda et le bataillon Azov (maintenant intégré dans l’armée ukrainienne) qui attaquent les gays, les féministes, les Roms et les russophones. Bien sûr, l’Ukraine est loin d’être le seul pays où l’extrême droite relève sa tête hideuse. Cela ne signifie pas que le système politique en Ukraine est fasciste. Moins qu’en Russie du moins. Et génocidaire ? Ce que l’armée russe a fait en Syrie et en Tchétchénie était infiniment pire.

Ceux qui veulent tuer leur chien prétendront toujours qu’il a la rage. Tous les États mentent quand leurs armées se déploient. Les États-Unis aussi bien que la Russie. Pensez aux « armes de destruction massive » inexistantes de Saddam Hussein et à ses liens inexistants avec Al-Qaïda qui ont été les prétextes de l’invasion américaine de l’Irak.

La vraie histoire

La vraie histoire s’appelle l’inter-impérialisme. Car quelle que soit la mondialisation qui a transformé ce monde, celui-ci est basé sur la concurrence. Concurrence commerciale qui devient concurrence militaire, guerre froide et chaude, selon les circonstances. Des circonstances telles que la perte de pouvoir, la perte ou les gains potentiels des marchés, la crise économique. Nous vivons dans un système qui se heurte brutalement aux besoins de l’humanité. Un système en guerre contre la planète, en guerre contre la vie elle-même. Se battre, vaincre le système capitaliste, est la seule guerre qui ait du sens.

La guerre froide n’est pas finie. Tout au plus, il y a eu une pause. Le Pacte de Varsovie a disparu, mais pas l’OTAN. Eltsine a suggéré que la Russie devrait également en devenir membre, mais bien sûr, ce n’était pas possible : la raison d’être de l’OTAN était de soumettre la Russie. Une discussion féroce s’ensuivit sur la question de savoir si l’OTAN était encore nécessaire maintenant que la Russie était également devenue un pays démocratique capitaliste. Dans la pratique, il a été répondu par l’affirmative à cette question. L’OTAN s’est avancée jusqu’aux frontières de la Russie, brisant les promesses antérieures. Quatorze pays de l’ex-pacte de Varsovie ont été intégrés dans l’alliance antirusse. Des bases de missiles américaines ont été installées en Pologne et en Roumanie. La prise de l’Ukraine était la dernière phase de cette offensive. Pour le profit mais encore plus pour contenir la Russie. L’Ukraine n’est pas encore devenue membre de l’OTAN, mais a commencé à coopérer militairement avec l’Occident.

L’expansion de l’OTAN signifiait une énorme expansion du marché pour l’industrie d’armement américaine (et d’autres pays occidentaux) parce que les nouveaux membres sont tenus de rendre leurs arsenaux conformes aux normes de l’OTAN. Afin de répondre à ces normes, les dépenses militaires de la Pologne ont augmenté de 60% de 2011 à 2020 et celles de la Hongrie de 133% de 2014 à 2020. Le tiroir-caisse se remplissait allègrement. Mais l’expansion de l’OTAN a également été motivée par la prise de conscience que la Russie, avec sa puissance militaire et surtout son arsenal nucléaire, restait une menace potentielle pour la Pax Americana. C’est toujours le seul pays contre lequel les États-Unis ne peuvent pas faire la guerre sans risquer eux-mêmes une destruction quasi totale. Tout comme pendant la guerre froide. Celle-ci n’a donc pas pris fin. La stratégie de Washington est restée la même : l’endiguement. Contenir la Russie et réduire sa sphère d’influence, affaiblir sa puissance sans entrer en conflit direct avec elle. Pendant la guerre froide, ce conflit s’est déroulé avec des coups d’État et des mouvements de libération nationale. Maintenant, l’Ukraine est le volontaire enthousiaste de se sacrifier pour « l’Occident libre », dirigé par l’acteur « sympathique » et millionnaire Zelensky qui est si belliqueux que, comme Che Guevara pendant la crise des missiles cubains, il veut faire transformer le conflit en une guerre mondiale au besoin. Ce serait le risque si sa demande d’une « zone d’exclusion aérienne » – une guerre aérienne entre l’OTAN et la Russie – était accordée. Comme le Che, il n’obtiendra pas ce qu’il veut. La confrontation directe reste taboue. C’est l’une des raisons pour lesquelles établir des parallèles avec les guerres pré-nucléaires peut être trompeur.

L’ennemi ne peut plus être dépeint comme le « danger communiste », mais cela ne fait pas de la Russie un pays capitaliste ordinaire comme les autres. Les riches là-bas ne sont pas des capitalistes comme les nôtres, mais des « oligarques ». Qui sont-ils, ces oligarques ? Des milliardaires qui sont devenus riches grâce à la corruption, à l’exploitation et à la spéculation et qui aiment montrer leur fortune dans une consommation de luxe ostentatoire. En d’autres termes, des capitalistes. L’adage « Derrière chaque grande fortune, il y a un grand crime » n’a pas été inventé en Russie. Mais là « le grand crime » est encore assez frais. La nouvelle classe capitaliste en Russie se compose en grande partie de membres de l’ancienne classe capitaliste, de gens qui étaient directeurs d’usine, patrons de parti, bureaucrates de l’URSS pseudo-communiste, et qui se sont transformés en voleurs lorsque les actifs de l’État ont été privatisés. La classe privilégiée est restée la classe privilégiée, maintenant en tant que propriétaires de capitaux privés. Mais aussi en tant que gestionnaires de l’État. Les intérêts des capitalistes privés sont étroitement liés et soumis à l’appareil d’État que Poutine semble avoir fermement en main pour l’instant.

La dissolution de l’ancienne URSS et la privatisation de l’économie capitaliste d’État ‘centralisée’ ont été le résultat d’une crise causée en premier lieu par le coût écrasant du maintien d’un empire et la réticence de la classe ouvrière à travailler plus dur pour moins cher. Mais le désir des membres de la classe dirigeante d’être, non seulement des gestionnaires du capital, mais aussi des propriétaires privés du capital, avec un accès à l’ensemble du monde du capital, était également un facteur important. Ils ont pillé l’économie pendant que le niveau de vie moyen a dramatiquement chuté. Le PIB de la Russie en 1998 n’était qu’un peu plus d’un tiers de ce qu’il était dans la dernière année de l’URSS. La production industrielle avait diminué de 60 %. Mais à partir de 1999, les prix du principal produit d’exportation de la Russie, le pétrole et le gaz, ont commencé à augmenter. Cela a alimenté une reprise qui a amélioré les conditions de vie. L’État s’est consolidé, avec l’appareil de sécurité au centre du pouvoir. Avec Poutine, un ancien colonel du KGB, à la barre, la Russie a commencé à se réaffirmer. L’armée a été reconstruite à un point tel que l’industrie de l’armement (qui emploie plus de 2,5 millions de Russes) a été confronté à la surproduction. Cette armée a rétabli « l’ordre » dans le sang à l’intérieur (Tchétchénie), dans les États frontaliers (Géorgie, Kazakhstan) et à l’extérieur (Syrie). Mais en 2015, la production industrielle était encore inférieure au niveau de 1990. Seul le secteur pétrolier et gazier a dépassé les niveaux de production d’avant la privatisation. Mais cette année-là, le prix du pétrole a recommencé à baisser, tout comme l’économie russe. Le PIB est passé de 2,29 billions de dollars en 2013 à 1,48 billion de dollars en 2020, soit moins que celui du Texas.

Le défi lancé au capital russe était donc multiple : – défendre la position sur le marché de sa principale industrie d’exportation, le pétrole et le gaz ; – réduire sa dépendance envers cette dernière : avec ses fluctuations brutales de prix et son avenir incertain, c’est une béquille peu fiable pour une économie paralysée ; – soit réduire la surproduction de son industrie militaire, soit en augmenter l’utilisation de ses produits ; – cacher le fait qu’elle n’a rien à offrir à la classe ouvrière, la détourner de ses conditions misérables, en l’engageant dans une campagne de fierté nationale contre un ennemi étranger qui est à blâmer pour la détérioration de ses conditions de vie. Telle est la recette pour l’agression impérialiste.

L’Ukraine est un butin attrayant. Elle possède les plus grandes réserves de minerai de fer au monde, des ressources gazières et autres ressources minérales, d’excellentes terres agricoles, de l’industrie, de la construction navale, des ports… elle a également une industrie d’armement moderne, rivale de celle de la Russie, ce qui est l’une des raisons pour lesquelles Moscou insiste pour que l’Ukraine soit « démilitarisée ». Et puis il y a les pipelines qui transportent vers l’Europe occidentale le gaz et le pétrole russe à travers l’Ukraine. Bien sûr, la Russie veut les contrôler. La Russie fournit 45% des importations européennes de gaz par ces gazoducs, mais ces dernières années, les États-Unis ont grignoté ce marché. La Russie est le troisième producteur mondial de gaz naturel. Les États-Unis sont les plus grands, et leur industrie gazière a connu une croissance prodigieuse, grâce à de nouvelles façons écologiquement dommageables de l’extraire (par fracturation hydraulique). Cependant, ces derniers temps, les États-Unis ont été aux prises avec une surcapacité et ont cherché agressivement de nouveaux marchés. Depuis 2018, ses exportations vers la plupart des pays de l’UE et le Royaume-Uni ont connu une rapide croissance. L’Allemagne faisait exception, terminus du nouveau gazoduc Nordstream2 sous la mer Baltique qui contourne l’Ukraine. Il n’est pas encore utilisé, et comme cela semble être le cas maintenant, il pourrait ne jamais l’être du tout. C’était l’espoir de la capitale allemande, celui d’un approvisionnement énergétique stable et rentable et d’élargir les relations commerciales avec la Russie en général. Aujourd’hui, l’Allemagne est de retour au bercail, investissant dans de nouveaux terminaux pour recevoir du gaz liquéfié en provenance des États-Unis. Les centrales au charbon très polluantes connaissent un nouveau souffle. La Commission européenne a annoncé un plan visant à réduire les importations de gaz russe de deux tiers d’ici l’hiver prochain et à y mettre fin d’ici 2027. Même si cet objectif n’est peut-être pas entièrement atteint, la direction est claire. Dans la mesure où la guerre en Ukraine est une guerre pour le marché européen de l’énergie – et cela fait clairement partie du tableau – les États-Unis ont déjà gagné.

La guerre actuelle ne vient pas de nulle part. La lutte pour l’Ukraine dure depuis 2008. En 2014, cette lutte est devenue une guerre. Depuis lors, les Ukrainiens et les Russes ont été inondés de propagande de guerre patriotique. Les Ukrainiens ont le malheur de vivre dans le pays que ni Moscou ni Washington ne veulent céder l’un à l’autre. Cela rappelle le jugement du roi Salomon : deux femmes ont toutes deux revendiqué la maternité d’un bébé. Salomon a dit : alors je vais couper le bébé en deux et vous en donner chacune une moitié. Ce à quoi la vraie mère a dit : non, donnez-le entier à ma rivale. Mais dans le cas du bébé Ukrainien, les deux femmes disent : coupez-le.

Désertez !

Les fausses et vraies nouvelles sont maintenant si mélangées qu’il est difficile de comprendre ce qui se passe exactement en Ukraine et en Russie. Par exemple, le 27 février, on nous a dit que treize soldats ukrainiens sur « Snake Island » avaient choisi de mourir pour la patrie. « Fuck you », c’est ainsi qu’ils auraient répondu à la demande d’un navire de guerre russe de se rendre. Dans les médias ukrainiens et occidentaux, leur héroïsme a été encensé au pinacle. Leur statue était déjà commandée, pour ainsi dire. C’était difficile à croire. Ces soldats étaient-ils tellement intoxiqués par la propagande qu’ils ont embrassé une mort inutile ? Comme les kamikazes, espéraient-ils être récompensés dans l’au-delà ? Personne ne profite de leur mort. Ils ne devraient pas être célébrés comme des héros, mais pleurés comme des victimes de la folie patriotique.

Heureusement, il s’est avéré assez rapidement que les soldats s’étaient finalement sagement rendus. Ouf. Même après qu’ils ont été montrés vivants et en bonne santé à la télévision russe, de nombreux médias occidentaux n’ont pas rapporté cette information.

Se battre pour la patrie n’est pas dans l’intérêt de la grande majorité de la population de l’Ukraine. Quels que soient les avantages de vivre dans un pays intégré à l’OTAN et à l’UE, ils ne l’emportent pas sur les inconvénients de la guerre. Quand, dans quelques semaines, mois ou années, les armes se tairont et que la fumée au-dessus des villes bombardées se dissipera, les Ukrainiens auront un pays empoisonné plein de ruines et de fosses communes. Et les pays occidentaux seront probablement moins généreux avec l’argent pour la reconstruction qu’ils ne le sont maintenant avec les armes. Supposons que l’Ukraine « gagne » la guerre, qu’est-ce que les gens là-bas auront gagné ? « L’honneur de la nation » ? La liberté ? Après la fin de la guerre, Zelensky et les « oligarques » ukrainiens seront toujours riches, mais seule une profonde misère attend les Ukrainiens « ordinaires ».

La meilleure nouvelle que nous ayons entendue à propos de la guerre est que certains soldats russes sabotent leur propre équipement et désertent. On ne sait pas combien. Nous ne pouvons qu’espérer que la désertion deviendra massive. Des deux côtés. Que les soldats russes et ukrainiens fraternisent et retournent leurs armes contre leurs dirigeants qui les ont envoyés à la mort. Que les travailleurs russes et ukrainiens fassent grève contre la guerre. Les manifestations pour la paix ne peuvent à elles seules arrêter la guerre si la population continue à endurer la guerre et toutes ses conséquences. Cela ne devient possible que lorsque la grande masse, la classe ouvrière, se retourne contre la guerre. La Première Guerre mondiale a été stoppée par la révolte de la classe ouvrière contre la guerre, d’abord en Russie en 1917 et un an plus tard en Allemagne. Mais c’était il y a longtemps. Aujourd’hui, il n’y a pas d’atmosphère de rébellion de masse en Russie, mais les conséquences désastreuses de la guerre peuvent réveiller un géant endormi.

En Russie et en Ukraine, l’écart entre riches et pauvres s’est fortement creusé. Dans les deux pays, les « oligarques » (Poutine et Zelensky inclus) cachent des fortunes dans des paradis fiscaux offshore et paient peu ou pas d’impôts. Pendant ce temps, les salaires moyens réels en Ukraine n’ont pas été augmentés depuis douze ans, tandis que les prix ont fortement augmenté. Les dépenses sociales ont été réduites par les gouvernements ukrainiens successifs de 20 % du budget en 2014 à 13 % aujourd’hui. La grande majorité de la population ukrainienne était déjà pauvre et le sera beaucoup plus après la guerre. Ses intérêts et ceux de la classe dirigeante ne sont pas les mêmes. Tout comme en Russie. En Ukraine, les soldats russes et ukrainiens s’entretuent pour des intérêts antagonistes aux leurs.

Une coïncidence ?

Nous ne savons pas comment cette guerre va se terminer. Peut-être y aura-t-il une sorte de compromis qui permettra aux deux camps de prétendre qu’ils ont gagné, ce qui ne sera en fait qu’un répit en prévision de la prochaine guerre.

Depuis la « Grande Récession » de 2008, l’économie mondiale traverse une crise profonde. La rentabilité mondiale est tombée à des niveaux proches de leurs plus bas niveaux historiques. L’effondrement n’a été évité qu’en créant des sommes gigantesques d’argent et en préemptant massivement l’avenir. Au tournant du siècle, la dette mondiale s’élevait à 84 000 milliards de dollars. Lorsque la crise de 2008 a commencé, le compteur s’élevait à 173 000 milliards. Il a depuis augmenté de 71% pour atteindre 296 billions d’ici 2021. Cela représente 353% du revenu annuel total de tous les pays réunis !

L’inflation monte en flèche et il n’y a pas de solution, pas de perspective de sortir du trou par des moyens « normaux ». Augmenter ou réduire les impôts, stimuler ou freiner les dépenses, réduire ou augmenter la masse monétaire, aucune recette ne fonctionne pour juguler la crise d’un système qui dépend de la croissance, de l’accumulation de valeur, mais qui est de plus en plus incapable de l’accomplir. La restauration de conditions favorables à l’accumulation de valeur nécessite une dévaluation du capital existant, une élimination massive des « branches mortes ». Est-ce une coïncidence si, dans la même période d’insécurité économique croissante et de crise désespérée, les dépenses militaires mondiales ont augmenté d’année en année et que le nombre de conflits militaires a fortement augmenté ?

Les guerres font rage et les tensions augmentent à peu près sur tous les continents. Les États-Unis et la Chine ont accéléré leurs efforts d’armement avec, pour chacun d’eux, ceux de l’autre comme justification. Les dépenses mondiales d’armement se sont accrues de 9,3 % (en dollars constants) au cours de la dernière décennie et dépassent maintenant les 2 000 milliards de dollars par an. Le plus gros dépensier est, de loin, les États-Unis (778 milliards en 2020, soit une augmentation annuelle de 4,4 %) éclipsant tous les autres, y compris la Russie (61 milliards en 2020, soit une augmentation de 2,5 %). Les dépenses militaires totales en Europe en 2020 étaient 16 % plus élevées qu’en 2011. Même la récession déclenchée par la pandémie n’a pas freiné la tendance. En 2020, alors que le PIB mondial a diminué de 4,4 %, les dépenses mondiales en armement ont augmenté de 3,9 % et en 2021 de 3,4 %. La guerre en Ukraine accélère le processus. Les affaires vont exploser pour les producteurs d’armes dans les années à venir.

L’Europe est une fois de plus le lieu d’une possible conflagration mondiale. Mais il existe d’importantes différences en regard de moments historiques comparables au siècle dernier. Premièrement : le facteur nucléaire freine l’escalade. Deuxième différence : l’économie est plus mondiale que jamais. Les intérêts sont intimement liés. Vous ne pouvez pas punir votre ennemi économiquement sans couper dans votre propre chair. La Russie n’est que la onzième plus grande économie et sa principale exportation, le pétrole et le gaz, a été largement épargnée par les sanctions pour l’instant. Alors que l’Europe envoie des armes en masse à l’Ukraine pour combattre la Russie, le pétrole et le gaz russes continuent d’affluer vers l’Europe via l’Ukraine. La dépendance mutuelle limite l’escalade.

Mais ces deux freins à l’escalade ne constituent pas une garantie absolue. La ligne rouge que les puissances militaires sont censées ne pas franchir peut devenir une question d’interprétation, en particulier pour le camp perdant. La Russie a rendu publique en 2020 une nouvelle directive présidentielle sur la dissuasion nucléaire abaissant le seuil nucléaire « pour éviter l’escalade des actions militaires et la fin de telles actions à des conditions inacceptables pour la Russie et ses alliés ». Le seuil peut être abaissé par l’utilisation de « bombes sales » (càd qui combinent des explosifs conventionnels avec des matières radioactives), d’armes chimiques ou biologiques. À partir de là, une escalade vers les armes nucléaires tactiques peut ne pas sembler un écart si important. Et ainsi de suite. Faire confiance à la santé mentale de la classe dirigeante pour éviter une telle voie serait stupide.

L’imbrication des intérêts économiques n’est pas une garantie non plus. C’est ce que la situation actuelle montre clairement. La guerre est désastreuse pour les économies de la Russie et de l’Ukraine. La classe capitaliste des deux pays fera moins de profits en conséquence. L’économie mondiale dans son ensemble en souffrira également. Surtout des sanctions économiques, qui ont été surprenantes dans leur sévérité. C’est très mauvais pour le profit et pourtant la chasse au profit est ce qui le met en mouvement. La guerre et les sanctions vont accélérer et approfondir la récession à venir, récession qui devenait de toute façon inévitable. Maintenant la guerre peut être blâmée pour cela. Biden l’appellera « la récession de Poutine ». Poutine accusera la guerre économique de l’Occident contre la Russie.

Le durcissement du régime des sanctions après la guerre implique la préparation à de futurs conflits. Cela signifierait que, dans la dynamique actuelle du capitalisme, les profits sont sacrifiés pour gagner la guerre. En étant protectionnistes, les sanctions vont à l’encontre de la tendance à la mondialisation de la recherche du profit. Les relations commerciales sont rompues, les liens logistiques sont coupés. Mais dans l’économie de guerre, ils seraient réorganisés. Les cibles des sanctions – la Russie, l’Iran, la Corée du Nord et, à l’avenir, peut-être la Chine – pourraient s’unir contre l’ennemi commun. Les implications géostratégiques de la guerre feront l’objet d’un autre article. Ce qu’il faut retenir, c’est que nous ne pouvons pas faire confiance à la mondialisation pour nous protéger d’une guerre mondiale.

Mais il existe une troisième différence, cruciale, avec les moments de pré-guerre mondiale du passé. Il s’agit de la conscience. Ce dont toute classe dirigeante a besoin pour soumettre sa propre population à un effort de guerre totale, c’est de la destruction de la conscience de classe, de l’atomisation des individus et de leur unification dans la fausse communauté de la nation. Poutine n’en est pas encore là. Il n’a pas le peuple russe dans sa poche comme Hitler avait les Allemands. Il est vrai que, malgré les nombreuses protestations en Russie contre la guerre, la résistance à celle-ci reste pour l’instant limitée. Mais les manifestations patriotiques de soutien à Poutine n’ont été vues nulle part, à l’exception d’un rassemblement général auquel beaucoup ont été poussés par l’État à participer. Poutine, en dehors de ses capacités militaires, ne peut pas généraliser la guerre comme Hitler a pu le faire parce que son contrôle idéologique est trop faible. D’un autre côté, c’est la raison pour laquelle il doit forcer l’escalade guerrière : sans victoire, il risque de tomber de son piédestal comme la junte argentine après la défaite des Malouines.

De même, dans la plupart des autres pays ayant une tradition de lutte sociale, le contrôle idéologique est trop faible pour entraîner la population dans une guerre de grande ampleur. Mais la classe dominante y travaille. Nous sommes intoxiqués. Nous réapprenons à vénérer les soldats comme des héros, nous réapprenons à applaudir les victoires sur le champ de bataille, nous réapprenons à accepter que nous devons faire des sacrifices pour l’effort de guerre. Et s’il n’existe pas de solutions nationales à nos problèmes – crise économique, dérèglement climatique, pandémies, appauvrissement, etc. – nous apprenons qu’il n’y a rien de plus beau que de se battre pour les frontières, de mourir pour la patrie.

Ne les laissez pas vous formater. Comme Karl Liebknecht a conclu son appel au défaitisme révolutionnaire en 1915 : « Assez et plus qu’assez de massacres ! A bas les instigateurs de la guerre ici et à l’étranger ! Et fin au génocide ! »

Sanderr, 23 mars 2022

Sources : Données militaires : Sipri, IISS, Ruth Leger Sivard. Données économiques : FMI, Banque Mondiale, Bloomberg News, Macrotrends

Merci à Controverses pour la traduction.

Traduction française : https://internationalistperspective.org/ne-vous-battez-pas-pour-votre-pays/

[ACG] Bientôt nous butterons nos propres généraux

Source en anglais : https://www.anarchistcommunism.org/2022/03/27/well-shoot-the-generals-on-our-own-side/

Les rois nous saoulaient de fumée
Paix entre nous, guerre aux Tyrans
Appliquons la grève aux armées
Crosse en l’air et rompons les rangs
S’ils s’obstinent ces cannibales
A faire de nous des héros
Ils sauront bientôt que nos balles
Sont pour nos propres généraux.

C’est l’un des couplets du célèbre hymne révolutionnaire, l’Internationale, écrit par le Français Eugène Pottier, un socialiste libertaire qui a participé à la Commune de Paris de 1871 et qui a écrit la chanson alors qu’il était en fuite après l’écrasement de la Commune. Il s’agit d’un couplet qui n’est souvent pas chanté en raison de ses implications révolutionnaires.

L’un des slogans que le Groupe Communiste Anarchiste a mis en avant au sujet de la guerre en Ukraine, c’est que les soldats devraient retourner leurs armes contre leurs propres officiers. Cette pratique a une longue histoire, y compris le fragging des GI américains contre leurs officiers pendant la guerre du Vietnam. Le dernier exemple en date est celui du colonel Yuri Medvedev, chef de la 37e brigade russe de fusiliers motorisés et commandant d’élite, qui a eu les jambes écrasées lorsque ses propres soldats se sont retournés contre lui après avoir subi d’énormes pertes pendant la guerre en Ukraine et lui ont roulé dessus avec un véhicule. Il a été emmené en Biélorussie pour y être soigné, mais a succombé à ses blessures. 750 des 1500 soldats du bataillon de chars avaient été tués.

Qu’ils soient conscrits ou « volontaires » (et il s’agit souvent d’une conscription économique, car les jeunes sont contraints de rejoindre les forces armées en raison du chômage dans leur région), les soldats doivent garder cela à l’esprit lorsqu’ils sont contraints de faire la guerre. Ils doivent se rappeler que le véritable ennemi est la classe dominante, que la classe ouvrière est internationale, et ils doivent penser à leurs propres intérêts de classe.

Traduction française : The Friends of the Class War

[ACG] La « Campagne pour une vraie guerre »

Source en anglais : https://www.anarchistcommunism.org/2022/03/29/the-campaign-for-real-war/

L’affirmation selon laquelle « la vérité est la première victime de la guerre » est le premier des nombreux mensonges qui accompagnent le massacre de notre classe. Pour que la guerre ait lieu, la vérité doit avoir été enterrée longtemps à l’avance. Le plus grand mensonge, dont découlent tous les autres, c’est que nous, la classe ouvrière, la chair du travail salarié et de la guerre, avons des intérêts communs avec ceux qui nous ordonnent de nous battre.

Du mythe de la patrie à l’escroquerie des « valeurs démocratiques », l’idée que tout travailleur russe est égal à Poutine par patriotisme, ou que tout travailleur britannique, en utilisant une urne aux côtés de Johnson, partage le même pouvoir et la même influence, serait risible si elle n’était pas si mortelle. Dans l’un ou l’autre de ces concepts étatiques, la « paix sociale » à laquelle nous sommes censés attacher du prix c’est la corvée du travail, la pauvreté, la vulnérabilité à la faim et au sans-abrisme, sous le joug des lois qui protègent la propriété, le profit et le pouvoir.

La communauté des nations qui défendent « l’intérêt national » dans le cadre d’un système fondé sur des règles n’est qu’un repaire de voleurs composée de magouilleurs spéculateurs : politiciens, marchands d’armes, banquiers, actionnaires, profiteurs et destructeurs de planète protégés par des lois qu’ils ont eux-mêmes élaborées. Rien de ce que nous apprécions ne nous a été donné, mais arraché aux riches dans une lutte des classes sanglante et concédé pour éviter la révolution et maintenir l’illusion de la paix sociale. Cette « paix » nous fait oublier l’épée de Damoclès qui plane sans cesse au-dessus de nos têtes. Le mensonge de la liberté.

La liberté, comme le dit la vieille chanson, est un autre mot pour dire qu’il n’y a plus rien à perdre. Et pourtant, c’est ce qu’ils nous demandent de défendre de part et d’autre de leurs frontières, lorsque la perspective de nouveaux biens fonciers sous forme de carburant, de terres, d’investissements et de ressources – nous y compris – tombe de la table de leur système international fondé sur des règles. Leurs habits de mouton tombent pour révéler les loups qui se battent pour une nouvelle carcasse. Les carcasses, les corps des travailleurs, nous qui travaillons, en uniforme ou non, des gens comme nous, sont dupés ou contraints de fertiliser cette nouvelle opportunité.

Puis, comme nous pouvons le voir du Yémen à l’Ukraine, les mensonges les plus malsains de tous font surface. La Turquie, qui a nourri l’État islamique et regardé Kobani brûler, joue maintenant le rôle d’intermédiaire honnête, pour des raisons humanitaires – du mensonge à l’ironie ! Pour contenir notre dégoût et notre résistance et les canaliser dans l’impasse de la sympathie, ils nous hypnotisent avec la fiction des crimes de guerre et des guerres illégales. « Interdites », « défensives » ou immorales. Certaines armes seraient bonnes, d’autres mauvaises, certaines bombes seraient un châtiment vertueux, d’autres seraient criminelles. Comme si le vrai problème était une campagne pour la vraie guerre et non contre elle !

La guerre est un crime ! Les causes et les excuses sont un mensonge ! Mais il y a une autre guerre, la vraie guerre, la guerre des classes. Nous ne faisons pas que mourir, nous résistons ! Des paysans ukrainiens qui remorquent des chars avec des tracteurs, 20 000 personnes arrêtées pour avoir protester dans les villes russes et ensuite des fragging, quelque chose dont on n’a plus parlé depuis la résistance anti-guerre au Vietnam : des soldats qui tuent leurs officiers ! Alors que les protestations sympathiques se multiplient, une résistance hostile organisée et digne de ce nom doit encore se développer. Mais ces graines, les graines de la guerre de classe, la seule guerre qui mettra fin à toutes les guerres, sont aussi, bien que tragiquement, semées dans un sol fertile.

Traduction française : The Friends of the Class War

[ACG] Défaitisme révolutionnaire

Source en anglais : https://www.anarchistcommunism.org/2022/06/12/revolutionary-defeatism/

Pourquoi la défaite est plus importante que la victoire…

Le défaitisme révolutionnaire est un principe fondamental pour les internationalistes anarchistes. L’action locale et la coordination mondiale contre la guerre impérialiste est la tâche et la responsabilité internationalistes des militants sociaux révolutionnaires et de notre classe en tous lieux. Mais qu’est-ce que cela signifie ? Ce terme, inventé lors de la première guerre mondiale en 1915, était une réponse à la capitulation et à l’effondrement du mouvement social-démocrate (la Deuxième Internationale) face au chauvinisme national et à la défense de leurs propres États-nations, malgré leur engagement d’avant-guerre en faveur de l’unité de classe et de la résistance.

Même certains des plus grands révolutionnaires ont lutté pour être véritablement internationalistes durant le conflit. Certains ont privilégié le soutien conditionnel de leurs participants comme un besoin « défensiste » de résister au plus grand « mal » incarné par l’autre camp. Pour le communiste anarchiste Kropotkine, c’était le militarisme prussien. Pour la majeure partie de la gauche allemande, c’était la barbarie autocratique slave. Dans la plupart des pays d’Europe occidentale (y compris le Parti travailliste britannique), on s’est opposé aux deux camps, et on a milité en faveur des acquis « progressistes » de la démocratie.

Les internationalistes ont reconnu que le conflit mondial se situait entre notre classe et la classe dominante qui se querellait pour la défense de leurs empires capitalistes respectifs. Au départ, en tant que minuscules minorités persécutées, ils ont été un vibrant appel lancé dans le désert.

Ce principe est à nouveau remis en question dans le conflit actuel entre la Russie et l’Ukraine, et pour des raisons similaires, malheureusement même par certains qui se prétendent internationalistes révolutionnaires – voir les déclarations sur notre site web et les médias sociaux de nos camarades des deux côtés des lignes de conflit qui soutiennent le « défaitisme » malgré les calomnies, les trahisons et les persécutions.

Qu’est-ce qui rend le concept de défaitisme si exigeant ? Pour certains, il s’agit d’une mauvaise compréhension de la nature et de la signification de cette position internationaliste ; pour d’autres, à gauche, comme l’aile libérale de la démocratie capitaliste, il s’agit simplement de prendre parti, mais pour la plupart, il s’agit d’une lutte morale instinctive pour distinguer le bien du mal, ce qui les rend vulnérables au pouvoir de la propagande d’État.

L’horreur de la guerre projetée de loin produit inévitablement des vagues de colère, de sympathie, de compassion, et un sentiment d’impuissance, que nos patrons et leurs États exploitent pour canaliser toute résistance qui s’éveille dans l’impasse de la charité. Ils nous manipulent pour que nous prenions de fausses décisions partisanes en faveur de l’un ou l’autre des belligérants. C’est le véritable brouillard de la guerre qui tente de nous aveugler sur ce qui devrait être l’évidence : les patrons des deux camps sont nos ennemis parce que les travailleurs des deux camps souffrent et meurent dans l’attente de notre solidarité de classe en action.

Le défaitisme, ce n’est pas du pacifisme, nous ne pouvons pas nous le permettre alors que chaque char d’assaut et chaque bombardement démembre les travailleurs. Il ne s’agit pas, comme le décrivait Lénine, de simplement « …désirer la défaite de ‘son’ gouvernement, souhaiter la défaite, ne favoriser rien de moins que la défaite », ce qui ouvre la voie à la victoire du pouvoir le plus militarisé et le plus brutal. Le défaitisme révolutionnaire est la mobilisation active de la solidarité et la défense de la communauté contre sa militarisation et sa cooptation forcées, et la résistance à l’idée de victoire capitaliste ou de paix capitaliste – cette dernière étant la bouffée d’oxygène sanglante entre les coups.

Cela implique de dissiper le brouillard pour voir le défaitisme révolutionnaire en action. En Ukraine et en Russie, les camarades révolutionnaires continuent de reconnaître qu’il s’agit d’un conflit sur les lignes de faille du capital mondial. Ils continuent à travailler ensemble et à s’opposer à la propagande nationaliste, à la coercition et à la militarisation, en désignant le conflit pour ce qu’il est, une attaque contre notre classe.

Nous devons ici marteler ce message, non seulement pour nous opposer à la guerre, mais aussi pour assumer nos propres luttes de classe, rejeter avec enthousiasme la paix sociale et nous solidariser avec nos camarades de la résistance mondiale. Des grèves ont lieu partout – les accusations d’« ennemi intérieur » et de trahison suivront bientôt. Qu’ils aient raison ! La guerre de classe EST le mouvement pour la paix, la guerre contre toutes les guerres. Il n’y a pas d’autre solution non binaire, le défaitisme n’exige qu’une seule issue, la guerre ou la révolution ! Notre choix est clair et sans équivoque !

Traduction française : The Friends of the Class War

[Dark Nights] La guerre est le drame suprême d’une société complètement mécanisée

Source en anglais : https://darknights.noblogs.org/files/2022/05/dark-nights-51.pdf

« La guerre est le drame suprême d’une société complètement mécanisée. »

-Lewis Mumford

Il n’est pas surprenant de voir à nouveau les ruines d’une nature apocalyptique dans une ville européenne ; le fait que Mariupol soit devenue la nouvelle Alep n’est pas une coïncidence, mais rappelle des images similaires de Sarajevo pendant la guerre civile yougoslave. Les conflits entre nations, entre superpuissances impérialistes ne nous ont jamais quittés. Si tant est que la guerre en Ukraine soit une continuation du conflit mené contre toute vie sur cette planète, la géopolitique et la guerre elle-même sont les symptômes d’un processus destructeur qui s’intensifie, celui de la civilisation et de son contrôle total mécanisé. Les signes avant-coureurs d’une planète à l’agonie sont omniprésents et les élites technocratiques en sont très conscientes.

La guerre a toujours été un outil d’embrigadement pour contrôler les masses, mais aussi pour restreindre l’individu. La guerre en Ukraine ne fait pas exception, pas plus que les conflits permanents en Syrie et au Yémen. C’est une illusion de la propagande dans les médias sociaux de croire qu’il s’agit d’un simple conflit entre une nation apparemment démocratique et un oppresseur fasciste. Zelensky n’est pas innocent dans tout cela, il existe de nombreuses preuves qu’il a accueilli à bras ouverts les néo-nazis qui menaçaient le jeune État ukrainien. Zelensky a même utilisé le bataillon Azov aux côtés du SBU (le service de sécurité ukrainien, formé par la CIA) pour réprimer l’opposition, qu’elle soit pro-russe, gauchiste ou communiste, et ce n’est pas pour excuser la Russie et Poutine, car il a également été prouvé que les sous-traitants du groupe Wagner sont remplis de nazis qui commettent des atrocités en Syrie, en Libye et récemment au Mali. Si l’on ajoute à tout cela le fait que l’OTAN a fourni des armes à des groupes ouvertement fascistes tels que le bataillon Azov, les a formés et activement encouragés, on obtient l’image d’une guerre par procuration qui rappelle la guerre froide. Qui paie le coût d’une telle guerre ? Les hommes enrôlés de force, les femmes et les enfants morts sous les décombres, ceux enterrés dans des fosses communes, ceux qui croient à la propagande d’une guerre menée sous des prétextes mythologiques, alors que les têtes sont détournées de la véritable stratégie des puissances impliquées, qui consiste à contrôler les populations à l’intérieur du conflit, tandis que le reste du monde assiste au spectacle, heureux de voir que sa paix sociale est maintenue, que son confort n’est pas perturbé, que la sécurité de son consumérisme interminable se poursuit, que la machine léviathanique dévore ce qui reste du monde naturel et le remplace par le vernis d’un monde artificiel.

Ajoutez à tout cela l’un des grands bénéficiaires de la guerre, la technologie et les profits qui en découlent. Déjà dans ce conflit, nous voyons l’aide internationale tant saluée, sous la forme de nouvelles armes technologiques. Outre les lanceurs de missiles antichars, les NLAW et les Javelins. Les drones sont de plus en plus utilisés dans cette guerre, que ce soit à des fins de surveillance ou d’attaque, mais les drones Switchblade d’AeroVironment Inc., décrits comme des drones kamikazes suffisamment petits pour tenir dans un sac à dos, sont également un pas de plus vers le concept de swarm drones [drones en essaim ou flotte de drones] utilisant l’intelligence artificielle distribuée [IAD].

La reconnaissance faciale, déjà utilisée dans un contexte répressif, notamment en matière de surveillance, que ce soit dans les rues, aux frontières ou lors d’émeutes, afin d’identifier quiconque ose résister, est désormais également utilisée pour identifier des ennemis ou des corps de soldats, avec l’aide du plus grand fournisseur au monde, Clearview AI. L’entreprise a elle-même déjà admis avoir stocké des milliards d’images provenant du site de médias sociaux russe Vkontakte, même des selfies pris par des personnes lambda, à l’instar du programme utilisé par Facebook. Comme d’habitude, cette technologie est justifiée par des objectifs prétendument utiles, comme le regroupement des réfugiés, mais il est déjà prouvé qu’elle est utilisée par d’autres agences gouvernementales ukrainiennes à d’autres fins, pour garder leur propre population sous contrôle et coloniser la société de surveillance dans un autre coin du monde.

Par ailleurs, suite à un appel de Zelensky, les satellites Starlink de la société SpaceX fondée par Elon Musk ont été utilisés pour fournir internet à l’Ukraine après l’effondrement du réseau internet dans de nombreuses régions du pays. Il s’agit d’une légitimation supplémentaire d’une nouvelle technologie qui non seulement favorise la colonisation et la pollution de l’espace, mais accroît également le pouvoir des technocrates et la dépendance à leur égard, même en temps de guerre. Le rêve de couvrir la planète de haut débit est en bonne voie, car vous ne pouvez pas ne pas pouvoir accéder à Twitter ou à TikTok alors que votre maison est bombardée et réduite en cendres, et que tout le monde meurt autour de vous.

Comme nous l’avons déjà mentionné dans des publications précédentes, nous sommes confrontés à des changements majeurs dans le fonctionnement de la société, des États, du capitalisme et de la civilisation dans son ensemble. Ce changement technologique et scientifique, qui étendra encore davantage le contrôle sur notre vie à tous, entraînera des conflits et des guerres, car certaines puissances rivalisent non seulement pour le contrôle des technologies, mais aussi pour accroître leur influence sur certaines parties de la planète et être les premiers à accéder à des ressources qui s’amenuisent et aussi à de nouvelles ressources pour développer les nouvelles technologies. Nous considérons la guerre qui se déroule en Ukraine comme la poursuite d’un processus qui a déjà été mis en pratique dans la pandémie toujours en cours, accompagné de l’augmentation des contrôles sur des populations entières. Avant cela, nous avons eu la « crise économique », la « guerre contre le terrorisme », toujours la continuation d’une crise des systèmes autoritaires, qui ont été créés, mais aussi la perpétuation d’un état de peur, peu importe qu’ils aient été créés par eux ou qu’ils soient les symptômes de leur échec.

Parallèlement à ces changements récents, le tableau soi-disant parfait de la paix sociale est en train de s’effondrer. Nous entrons déjà dans ce qui est décrit comme une « crise du coût de la vie » qui voit l’inflation et les prix de l’énergie augmenter. C’est une conséquence de l’effondrement du système économique dû à la pandémie, mais aussi une conséquence de la tentative des capitalistes et des élites de forcer les populations à retourner dans les galères du travail qui sont devenues encore plus une prison de surveillance et de contrôle total, que ce soit l’évolution croissante de l’automatisation, la surveillance constante de chaque action ou même la transformation absolue du travail en un esclavage sur le schéma Amazon. Avec tout cela, il est également clair que non seulement une « nouvelle guerre froide » est en train de se préparer, mais aussi une soi-disant « guerre énergétique ». Comme tout le monde le sait, la Russie est l’une des plus grandes sources de gaz et de pétrole au monde et les puissances occidentales ont déjà évoqué leur volonté de ne pas dépendre d’elles, que ce soit en devenant autonomes par elles-mêmes en matière d’énergie, en poursuivant l’exploitation de leurs propres sources de combustibles fossiles ou en développant les énergies renouvelables. La destruction de la planète par la poursuite de l’exploitation des combustibles fossiles dans de nouvelles zones, en utilisant des méthodes encore plus destructrices, ainsi que l’augmentation parallèle des « technologies vertes » qui nécessitent l’extraction de ressources encore plus polluantes, semblent plus prioritaires que de mettre fin à une guerre.

Où nous situons-nous en tant qu’anarchistes dans les guerres menées par les États-nations, les superpuissances et les technocrates ? En Ukraine, des anarchistes ont déjà formé un soi-disant « Comité de résistance » qui admet ouvertement faire partie de la « Force de défense territoriale » ukrainienne, elle-même directement subordonnée aux forces armées de l’Ukraine. Ces « anarchistes » font partie intégrante d’une unité de l’armée de l’État ukrainien, ce même État ukrainien qui a accueilli des néo-nazis dans son armée, ceux dont les commandants ont été décorés par Zelensky lui-même et qui ont ouvertement déclaré vouloir « mener les races blanches du monde dans une croisade finale ». Nous pourrions continuer à parler de la corruption et des liens de l’État ukrainien avec les fascistes, mais nous réservons cela pour un texte ultérieur, dans lequel nous analyserons la montée du nationalisme, des fascistes et des néo-nazis en Ukraine et en Russie, et nous montrerons comment le pays est devenu un point de convergence et un terrain d’entraînement pour le mouvement fasciste international, encouragé à la fois par l’OTAN et l’État russe.

L’État ukrainien ne peut être confondu avec une sorte de retour à la guerre civile espagnole avec l’État républicain, ni même avec une alliance des makhnovistes avec les bolcheviks ; car ce dont il est question ici, c’est l’adhésion volontaire à une armée qui compte également des néonazis dans ses rangs, et quiconque se proclame anarchiste ne devrait rien avoir à faire avec elle.

Par ailleurs, ces « anarchistes » ont même oublié les principes de base de l’anarchisme et l’implication passée des anarchistes dans des conflits. Les anarchistes ne combattent pas au sein d’une armée d’État, n’endossent pas l’uniforme, ne reçoivent pas d’ordres, ne se soumettent pas à l’autorité des officiers. Durant la guerre civile espagnole, des anarchistes ont perdu la vie lors des Journées de Mai à Barcelone en 1937 en s’opposant non seulement à la formation d’un Etat ou d’une contre-révolution mais aussi en résistant à la militarisation de leurs milices. En 1916, Kropotkine, Jean Grave et d’autres anarchistes ont rédigé un texte inexcusable appelé le « Manifeste des Seize », dans lequel ils encourageaient les anarchistes à s’engager dans la Première Guerre mondiale aux côtés des Alliés parce que les Empires centraux devaient apparemment être vaincus, alors que des millions de personnes mouraient dans les tranchées pour le nationalisme et l’impérialisme. La même erreur sera à nouveau commise avec la Seconde Guerre mondiale, Rudolf Rocker soutenant que l’effort des Alliés dans la Seconde Guerre mondiale était juste, car il conduirait finalement à la préservation des valeurs libertaires !

Si l’amnésie du passé ne suffit pas, ces « anarchistes » semblent se sentir à l’aise pour rejoindre une armée équipée et entraînée par des soldats des pays de l’OTAN, comme le sont d’autres « anarchistes » qui rejoignent les forces kurdes en Syrie. Dans cette guerre, ils ont même été d’accord que les forces aériennes et les forces spéciales des pays de l’OTAN combattent avec eux contre l’État islamique. Il y a ici un lien entre ce qui s’est passé au Rojava et ce qui se passe maintenant en Ukraine, une tendance communiste libertaire et militarisée qui n’est pas anarchiste, qui a ses racines bien plus loin dans le temps, qui a corrompu les cercles anarchistes internationaux à tel point qu’ils commencent à fonctionner comme les communistes, les libéraux et les gauchistes, sombrant dans une pratique qui ne représente aucune menace chez eux, parce que leur prétendue révolution n’est jamais mise en œuvre de manière violente là d’où ils viennent, encourageant une version encore pire du civisme et du militantisme. Nous devrons à l’avenir faire une critique de cette déviation, qui aurait dû être faite depuis longtemps, dans les cercles anarchistes internationaux.

Les anarchistes sont par principe antimilitaristes. Ils ont refusé la conscription dans de nombreuses guerres, y compris celle du service militaire comme en Italie et en Grèce. Les anarchistes se sont lancés dans la lutte armée antifasciste en tant que partisans pendant la Seconde Guerre mondiale, en mettant sur pied des formations autonomes là où c’était possible (Carrera, Pistoia, Gênes et Milan) ou, comme ce fut le cas dans la plupart des cas, en rejoignant d’autres formations, qui ne faisaient pas partie de l’armée italienne déjà sous le contrôle de Mussolini et de ses fascistes, qui s’étaient alliés à Hitler et aux nazis. Les Galleanisti ont poursuivi leur propre guerre contre l’État américain, bien que celui-ci soit entré dans la Première Guerre mondiale contre l’Allemagne. Depuis des décennies, l’armée et son industrie sont les cibles des anarchistes. Que ce soit contre la base de missiles américaine de Comiso, en Italie, dans les années 1980, ou la Fédération anarchiste informelle qui a attaqué des cibles et des fournisseurs militaires à l’échelle internationale, comme au Royaume-Uni contre une ligne de chemin de fer reliant le ministère de la Défense et des entreprises militaires, des incendies volontaires dans la Réserve des Royal Marines et contre BAE Arms. Ces dernières années, des entreprises d’armement et les militaires ont de nouveau été prises pour cibles : les Cellules d’Action Directe en Grèce ont attaqué des résidences de militaires à l’aide d’engins incendiaires et plusieurs cibles ont été touchées en Allemagne par des autonomes, notamment des véhicules militaires MAN et l’incendie des bureaux de l’entreprise de défense OHB à Brême.

Il ressort clairement de cette chronologie courte et limitée que l’armée et ses sous-traitants, les profiteurs de la guerre et de la mort ont toujours été des cibles pour les anarchistes, et même plus loin dans le temps il y a toujours eu une tendance à lutter contre tous les États, même en temps de guerre. Quand n’y a-t-il pas une guerre en cours quelque part dans le monde ? Ne sommes-nous pas constamment en guerre avec notre ennemi, que ce soit l’État, le capitalisme, la technologie, les fascistes ou la civilisation ? Et cela n’inclut-il pas leurs armées ?

L’antimilitarisme fait partie de notre guerre contre l’existant. Nous ne sommes pas les pacifistes des manifestations contre la guerre en Irak qui n’ont rien empêché, ou les écolos-libéraux populaires en plein naufrage. Nous ne nous battons pas dans des guerres nationalistes ou impérialistes et nous ne formons pas de fronts impossibles avec ceux qui nous tortureraient et nous tueraient une fois que nous aurions le dos tourné. Les luttes anarchistes passées devraient nous apprendre qu’il n’y a pas de négociation possible avec ceux qui perpétuent la prison existante, peu importe à quel point ils promettent d’être libertaires ou démocratiques.

Ce qui se passe en Ukraine lorsque des « anarchistes » combattent au sein des forces armées d’un État-nation qui s’est allié aux fascistes, c’est une trahison de tout ce qui est anarchiste et ne devrait pas être qualifié comme tel. C’est l’incapacité à réaliser l’autonomie, à créer un conflit contre toute autorité, contre tous les États, toutes les manifestations de pouvoir, avec une violence insurrectionnelle réelle, au lieu de se concentrer autant sur un post-modernisme, une politique identitaire, des déviations libérales gauchistes et même communistes.

Au lieu de cela, nous […] appelons une fois de plus à une nouvelle coordination internationale, pas seulement contre l’OTAN et l’État russe, mais contre tous les États.

Notre guerre est dirigée contre toute militarisation, contre tout embrigadement, toute négociation avec le pouvoir et l’autorité qui imprègnent toute la société. Elle n’est pas seulement dirigée contre les cibles militaires, mais contre toutes les manifestations de contrôle, des flics aux patrons, des technocrates aux soldats, tous les politiciens et les banquiers, tout ceux qui profitent de nous et nous emprisonne, qui détruisent et tuent toute vie sur cette planète. Le complexe carcéral militaro-industriel et technologique doit être abattu, détruit et réduit en cendres !

Pour 10, 100, 1000 cellules anarchistes insurrectionnelles et révolutionnaires !

Pour une nouvelle Coordination Anarchiste Internationale !

325 Collective

Traduction française : The Friends of the Class War

[Soligruppe für Gefangene] Contre les guerres du capitalisme, notre réponse c’est la guerre sociale

Source en allemand : https://panopticon.blackblogs.org/2022/03/02/gegen-die-kriege-des-kapitalismus-lautet-unsere-antwort-sozialer-krieg/

Contre les guerres du capitalisme, notre réponse c’est la guerre sociale

Contre l’OTAN, contre l’UE, contre l’Ukraine, contre la Russie, pour la destruction de l’État-Capital

Tout le monde connaît la célèbre phrase de Von Clausewitz selon laquelle la guerre est la continuation de la politique, mais avec d’autres moyens. La guerre n’est pas un acte d’aventuriers fous ou un acte irrationnel, comme on le dit pour discréditer les guerres des autres, car dans le capitalisme, la guerre est indissociable du capitalisme. Depuis que l’homme frappe des pièces de monnaie avec le visage de dirigeants, ceci étant considéré comme l’interaction civilisée pour que nous ne nous entretuions pas en cherchant de la nourriture, selon la raison capitaliste, tous les conflits dans l’organisation politique de l’économie, c’est-à-dire ses administrateurs territoriaux, les États, sont réglés de cette manière si l’on ne peut pas obtenir de profit réciproquement. La guerre est indissociable du capitalisme et toutes les phases de paix ne visent qu’à se préparer à la prochaine guerre et, pour ce qui nous concerne, nous, masse mortelle, remplaçable et exploitable, à la subir. Les guerres ne sont pas seulement menées entre Nations-États, mais aussi là où la domination du Capital ne peut pas s’imposer par la paix sociale, c’est-à-dire pour garantir toute tension à l’intérieur de son propre territoire, ce qui est obtenu par les salves de canon. Aucun bonapartisme n’est nécessaire pour cela, si la démocratie n’y parvient pas, elle laisse la place au fascisme, qui est l’autre face de la même pièce.

L’invasion de l’armée russe et la déclaration de guerre de la Russie contre l’Ukraine n’est ni une surprise, même si elle a surpris tout le monde, ni l’acte d’un fou ou d’un gouvernement devenu fou ; la narration ne fait que faciliter la compréhension en pathologisant le méchant du film. La société du Capital est ainsi obscurcie, rendue muette, afin de la séparer de l’organisation de la société du Capital comme une tumeur, comme si l’une n’avait rien à voir avec l’autre. N’oublions pas qui a lancé les premières bombes atomiques et, idéologiquement, au nom de quoi.

Même si, depuis l’effondrement de l’Union soviétique, la fin de l’histoire a été proclamée, du moins par les philosophes de la bourgeoisie, et que cette fin proclame la victoire infinie du Capital, il n’en reste pas moins que les fractions du Capital continuent à s’affronter. Ces différentes fractions, qui défendent également des idéologies différentes, peuvent être considérées qualitativement comme un seul bloc, comme les garants du maintien du capitalisme, mais poursuivent néanmoins, comme nous l’avons déjà dit, leurs propres intérêts et ceux-ci conduisent à des conflits qui, comme il y a quelques jours, débouchent également sur des guerres. Ce qui nous a montré une fois de plus que les fractions du Capital continuent à s’allier entre elles dans des blocs pour protéger leurs propres intérêts, mais que tout cela ne dure pas et n’est pas éternel. Chacune de ces fractions doit extraire des travailleurs autant de plus-value que possible, et grâce aux différentes révolutions industrielles où cette extraction est maximisée et stimulée, on a de moins en moins besoin de force de travail humaine ; ce qui ensuite conduit à de nouvelles crises économiques. Cette tendance s’est accentuée au cours des dernières décennies et est de plus en plus fréquente, du moins par rapport aux crises économiques précédentes et à la période entre celles-ci. Toutes les fractions du capital doivent donc, aussi vite et aussi bien que possible, sécuriser leurs positions, en conquérir d’autres et au moins les contrôler. C’est ce que fait l’Union européenne en créant un énorme marché intérieur et en garantissant à la classe dirigeante un territoire de plus en plus vaste. Mais ce territoire vise certainement aussi, non sans conflits internes, à une stabilité interne afin de garantir la maximisation de l’exploitation et doit donc aussi pouvoir se défendre en tant que bloc. Tous ces processus et stratégies de différentes nations et fractions ne sont jamais harmonieux et leur durée n’est jamais assurée, car chacune d’entre elles cherche et défend en premier lieu ses propres intérêts. Voir la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE, par exemple. Ainsi, l’UE a dû s’élargir et, en raison des limites géographiques auxquelles elle est confrontée, elle n’a pu le faire qu’en s’étendant vers l’Est, où toutefois une faction qui s’est effondrée, l’Union soviétique, a pu se reconstruire en plus petit et sous le nom de Fédération de Russie, qui pense et agit selon le même schéma.

Le conflit actuel, camouflé par les artifices du nationalisme et du patriotisme, correspond à une telle évolution, dans laquelle les alliés de l’UE, tant économiques que militaires, à savoir l’OTAN, jouent également un rôle important. Car même si l’Union soviétique c’est de l’histoire ancienne, la raison principale de cette alliance militaire est toujours l’hypothèse selon laquelle l’ennemi principal pour le monde occidental, c’est-à-dire pour la fraction capitaliste, démocratique, respectueuse des droits de l’homme, respectueuse de l’environnement, respectueuse de l’homme, respectueuse des animaux, etc. c’est la Russie. Peut-être est-ce dû à l’arsenal nucléaire encore considérable que l’Occident possède également.

Cette guerre, comme son origine, ce qui est rarement différent pour tous les autres conflits, est cependant menée comme un théâtre de marionnettes sous un autre langage ; on ne parle pas du fait qu’il s’agit toujours de conflits économiques, mais de la manière dont l’idéologie en question parvient à protéger la démocratie, à lutter contre le fascisme, à sauver les frères et sœurs opprimés, à tenir tête à un fou et à une oligarchie, etc. Selon les besoins et selon les goûts, les idéologies offrent quelques justifications.

Tout cela est très utile pour que les gens, en général des ouvriers et des ouvrières, c’est-à-dire des gens qui vendent leur force de travail pour ne pas mourir de faim, soient poussés à s’entretuer au nom de la classe dominante, la bourgeoisie. Les horreurs de la guerre, les souffrances qui en découlent, les morts, l’exode, les embargos économiques (Swift), les familles et les existences détruites, ce sont toujours les mêmes qui les paient à chaque conflit, pas ceux qui déclenchent les guerres, mais ceux qui les font.

Il ne faut cependant pas oublier l’hypocrisie et le pragmatisme impitoyable du capital : les détracteurs les plus virulents de la Fédération de Russie, c’est-à-dire la fraction occidentale du capital, continuent à commercer avec elle.

Tout cela n’est pas nouveau et nous n’avons pas eu besoin de demander conseil à l’oracle pour en arriver à cette conclusion. Mais il semble que cela doive être répété, car l’idéologisation trouve un écho dans de nombreux endroits et cette guerre est justifiée d’une manière ou d’une autre. Les manières de le faire sont nombreuses, nous avons évoqué l’amour de la patrie, cette Union Sacrée qui unit tout le monde – la bourgeoisie unit les travailleurs et les travailleuses qui croient que l’on subira le même sort, que l’ennemi sera le même, alors qu’au final, il ne s’agit que de savoir par qui on sera exploité. La classe dirigeante ukrainienne est tellement sûre d’elle qu’elle va jusqu’à distribuer des armes à la population sans qu’elle ait à craindre qu’elles soient retournées contre elle, même si les travailleurs et travailleuses là-bas (comme ici) ont toutes les raisons de le faire. La question n’est pas seulement que le prolétariat s’arme, mais ce qu’il fait de ces armes. De même que la population ukrainienne est appelée à fabriquer des Molotovs, jamais autant de vidéos n’ont circulé sur Internet expliquant les différentes manières de fabriquer des Molotovs, même des généraux de réserve de l’armée allemande indiquent dans des interviews à la télévision à quel point le polystyrène […] est utile dans les Molotovs parce qu’il adhère bien. Bientôt, on fera venir des vétérans de la guerre soviéto-finnoise en tant qu’experts en Molotovs. Rien ne semble plus séduisant que l’appel aux drapeaux pour défendre la nation, ce qui est toujours, en fin de compte, la défense de la bourgeoisie d’un certain territoire.

Et pourtant, tout cela nous semble être une platitude qui n’intéresse plus vraiment personne. Ce n’est pas grave, ce n’est pas une complainte, mais plutôt un constat.

Une nouvelle guerre a été déclenchée et, tout comme de nombreux événements similaires au cours des dernières décennies, elle changera l’avenir ou du moins le présent pathétique que nous connaissons. La République fédérale d’Allemagne a déjà annoncé qu’elle allait rééquiper son armée avec des sommes d’argent faramineuses, d’autres pays vont suivre, ce n’est pas un cas isolé. Nous sommes peut-être à la veille d’un débat sur la question de savoir si davantage de pays vont ajouter des armes nucléaires à leur arsenal actuel. À ce jour, neuf pays – les États-Unis, la Fédération de Russie, la France, le Royaume-Uni, le Pakistan, l’Inde, la République populaire de Corée, la République populaire de Chine et Israël – possèdent officiellement plus de 13 000 ogives nucléaires. Près de 12 000 d’entre elles sont détenues par les États-Unis et la Fédération de Russie. Quoi qu’il en soit, en pleine crise économique, de nombreux Etats vont chambouler leur budget pour pouvoir augmenter les dépenses militaires – les bouchons sautent déjà dans les industries et entreprises concernées, mais que personne ne s’y trompe, ce réarmement sert avant tout l’ennemi à l’intérieur du territoire à administrer.

Tout débat pour le réarmement des autorités sécuritaires et militaires peut désormais parfaitement être mené sans protestation, avec la menace de la Russie, puis peut-être de la Chine, ou de qui que ce soit d’autre, et l’Union Sacrée est réalisée, toutes les forces démocratiques contribueront à l’aboutissement des devoirs patriotiques.

Maintenant, rien ne semble plus urgent que la paix, que les actions militaires cessent, car, ce qui est vrai aussi, les hommes souffrent du massacre de toute guerre. Mais il ne faut pas oublier que la paix n’est rien d’autre que la paix de la domination du capital et que c’est une guerre contre l’humanité qui doit lutter quotidiennement pour sa survie, même si celle-ci a la possibilité d’être salariée. Mais rien n’est sûr dans la réalité et la dictature du capital, aucun emploi n’est garanti, on peut toujours le perdre, on peut être victime d’un accident – qu’il soit physique ou psychologique – et une guerre peut éclater à tout moment. La certitude que ce n’est pas le cas n’est que la croyance que l’État gère tout dans l’intérêt des gens, ce qu’il ne fait pas ; il ne sert que ses propres intérêts et il n’y a pas de place pour les gens. Il faut les exploiter et les maintenir en vie le plus efficacement possible, de manière à ce qu’ils ne se révoltent pas constamment, et leur vendre cette réalité concrète, qui varie selon les fractions et les pays, comme étant la meilleure possible. La forme – idéologie – actuelle la plus réussie c’est la démocratie et elle doit le rester dans l’intérêt de la classe dirigeante, d’où la diabolisation de Poutine et de la Russie qui, selon les médias et de nombreux prétendus détracteurs de ceux-ci, est dirigée par une oligarchie. La bourgeoisie reste la bourgeoisie, que ce soit en Russie ou ici, mais il est intéressant de présenter celle de là-bas comme une version pire que celle d’ici, c’est pourquoi elle est aussi appelée oligarchie. Un autre exemple de la concurrence entre les fractions du capital.

Parler de paix, c’est donc parler de la paix dans le sens de la classe dirigeante. Comme lors de la Révolution française, les postulats universalistes proclamés de liberté, de fraternité et d’égalité ne peuvent être saisis que comme la liberté, la fraternité et l’égalité pour la nouvelle classe dirigeante émergente, la bourgeoisie. Récemment, des connaissances nous ont dit qu’il valait mieux vivre en Ukraine, en tant que révolutionnaire, qu’en Russie. Nous avons répondu que ce n’était qu’une question de loyauté envers l’État, ce qui semble avoir été prouvé dans plusieurs cas en Ukraine.

Ce qui nous amène au thème suivant, qui a inévitablement beaucoup marqué cette guerre, mais aussi les précédentes : l’attitude de prétendus anarchistes en Ukraine, comme depuis le début de la guerre ici aussi. Il s’agit d’attitudes et de déclarations très inquiétantes, que nous ne voulons pas généraliser, car nous ne pouvons pas en mesurer la portée, mais dans différents articles, on trouve des interviews et des témoignages qui ont fait leur chemin via le groupe anarchiste nord-américain Crimethinc et qui ont été pris pour argent comptant, faute d’autres informations. Mais comme il ne s’agit que de quelques articles et qu’il n’est pas possible de vérifier la paternité, le contexte et les positions des responsables, nous ne savons pas s’il s’agit de positions partagées par de nombreux anarchistes en Ukraine.

Ce qui nous inquiète à nouveau, mais qui ne nous surprend pas pour autant, c’est que de soi-disant anarchistes s’inscrivent dans ce conflit au sein de deux fractions bourgeoises opposées. Sous le couvert de la démocratie, de la souveraineté nationale, côte à côte avec des nazis et des nationalistes ukrainiens du côté de la nation ukrainienne et de l’OTAN et des intérêts impérialistes, de leurs partenaires et associés, et de l’autre côté, sous le couvert de l’antifascisme, de la souveraineté nationale, au côte à côte avec des nationalistes russes du côté de la nation russe, de ses partenaires et associés et ses intérêts impérialistes.

C’est ce qu’on peut déduire, que ce soit vrai ou faux, gonflé ou exagéré, de différents articles publiés soit par Crimethinc, soit sur d’autres portails d’information anarchistes. Il y est question d’une sorte d’Union Sacrée, où tous se battent ensemble contre l’agresseur russe, où le capital local est défendu contre un capital étranger. On y parle sans gêne de la nécessité de vivre dans une nation ukrainienne plutôt que dans une nation sous domination russe, directe ou indirecte. Ce qui, semble-t-il, a conduit et conduit encore à appeler à rejoindre l’armée ou différentes milices nationalistes et fascistes. Comment les anarchistes peuvent-ils parler de défendre leur propre pays, puisque nous n’avons ni pays ni patrie ?

Même si cela n’a pas la même portée, cela nous rappelle trop le Manifeste des Seize, un manifeste publié en réalité par quinze anarchistes qui se sont positionnés en 1916, en pleine Première Guerre mondiale, pour la guerre contre l’Empire allemand. Le plus connu des signataires était Piotr Kropotkin, originaire de Russie. Le soutien ouvert de quelques-uns aux Alliés et à l’Entente a provoqué un tumulte au sein des mouvements anarchistes, qui se reproduira seulement dix ans plus tard dans le débat sur le plateformisme.

Comme nous l’avons dit, le mouvement anarchiste international a rejeté ce Manifeste. Il convient de noter qu’environ la majorité absolue du mouvement a critiqué ce Manifeste et l’a accusé de trahir les principes anarchistes. Il ne s’agissait pas d’une guerre entre l’impérialisme allemand et le mouvement ouvrier international, mais d’une guerre entre Etats capitalistes, portée sur les épaules de la classe ouvrière. Parmi les critiques du Manifeste, on trouve Malatesta, Goldman, Bergman, Faure, Fabbri, Mühsam, Rocker et bien d’autres de grande renommée.

Peut-être exagérons-nous le souvenir, et non la comparaison, qui nous a frappés, car il est inquiétant et contre-révolutionnaire, comme nous l’avons dit, que des anarchistes commencent à se rallier à l’une des fractions du capital. Car si ceux-ci, comme d’autres prétendus révolutionnaires, se mettent à défendre l’État-capital, pour quoi nous battons-nous encore, si ce n’est pour maintenir ce que nous voulons détruire, ce qui est la cause de toutes les souffrances de l’humanité et de toutes les espèces sur cette planète ?

La question est rhétorique, mais depuis la pandémie de Corona, la défense de l’État, garant de la santé et du bien-être, s’est répandue et pas seulement au sein de la gauche du capital, mais aussi dans les milieux anarchistes, qui se sont ainsi rangés du côté de la gauche du capital. Ainsi, certains de ces cercles, courants et/ou groupes justifient l’idéologie dominante, la démocratie, comme une forme plus raisonnable de la domination du capital, et c’est là que toute citation de Bakounine [1] à ce sujet reste lettre morte et ne nous permet plus de comprendre ce que nous voulons faire : mettre fin au capitalisme et à l’État.

Quelles sont nos propositions ? Eh bien, celles que des millions de personnes ont défendues avant nous et ont essayé de mettre en pratique. Qu’il n’y a aucun sens à se positionner dans cette guerre capitaliste du côté de l’un ou l’autre des belligérants. Nous ne sommes pas de la chair à canon, ni pour l’OTAN, ni pour l’UE, ni pour la Russie ou qui que ce soit d’autre, peu importe à quel point telle ou telle fraction du capital se présente comme progressiste et respectueuse de l’être humain. Notre objectif est de libérer l’humanité du joug de l’esclavage salarié et de l’État, et nous devons emprunter cette voie et uniquement cette voie. Que tous les efforts du mouvement anarchiste doivent être de faire avancer une insurrection qui débouche sur une révolution sociale. Une guerre sociale et une guerre de classe partout et sans répit. Que nos efforts contre la guerre capitaliste doivent toujours être pour la guerre contre la classe dirigeante, que seules les masses exploitées peuvent mettre fin à ce massacre et à tout autre massacre, que nous partageons davantage avec nos prétendus adversaires – masqués par la mascarade du nationalisme – puisque nous sommes tous exploités sous la même domination du capital.

A bas la guerre capitaliste et la paix capitaliste !

Insurrection, révolte, révolution sociale !

Pour la communauté libre sans classe et sans État !

Pour l’anarchie !

[1] « Comme l’a écrit Bakounine : Nous sommes fermement convaincus que la république la plus imparfaite est mille fois meilleure que la monarchie la plus éclairée. », extrait de l’article Anarchistes et guerre : Perspectives anti-autoritaires en Ukraine publié sur crimethinc.

Traduction française : Les Amis de la Guerre de Classe

[In der Tat] Contre la guerre et la mobilisation militaire (notes provisoires sur l’invasion en Ukraine)

Source en allemand : https://de.indymedia.org/node/178646

L’État russe tente de conquérir l’Ukraine. Ce même État qui a aidé à réprimer le mouvement biélorusse vers la liberté et, il y a seulement quelques semaines, a écrasé la révolte au Kazakhstan avec ses chars. Poutine cherche à étendre son pouvoir autocratique et à broyer tout mouvement de rébellion ou de résistance, à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières. Pourtant, lorsque tous les démocrates occidentaux chantent en chœur la défense de la liberté et de la paix, il s’agit d’hypocrisie orchestrée : ce sont les mêmes démocrates qui imposent par la force des rapports coloniaux de pouvoir et d’exploitation à travers leurs « opérations de paix », c’est-à-dire des guerres d’agression à coups de drones et de bombes ou des occupations de territoires ; les mêmes qui fournissent en armes des dictateurs et des bourreaux ; les mêmes qui sont directement ou indirectement responsables de massacres contre des réfugiés et des insurgés, en ne jurant aujourd’hui que par la paix. Une paix sacrée en Europe, qui n’existe d’ailleurs pas comme promis depuis 70 ans, et qui a toujours signifié la guerre dans les pays globalisés du Sud – à travers des guerres par procuration, à travers des livraisons d’armes, à travers les frontières et le colonialisme. Si l’Occident soutient pleinement l’Ukraine, c’est parce qu’il s’agit d’un allié.

Nous sommes dégoûtés par les deux camps de cette guerre : au lieu de nous positionner d’un côté ou de l’autre, nous nous opposons à toutes les armées d’Etat et à leurs guerres – nous exécrons non seulement leurs massacres, mais aussi leur obéissance de cadavre, leur nationalisme, la puanteur de caserne, la discipline et les hiérarchies. Prendre position contre toute forme de militarisme et d’État ne signifie pas pour autant que nous rejetions le fait de prendre les armes. Quand des anarchistes ukrainiens décident de se défendre les armes à la main – eux-mêmes et leurs proches, pas l’État ukrainien –, alors nous sommes solidaires avec eux. Mais une position anarchiste contre la guerre – même contre une guerre d’agression impérialiste –, ne doit pas dépérir au point de défendre un État et sa démocratie, ou de devenir un pion dans leur jeu. Nous ne choisissons pas le côté du moindre mal ou celui des gouvernants les plus démocratiques, car ces mêmes démocraties ne s’intéressent aussi qu’à leur propre expansion de propre pouvoir et se fondent aussi sur la répression et l’impérialisme. La guerre est l’essence de tout État : il occupe un territoire et se déclare comme seul exécutant légitime de la violence, il défend ses frontières et contrôle la population qui doit le servir. Dans ce sens, nos pensées et notre solidarité vont aussi à tous ceux qui fuient l’enrôlement forcé, qui désertent, qui refusent de tirer sur l’ennemi parce qu’il porte le mauvais uniforme ou parle la mauvaise langue. Cette solidarité, qui transcende les frontières construites du nationalisme et conduit finalement à la fraternisation, peut être révolutionnaire. Parce que lorsque des personnes sur le territoire dominé par l’État russe sortent dans la rue contre la guerre et que des habitants d’Ukraine fuient le recrutement de force, c’est une dynamique qui peut se débarrasser de toute la saloperie nationaliste que l’État tente de planter dans nos cœurs et nos esprits, et dont les conséquences sont la mentalité de troupeau, le culte des guides et de la virilité, l’esprit de martyre, les massacres, les fosses communes et les génocides. Ce nationalisme conduit à diviser les personnes entre chair à canons et ennemis à éliminer. Il mène à ne plus voir des individus, mais seulement des armées, des uniformes, des nations, des ethnies, des croyants – alliés ou ennemis.

Quand des personnes désertent la logique de guerre étatique, avec ou sans armes ; quand des individus s’opposent, avec ou sans armes, à toute occupation étatique ; quand certains aident et soutiennent des réfugiés et des déserteurs ; quand des individus fraternisent par-delà les frontières et les lignes de front – quelque chose peut alors être opposé au bain de sang de l’État. Si l’État, ses généraux et ses politiciens ne connaissent que la langue de l’oppression, les opprimés connaissent la langue de l’empathie et de la solidarité. En fin de compte, ce sont toujours les riches et les puissants qui veulent la guerre, car ils sont les seuls à profiter du pouvoir et de l’argent, et ce sont toujours les pauvres qui se font massacrer. Quel que soit le régime, le même rôle leur est toujours attribué, celui d’esclaves, d’exploités et d’exclus. Les gros bonnets ukrainiens ont été les premiers à quitter le pays dans leurs jets privés.

Alors que l’Occident fournit des armes à l’armée ukrainienne, la machine de propagande et de réarmement bat son plein sur le front de l’intérieur patriote : l’armée allemande doit être perfectionnée, la population doit être mobilisée contre la Russie. Tandis que les bombes explosent à quelques centaines de kilomètres, la « paix » militariste règne ici : de nouvelles armes, de nouveaux équipements, de nouveaux soldats sont à acheter, produire et former. Après l’état d’urgence lié au Covid, la population est à nouveau plongée dans la peur et l’effroi, et on nous dit clairement qui suivre et qui offre sa protection : Papa État, armé jusqu‘aux dents.

Depuis les premiers jours de guerre nous sommes également confrontés à une mobilisation générale « culturelle ». On nous rappelle que l’Ukraine serait proche de nous, non seulement par la distance kilométrique, mais aussi culturellement. Immédiatement, la fraction culturelle de la gauche libérale et y compris radicale, sait comment elle pourrait à son tour soutenir l’effort de guerre contre l’expansion de l’ennemi russe à la maison. Cet espace subculturel où il est avant tout question de style de vie, celui que la démocratie offre si généreusement et qui a été si massivement restreint ou exilé dans la sphère digitale au cours des deux dernières années, est à présent invoqué pour activer et cimenter dans les cœurs de la population un sentiment d’appartenance commune avec les alliés, et de séparation d’avec l’ennemi. Il serait en effet moins facile de mettre en œuvre la poursuite de la militarisation matérielle de l’Ouest annoncée dès le début de la guerre, sans le soutien culturel de la strate éduquée libérale de gauche.

Cette propagande de guerre militariste et culturelle peut et doit être perturbée et sabotée. Dans les semaines et les mois à venir, nous serons sûrement confrontés à une rhétorique et à une propagande guerrières visant par tous les moyens à resserrer les rangs occidentaux derrière la guerre : « En tant que démocrates nous soutenons l’Ukraine par tous les moyens, car elle se défend contre la méchante dictature russe », telle en sera la tonalité. Mais pour l’OTAN, peu importe que la population ukrainienne ait plus ou moins de libertés : il s’agit de lignes de défense géopolitiques, de marchés et de zones d’influence, et c’est pour cela qu’elle sera prête à investir des milliards d’euros et de munitions.

Aux affrontements guerriers entre deux États nous voulons opposer notre antimilitarisme : un mouvement anti-guerre qui ne repose pas sur la solidarité avec une nation ou un État, mais sur le refus de toute guerre étatique. Quel que soit le territoire sur lequel nous vivons, nous pouvons perturber, déserter et saboter la propagande, la logistique et la logique de la guerre : en mettant des bâtons dans les roues de la mobilisation nationale et continentale, en méprisant toute mentalité de cadre ou de recrue, en attaquant le réarmement et la militarisation intérieurs, en sabotant les lignes de ravitaillement militaires et en bloquant l’industrie d’armement.

Pour le moment, ce qui se passe en Ukraine est encore confus pour nous : alors que le nombre de morts parmi les civils monte en flèche, nous entendons des rumeurs selon lesquelles on armerait cette même population. Si les événements chaotiques se développaient dans le sens d’une guerre de guérilla ou de partisans, cela pourrait éventuellement – pas forcément du tout – ouvrir des possibilités aux révolutionnaires. Des anarchistes se trouvant sur le territoire dominé par l’État russe font également l’hypothèse qu’un échec de l’offensive guerrière pourrait déboucher sur des soulèvements en Russie.

Cependant, face à l’effusion de sang en cours, nous sommes conscients que la plupart du temps, la guerre et la militarisation n’amènent que davantage de guerre et de militarisation, que la souffrance et la misère qu’elles provoquent assombrissent généralement les possibilités de libération sociale… Dans cet esprit, nos pensées vont aux personnes sur place qui cherchent leurs propres chemins sans se plier aux ordres et aux idéologies d’un État quel qu’il soit.

27 février 2022
traduit de l’allemand de In der Tat n°14, printemps 2022

Traduction française : https://avisdetempetes.noblogs.org/files/2022/03/Avisdetempetes51.pdf

[Papier-Mâché] Pas de paix avec l’existant qui ne connaît pas la paix !

Source en allemand : https://papiermache.noblogs.org/kein-frieden-mit-den-herrschenden-verhaltnissen/

La guerre est horrible. Elle l’a toujours été. Il y a juste beaucoup de gens qui se sont laissé raconter des contes par la propagande de guerre de leurs propres gouvernements. De « maintien de la paix », d’interventions militaires dans des « régions fragiles », des coups contre de prétendus terroristes, de guerres technologistes sans « victimes civiles ». Des histoires de la guerre contre les méchants, sans sang ni misère. Depuis l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe le 24 février 2022, on se souvient de ce que signifie réellement la guerre : des morts, des blessés, des gens qui fuient. La panique dans les yeux des adultes, qui se demandent ce que le lendemain leur apportera, et des enfants qui ne comprennent pas la situation et qui sont pourtant assis sur les valises.

On pourrait commencer à expliquer la guerre actuelle en termes géopolitiques et politiques. Discuter si la Russie entame une fuite en avant avec cette guerre, car les puissances occidentales (Etats-Unis, UE, OTAN) tentent de la repousser hors de la mer Noire ; ou si l’État russe veut s’établir comme force globale sur le marché et s’accommoder ainsi de centaines de milliers de victimes ; si Poutine met sans scrupule en péril la « paix » entre les puissances mondiales parce qu’il remet en question de manière offensive l’hégémonie américaine (qui s’effrite depuis des décennies) ; ou encore si la guerre en Ukraine est une expression de la restructuration de l’ordre mondial et provoque une guerre mondiale ? Cependant, toutes ces explications et d’autres explications de la guerre en Ukraine ne peuvent pas masquer le fait que l’essence de la guerre réside dans l’État et le système capitaliste lui-même. Le pouvoir ne connaît que la paix sociale et la paix du marché. Une paix hypocrite. C’est la paix des cimetières, dans lesquels se trouvent tous les cadavres produits par le pouvoir !

La guerre en Ukraine est l’expression de différents intérêts capitalistes qui sont en concurrence les uns avec les autres. Il s’agit de la position des États nationaux sur le marché global. Il s’agit d’obtenir des avantages économiques par la conquête de marchés, le développement d’infrastructures, un accès plus direct aux ressources et leur contrôle. On peut donc se poser la question des intérêts de la Russie, des Etats-Unis, des Etats européens et des organisations supra-étatiques. Même si l’État russe mène cette guerre de manière agressive, aucun État n’est prêt à mettre en péril sa position économique pour la paix (en Ukraine). Pas la Chine, l’Europe moins que quiconque et probablement un peu plus les Etats-Unis (en raison de l’effondrement de leur ancienne position hégémonique et de leur éloignement du champ de bataille). Toutes les puissances économiques étatiques (y compris l’Inde et la Turquie, par exemple) s’efforcent de limiter les « dommages collatéraux » sans mettre en péril leur propre position économique. L’Europe a hésité à fournir une aide militaire à l’Ukraine et même cette aide a été minutieusement évaluée. Parallèlement, tous les États peuvent profiter de cette « opportunité » pour se renforcer militairement. « Au mieux », des sanctions sont imposées à la Russie. Cependant, la guerre en Ukraine (et ce depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014) montre que l’économie mondiale est si complexe que les sanctions contre la Russie touchent toujours sa propre économie. On ne peut que considérer les sanctions comme hypocrites. Notamment en ce qui concerne la dépendance énergétique de l’UE vis-à-vis de la Russie : à ce jour, « la guerre de Poutine » génère 750 millions d’euros par jour de l’UE pour le pétrole et le gaz. En contrepartie, l’État russe lui-même menace d’arrêter ses exportations, ce qui entraînerait une crise énergétique (car la Russie est en outre le deuxième producteur d’aluminium et de gaz et le troisième producteur de nickel et de pétrole). Il n’est pas nécessaire de se demander deux fois à qui profite l’augmentation du prix de ces matières premières. Déjà en 2014, après la sanction de la Russie suite à l’annexion de la Crimée, la Russie a conclu simultanément avec la Chine un contrat historique de livraison de gaz sur 30 ans pour un montant de 400 milliards.

Un embargo par des pays occidentaux ne peut rester que des paroles en l’air. Même l’économiste en chef de la Commerzbank déclare : « Les gouvernements occidentaux n’étaient et ne sont pas prêts à risquer une crise énergétique ». L’importance de l’économie dans la guerre se manifeste également par le fait que, pendant que des maisons sont bombardées, que des laboratoires chimiques deviennent des cibles militaires et que les civils ne peuvent pas fuir en toute sécurité des villes encerclées par l’armée russe, les pipelines de gaz (qui vont de la Russie à l’Europe en passant par l’Ukraine) sont délibérément épargnés par la guerre. Même l’exclusion radicale de la Russie du SWIFT reste des paroles en l’air (et ne peut rester que des paroles en l’air). L’exclusion mentionne certes un certain nombre de banques russes, mais pas les banques centrales russes comme la Sberbank et la Gazprombank. Il est donc toujours possible de faire des affaires relativement facilement avec le gaz et le pétrole russes. Le capital est international et ne connaît pas de frontières. Il en va de même pour l’industrie de l’armement qui, selon les lois du marché, fournit également des armes, des drones, des panzers et de l’équipement de technologie militaire au futur ennemi. Les sanctions actuelles sont uniquement évaluées en fonction du fait qu’elles créent une image humanitaire et libérale de l’Occident et qu’elles ne mettent pas en danger ses propres intérêts économiques. Même si la bourgeoisie russe est sanctionnée, cela reste dans un cadre pondéré. Les oligarques dont on parle tant ont de bonnes relations internationales et sont des acteurs importants de l’industrie et du marché internationaux. Les sanctions visent les biens des oligarques russes, mais pas leur capital, car leur capital est lié à des entreprises globales. La guerre n’est pas en dehors des conditions capitalistes, mais en plein milieu, et les affaires continuent, pendant que des gens meurent en Ukraine.

Pourquoi la guerre existe-t-elle ? Pourquoi les conventions et les États peuvent-ils se mettre d’accord sur ce qui est interdit dans la guerre, mais pas sur le fait que la guerre est interdite ? Il semble cynique de dire que la bombe atomique devrait empêcher les guerres ou une autre guerre mondiale. Les facteurs économiques peuvent rendre la guerre explicable, mais seulement jusqu’à un certain point. Certes, le marché lui-même produit toujours des victimes ou des situations dans lesquelles un investissement ne vise qu’à éliminer la concurrence directe. Ou encore, l’accumulation globale de capital produit elle-même régulièrement des crises qui peuvent se transformer en guerres. Pourtant, toutes les argumentations économiques ou même matérialistes-historiques omettent le rôle de l’État (et surtout son rôle historique de volonté de puissance). En bref, la guerre ne s’explique pas exclusivement par des aspects économiques.

Le caractère essentiel de l’État est sa « volonté de puissance ». L’État moderne, tel que nous le connaissons aujourd’hui, trouve son origine dans la guerre et elle est toujours restée essentielle, qu’un État soit dictatorial ou démocratique. C’est l’État qui est responsable des massacres et des meurtres de masse les plus horribles. Et ce, non pas par la cupidité d’individus particuliers, mais par une volonté structurelle de domination. L’histoire de l’État est celle de la soumission, de la force et de la guerre. L’État est l’organisation du pouvoir sur l’homme. Le produit de cela est le citoyen, un sujet sans volonté. Dans ce sens, la guerre n’est vraiment qu’un prolongement de la politique. Les plus grandes victimes de la guerre entre États sont toujours les hommes (comme aujourd’hui dans la guerre en Ukraine, les hommes qui vivaient ou vivent là-bas). Aucune autre situation que la guerre ne fait prendre conscience que l’on n’est qu’un sujet (en temps de paix, on en est probablement moins conscient). On est victime de la politique, victime de négociations autour d’intérêts de pouvoir. D’un autre côté, les sanctions décidées touchent indifféremment la population russe, qu’elle soit en Russie ou à l’étranger (car elle ne peut plus retirer d’argent à l’étranger, les sportifs russes sont exclus des compétitions, etc.). Car comme nous l’avons dit, en tant que citoyens, ils sont des objets sans volonté et sont traités comme tels par les autres États. Même sur place, lorsque des gens ont fui l’Ukraine, des personnes ont été contrôlées et bloquées à la frontière, selon des critères racistes. Comme nous l’avons déjà dit, la guerre n’a pas lieu en dehors des conditions existantes.

La guerre est aussi toujours une politique intérieure. Historiquement, la guerre garantit presque toujours la domination du chef d’État. Alors que la popularité de Poutine était au plus bas depuis dix ans à la fin de l’année 2013, elle est remontée en flèche en février et mars 2014 avec l’annexion de la Crimée. Début 2022, la popularité de Poutine était à nouveau très basse (presque au même niveau qu’en 2013) et semble, pour autant que l’on puisse en juger aujourd’hui, être en hausse (même si elle est moins élevée qu’en 2014). L’attaque militaire vers l’extérieur va de pair avec l’offensive « intérieure » pour l’uniformisation (et la répression contre tout et tous ceux qui dérangent la tonalité nationale). A cet égard, l’Etat, et en l’occurrence Poutine en tant que principal acteur étatique, joue un rôle élémentaire dans la guerre et ne se contente pas de faire de la figuration dans le spectacle économique. L’action de Poutine est l’expression de la volonté de puissance de l’Etat. Le pouvoir est le véritable problème et doit être détruit au lieu d’être pris en charge. Tous les États sont en concurrence permanente pour le pouvoir. C’est pourquoi les États s’arment en temps de paix. Chaque État institutionnalise la violence (militaire) et comporte toujours une menace de guerre. La diplomatie ne sert qu’à masquer le fait que les États sont constamment prêts à la guerre.

Si l’on pense la paix uniquement à l’intérieur de ce qui existe, cela brouille le terme. La paix devient simplement la situation où il n’y a pas de guerre. Mais la guerre n’est-elle pas planifiée en temps de paix ? Chaque État est-il non seulement toujours prêt à faire la guerre, mais aussi en état de « guerre » permanent contre sa propre population ? Est-ce qu’il n’y a pas en permanence une guerre sociale, afin que le peuple se soumette aux contraintes hégémoniques, au travail et à la domination ? Accepte-t-on la paix, uniquement comme une paix sociale, dans laquelle les conditions d’exploitation et de propriété ne sont pas attaquées ? N’est-ce pas simplement une paix du pouvoir ?

La guerre est d’un côté un conflit capitaliste et interétatique, et d’un autre côté, elle est une manifestation de la volonté de maintenir le pouvoir. On ne peut pas comprendre la guerre en Ukraine sans se retourner vers l’année 2013/2014. A l’époque, des personnes étaient sorties dans les rues de différentes villes ukrainiennes pour protester contre les autorités. Les États européens ont tenté de vendre les images de Kiev de manière que les habitants y réclament plus de démocratie et de proximité envers l’UE. Leur argumentation était que les protestations de Maïdan avaient pris leur départ parce que le gouvernement ukrainien avait pour l’instant refusé de signer un rapprochement avec l’UE. Parallèlement, des personnes souhaitant devenir indépendantes de Kiev sont descendues dans les villes du sud et de l’est de l’Ukraine. La Russie en a profité à l’époque et en profite encore aujourd’hui pour renforcer son influence dans cette région (riche en ressources). Les raisons de l’échec des insurrections restent à discuter ailleurs. A Kiev, des cadres nazis militants se sont battus pour prendre la tête des manifestations, un nationalisme naissant a pacifié la révolte sociale en niant les intérêts de classe opposés (ceux des exploiteurs et des exploités). Dans le Donbass, « leur révolution » a été récupérée par la bourgeoisie russe, alors que seul le caractère politique des républiques populaires autoproclamées a changé, les anciennes conditions d’exploitation sont restées en place. L’invasion russe du 24 février noie finalement le soulèvement dans le sang.

Et maintenant, que faire si l’on ne veut pas prendre parti dans une guerre entre États ? Si l’on est contre la guerre, mais aussi contre un faux semblant de paix ? La faiblesse d’une position antimilitariste se retrouve trop souvent dans le fait que l’on se laisse finalement rallier à un camp. Le mouvement pacifiste n’a jamais réussi à s’attaquer à la guerre dans son ensemble et est devenu, au pire, un jouet entre les puissances. Où étaient les protestations lorsque les armées russes (les troupes de l’OTSC) ont écrasé les révoltes sociales au Kazakhstan en janvier de cette année ? La paix n’est jamais que la paix du marché, la paix sociale, la paix du pouvoir. Si l’on est contre la guerre, on devrait s’opposer aux conditions qui reposent sur l’exploitation et l’oppression. La lutte contre l’attaque russe contre l’Ukraine ne doit pas être seulement symbolique, mais elle peut tenter de nommer clairement ceux qui en profitent (y compris et surtout ceux qui sont dans leur propre pays) et de s’y attaquer. Selon l’ancien slogan, toujours d’actualité, « la guerre commence ici », alors autant l’attaquer ici contre la guerre.

Les bombes, les ruines, la misère sont le résultat de l’existant. Le silence ne signifie pas la paix, car les rouages de l’exploitation et de l’oppression continuent de tourner.

Pas de paix avec l’existant !

Contre la guerre, contre la paix sociale !

Pour la révolution sociale !

Traduction en français : https://papiermache.noblogs.org/pas-de-paix-avec-lexistant/
Corrections en français : Guerre de Classe

[La Oveja Negra] Contre la guerre capitaliste !

Source en espagnol : https://boletinlaovejanegra.blogspot.com/2022/03/contra-la-guerra-capitalista.html

Aucune guerre n’est facile à comprendre, aucune situation « géopolitique » n’est facile à appréhender. Encore moins si l’on part du principe qu’il n’y a pas de classes sociales dans le monde : il n’y a que des pays, des dirigeants et des idéologies politiques. Ainsi, il y a ceux qui soutiennent et justifient les massacres et l’horreur de la guerre. Ce sont ceux qui oublient ou veulent faire oublier que les guerres se font pour de l’argent. Comme le soulignent actuellement les camarades en Russie, derrière la guerre se cachent uniquement les intérêts de ceux qui détiennent le pouvoir politique, économique et militaire : « Pour nous, travailleurs, retraités, étudiants, elle n’apporte que souffrance, sang et mort. Le siège de villes pacifiques, les bombardements, le meurtre de personnes n’ont aucune justification. »

La guerre rend explicite l’horreur d’une société basée sur l’accumulation et le profit. C’est la paix capitaliste par d’autres moyens. Ce qui se passe en Ukraine s’ajoute aux guerres et aux invasions dont on ne signale malheureusement aucuns nouveaux développements (Palestine, Yémen, Syrie) et aux millions de morts de la faim, de la misère, du travail, de maladies évitables ou du suicide.

Dans les zones de conflit, il y a aussi des morts et des difficultés dues aux bombardements, au manque d’eau, de nourriture, de médicaments, d’abris et d’énergie. Ainsi que dans les camps de réfugiés, dans les prisons, au front. Ils recrutent des prolétaires de différents pays pour qu’ils s’entretuent dans l’intérêt de leurs exploiteurs et dirigeants, dans l’intérêt de la bourgeoisie ! Ils emprisonnent ceux qui, en Russie, s’opposent à la guerre et manifestent publiquement et collectivement. Ils militarisent et augmentent l’intensité du travail tout en exacerbant les ajustements. C’est la guerre ! Ce sont les guerres contre le prolétariat !

La guerre est le domaine de la destruction contrôlée, du désastre prémédité, de la gestion et de l’administration de la mort et de la misère. Cette concurrence est inhérente au Capital. Les prolétaires se battent, meurent et subissent l’état de guerre au nom d’un bloc ou d’un autre, alors que nous, prolétaires, n’avons aucune patrie et aucune nation à défendre. Comme le soulignait Marx : « La nationalité du travailleur n’est pas française, anglaise, allemande, elle est le travail, le libre esclavage, le trafic de soi-même. Son gouvernement n’est pas français, anglais, allemand, c’est le capital. L’air qu’il respire chez lui n’est pas l’air français, anglais, allemand, c’est l’air des usines. Le sol qui lui appartient n’est pas le sol français, anglais, allemand, c’est quelques pieds sous la terre. A l’intérieur, l’argent est la patrie de l’industriel. »

Pourtant, il y a ceux qui, s’obstinant à appartenir ou à s’identifier à un camp capitaliste, c’est-à-dire meurtrier, justifient telle ou telle guerre, tel ou tel attentat, tel ou tel État. Avec des arguments éculés, qu’ils soient staliniens ou libéraux, fascistes ou antifascistes, voire anti-impérialistes, ils se concentrent tous sur la consolidation de l’exploitation et de l’oppression : c’est-à-dire le capitalisme.

Bien sûr il y a des différences, ce n’est pas parce qu’ils sont tous merdiques qu’ils sont tous pareils : Zelenski, Biden, Poutine, l’OTAN, les néo-nazis ukrainiens, les néo-nazis russes. Les dirigeants des États, leurs conflits et leurs alliances, leur paix et leurs guerres, leurs développements et leurs destructions, leurs sciences et leurs religions, leurs aides humanitaires et leurs contrôles de sécurité ne servent qu’un seul intérêt : le maintien du règne de la paix sociale, qui n’est rien d’autre que la paix des cimetières.

Il n’existe pas de « bons » ou de « mauvais » dirigeants bourgeois, de « bons » ou de « mauvais » partis bourgeois ; et cela n’a pas non plus de sens de parler de « bonnes » ou de « mauvaises » nations ou de « bons » ou de « mauvais » États. Hier, aujourd’hui et demain, l’intérêt de la classe bourgeoise est et sera toujours en guerre contre le prolétariat. Le travail, l’exploitation, la misère et la guerre sont les formes concrètes de cet intérêt.

En temps de guerre comme en temps de paix, nous nous adaptons « dans l’intérêt du pays ». Mais comme nous le disons depuis des décennies sur tous les continents : l’ennemi est aussi « dans notre propre pays », c’est « notre » bourgeoisie.

La force révolutionnaire du prolétariat dépend de sa capacité à lutter contre les différentes fractions bourgeoises, contre les différentes formes de domination que le capital déploie. C’est dans ce sens que, face à toutes les guerres bourgeoises, les révolutionnaires sont solidaires de leurs semblables des autres régions et, comme ils l’ont fait dans le passé, ils lancent aujourd’hui et lanceront toujours des consignes internationalistes et révolutionnaires contre la guerre. Ces consignes n’ont peut-être pas actuellement la force nécessaire pour être une pratique de masse du prolétariat, mais elles constituent néanmoins une direction et une perspective.

Dans l’Argentine pacifique et mortuaire, les gouvernements nous ajustent pour le bien du pays, les faux détracteurs nous disent que le problème n’est pas la bourgeoisie locale mais le FMI. Ils nous parlent de « peuple » comme s’il n’y avait que des intérêts nationaux dans ce pays et non des intérêts de classe. Ainsi, ils veulent nous apprivoiser en toute quiétude et nous préparer à des conditions encore pires, voire à la guerre. En Ukraine, la loi martiale a été décrétée pour réprimer toutes sortes d’actions considérées comme antipatriotiques, tout en déclenchant une campagne violente contre les personnes qui volent dans les magasins ou se livrent au pillage. Ailleurs dans le monde, la détérioration des conditions de vie due à la guerre a déjà commencé. Tant dans les pays directement concernés, chez leurs voisins européens, que dans le reste du monde, c’est le prolétariat qui en paiera le prix. Alors que la « guerre » contre le virus semblait terminée, une autre a commencé. Une nouvelle justification pour se serrer la ceinture. En Argentine, au cours de la première semaine de mars, les prix de la farine ont augmenté de 52% en quatre jours. Depuis le début du conflit, les prix des matières premières de base pour l’alimentation déficiente de cette région sont montés en flèche. Et il y en a encore qui pensent qu’ils décident du cours du pays parce qu’ils votent tous les quelques années.

Traduction française : Los Amigos de la Guerra de Clases

[Esclave Salarié Internationaliste] L’ennemi principal est dans notre propre pays !

Source en espagnol : https://panfletossubversivos.blogspot.com/2022/03/el-enemigo-principal-esta-en-el-propio.html

Sans entrer ici dans les détails des causes de l’affrontement entre la Russie et le bloc occidental dominé par les États-Unis et qui a conduit à la guerre en territoire ukrainien, le bourrage de crâne du capitalisme qui règne en maître sous toutes les latitudes est le même qu’il y a un siècle, le même qu’en 1914, le même qu’en 1940, le même que dans toutes les guerres qui ont eu lieu après, par-ci, par-là dans le monde. En effet, les conflits guerriers n’ont jamais cessé. La guerre est intrinsèque au capital.

Et bien, face à cette situation, notre réponse doit être la même que celle émise par les révolutionnaires, forcément internationalistes, d’antan.

Face à l’agression russe, les États capitalistes opposés à cette dernière n’ont de cesse d’insister sur les atrocités de l’impérialisme russe, à l’intérieur de ses frontières comme à l’extérieur de celles-ci. Comme si ces États très démocratiques et civilisés n’avaient pas de sang sur les mains, comme si ces États n’étaient désireux que du bien-être de leurs esclaves appelés de temps à autre à choisir par les urnes ceux qui gèreront les fruits de leur exploitation !

Ainsi, ces États insistent lourdement, c’est leur intérêt, sur la résistance de la population ukrainienne face à l’invasion des forces militaires russes de « son » territoire. La défense de la patrie est ainsi encensée, applaudie, vénérée. Cependant, n’oublions pas que des centaines milliers d’Ukrainiens essaient de fuir « leur » territoire et que les hommes entre 18 et 60 ans n’ont pas le droit de sortir d’Ukraine. Une belle kalashnikov leur est gracieusement offerte pour tirer sur la soldatesque russe et mourir pour l’indépendance de leur pays !

Cette soldatesque, pour sa part, peut bien, pourquoi pas, remonter au Moyen Âge et revendiquer l’État slave oriental de la Rus’ de Kiev, l’entité commune à l’histoire des trois États slaves orientaux actuels : Biélorussie, Russie et Ukraine ; ou bien encore revendiquer la Grande Russie comprenant l’Ukraine sous les tsars et sous Staline, alors dénommée fallacieusement URSS, elle qui n’avait rien ni de soviétique ni de socialiste. Cette Russie, en envoyant sa soldatesque et ses moyens de destruction, prétend reprendre cette terre qui était sienne, dit-elle, d’autant qu’il est hors de question pour elle que l’Ukraine puisse faire partie de l’OTAN, ce bloc impérialiste qui lui a toujours été opposé.

La classe des esclaves salariés, la classe des prolétaires, les marchandises à deux pattes que le capitalisme mondial utilise à son gré et jette à la poubelle quand il n’en a plus besoin, cette classe qui est la nôtre donc, n’a rien à défendre dans tout ça. Elle ne doit pas servir de chair à canons. En temps de guerre comme en temps de paix, c’est toujours elle qui trinque.

Que cette classe, la nôtre, n’oublie pas que lorsqu’elle proteste, lorsqu’elle s’insurge, les puissances capitalistes qui s’affrontent les unes aux autres pour défendre leurs intérêts et leurs profits, de même que les différentes fractions capitalistes d’un même pays qui s’opposent les unes aux autres pour les mêmes raisons, S’UNISSENT, comme par enchantement, pour écraser le mouvement de subversion sociale là où il se manifeste !

Ces kalashnikovs que le pouvoir ukrainien est prêt à distribuer, voire à imposer à sa population civile entre 18 et 60 ans, la classe des exploités devrait les retourner contre lui pour arrêter la guerre en fraternisant avec les soldats russes qui, eux, devraient retourner leurs armes contre leurs officiers et leur propre État.

Sachons prolétaires que le système qui nous exploite, qui fait de nous de simples marchandises jetables créatrices de valeur, n’est rien sans nous ! Pour aussi loin que nous soyons actuellement d’agir comme une classe unie et solidaire, la seule solution est d’en finir mondialement avec le capitalisme sous toutes ses formes politiques. C’est la seule façon d’en finir à jamais avec les causes des guerres impérialistes !

Pas une seule goutte de sang en défense de la patrie !

Comme l’a dit Karl Liebknecht lors de la première Guerre Mondiale, « l’ennemi principal est dans notre propre pays ».

Prolétaires de tous les pays, unissons-nous, supprimons les armées, les polices, la production de guerre, les frontières, le travail salarié.

Pour une société sans classes !

2 mars 2022

Esclave Salarié Internationaliste

Traduction française : https://leftcommunism.org/IMG/pdf/notre_ennemi_est_dans_nos_propres_frontieres.pdf

[Grupo Moiras] KRAS-AIT sur la guerre en Ukraine

Source en espagnol : https://grupomoiras.noblogs.org/post/2022/03/13/kras-ait-acerca-de-la-guerra-en-ucrania

Face à la vitesse à laquelle les événements de la guerre en Ukraine avancent et aux informations fragmentaires, confuses et biaisées qui nous parviennent à travers les différents médias, le groupe Moiras a décidé d’envoyer cette semaine quelques questions à la section russe de l’AIT, afin d’obtenir une perspective libertaire sur le conflit qui nous aidera à nous positionner et à prendre des décisions sur la base d’une connaissance élargie. Dans le texte ci-dessous, ces questions sont rassemblées avec les réponses envoyées par la KRAS, que nous remercions pour leur réponse rapide et claire.

Moiras : Dans votre communiqué à l’AIT sur la guerre en Ukraine, vous désignez les marchés du gaz comme la principale raison du conflit. Nous aimerions en savoir plus sur les intérêts capitalistes spécifiques qui se cachent derrière cette guerre, tant du côté russe que du côté des pays pro-OTAN, et sur les récents développements politiques dans votre région en ce qui concerne ces marchés et leur influence sur l’économie des pays occidentaux. Ces informations ont tendance à être reléguées au second plan dans les médias d’ici, qui sont très axés sur l’actualité quotidienne, mais où il y a peu d’analyse.

KRAS : Tout d’abord, il est nécessaire de comprendre qu’il existe différents niveaux de conflit et différents niveaux de contradictions intercapitalistes. Au niveau régional, la guerre d’aujourd’hui n’est qu’une continuation de la lutte entre les castes dirigeantes des États post-soviétiques pour la redivision de l’espace post-soviétique. Contrairement au mythe populaire, l’Union soviétique s’est effondrée non pas à la suite de mouvements de libération populaires, mais à la suite des actions d’une partie de la nomenklatura au pouvoir, qui s’est partagé des territoires et des sphères d’influence, alors que les méthodes habituelles et établies de leur domination étaient en crise. Depuis cette division initiale, fondée sur l’équilibre des forces à l’époque, une lutte constante pour la redistribution des territoires et des ressources s’est développée, entraînant des guerres constantes dans toute la région post-soviétique. Dans le même temps, les classes dirigeantes de tous les États post-soviétiques (tous, à un degré ou à un autre, sont issus de la nomenklatura soviétique ou de ses successeurs) ont adopté le nationalisme militant dans leur idéologie, le néolibéralisme dans leur économie et des méthodes de gestion autoritaires dans leur politique.

Le deuxième niveau de conflit est la lutte pour l’hégémonie dans l’espace post-soviétique entre l’État le plus puissant de la région, la Russie, qui prétend être une puissance régionale et considère l’ensemble de l’espace post-soviétique comme une zone d’intérêts hégémoniques, et les États du bloc occidental (bien qu’ici aussi, les intérêts et les aspirations des États-Unis et des différents États européens de l’OTAN et de l’UE puissent ne pas être exactement les mêmes). Les deux parties cherchent à établir leur contrôle économique et politique sur les pays de l’ancienne Union soviétique. D’où le conflit entre l’expansion de l’OTAN vers l’est et le désir de la Russie de placer ces pays sous son influence.

Le troisième niveau de contradictions est de nature économico-stratégique. Ce n’est pas un hasard si la Russie moderne est qualifiée d’« appendice à l’oléoduc et au gazoduc ». La Russie joue aujourd’hui sur le marché mondial, avant tout, le rôle de fournisseur de ressources énergétiques, gaz et pétrole. La classe dirigeante prédatrice et profondément corrompue, purement parasitaire dans son essence, n’a pas commencé à investir dans la diversification de la structure économique, se contentant des superprofits de l’approvisionnement en gaz et en pétrole. Pendant ce temps, les capitaux et les États occidentaux entament la transition vers une nouvelle structure énergétique, dite « énergie verte », visant à réduire la consommation de pétrole et de gaz à l’avenir. Pour le capital russe et son économie, cela signifiera le même effondrement stratégique que la chute des prix du pétrole a autrefois provoqué pour l’économie soviétique. Le Kremlin cherche donc à empêcher ce tournant énergétique, ou à le ralentir, ou du moins à obtenir des conditions plus favorables pour lui-même dans la redistribution du marché de l’énergie. Par exemple, la recherche de contrats d’approvisionnement à long terme et de meilleurs prix, l’éviction des concurrents, etc. Si nécessaire, cela peut impliquer une pression directe sur l’Ouest de diverses manières.

Enfin, le quatrième niveau (mondial) est celui des contradictions entre les principales superpuissances capitalistes, les États-Unis qui reculent et la Chine qui avance, autour desquelles se forment des blocs d’alliés, de vassaux et de satellites. Les deux pays se disputent aujourd’hui l’hégémonie mondiale. Pour la Chine, avec sa stratégie « une ceinture, une route », la conquête progressive des économies d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine et la pénétration de l’Europe, la Russie est un partenaire subalterne important. La réponse des États-Unis et de leurs alliés occidentaux est l’expansion de l’OTAN vers l’est, s’approchant par l’Ukraine et la Géorgie du Proche et du Moyen-Orient et de ses ressources. Il s’agit également d’un projet de type « ceinture ». Elle se heurte à la résistance des rivaux impérialistes : la Chine et la Russie, qui en sont de plus en plus dépendants.

En même temps, l’aspect politique interne ne doit pas être négligé. La crise de Covid a révélé la profonde instabilité interne de la structure politique, économique et sociale de tous les pays du monde. Cela vaut également pour les États de l’Ouest, la Russie, l’Ukraine, etc. La détérioration des conditions de vie, l’augmentation des prix et des inégalités sociales, l’indignation massive de la population face aux mesures coercitives et dictatoriales et aux interdictions ont donné lieu à un mécontentement généralisé dans la société. Et dans de telles situations, les classes dirigeantes ont toujours eu recours à des méthodes éprouvées pour rétablir la fameuse « unité nationale » et la confiance de la population dans le pouvoir : créer l’image d’un ennemi et attiser l’hystérie militaire, jusqu’à une « petite guerre victorieuse ».

Moiras : Dans les pays de l’Union européenne, les médias, se faisant l’écho des gouvernements, ne cessent de nous dire que Poutine est le seul responsable de cette guerre. Connaissant l’histoire de l’OTAN, avec les États-Unis en tête, nous pensons que ce n’est pas le cas. Comment pouvons-nous expliquer cela à nos populations sans avoir l’air de justifier l’attaque russe et de nous ranger du côté du gouvernement Poutine ?

KRAS : Malheureusement, la conscience du grand public a tendance à chercher des réponses simples et grossières aux questions. Nous n’avons aucune raison de sympathiser avec le propriétaire du Kremlin et son administration. Ses politiques néolibérales ont conduit à un véritable effondrement des systèmes de santé et d’éducation, à la pauvreté des retraités et des travailleurs du secteur public en province. Les salaires dans le pays sont monstrueusement bas, le mouvement ouvrier est vraiment paralysé… Mais, quoi qu’il en soit, nous comprenons que tout cela est le produit d’un certain système basé sur l’État et le capital. Nous ne vivons pas au XVIIe siècle, ni à l’époque des monarchies absolutistes. Considérer que tout ce qui se passe dans le monde est l’œuvre de quelques « héros » ou « anti-héros » individuels est pour le moins naïf, mais c’est en fait l’une des formes de la théorie du complot elle-même. C’était excusable au XIXe siècle pour le romantique Carlyle ou l’écrivain Alexandre Dumas. Mais à notre époque, il convient de comprendre que le monde est beaucoup plus compliqué et que le capitalisme, en tant que système social, fonctionne d’une manière différente. Notre tâche consiste donc à expliquer aux gens la conditionnalité systémique des problèmes qui secouent le monde actuel. Y compris les guerres de ce monde. Et que la seule façon de résoudre ces problèmes est de détruire le système social qui les crée.

Moiras : Les modèles de la guerre froide sont reproduits, de sorte qu’il semble que si vous critiquez un camp, vous êtes avec l’autre. C’est très problématique pour les anarchistes, surtout lorsque nous ne sommes socialement pas assez forts. Nous voulons agir, mais nous avons peur d’être entraînés et utilisés par les armées des États. Dans les manifestations qui se déroulent dans nos villes, la proclamation de « non à la guerre » se mêle aux appels à l’intervention de l’OTAN. Le journalisme favorable au gouvernement du parti socialiste espagnol, le PSOE, nous présente la nécessité d’une intervention, en établissant parfois un parallèle historique avec la guerre civile espagnole et les conséquences de la non-intervention des pays européens, ou la participation des exilés espagnols en France, dont beaucoup d’anarchistes, à l’armée française contre les nazis. Que faire : pacifisme et non-intervention, comme c’était la position majoritaire de l’anarchisme pendant la première guerre mondiale, ou soutenir la résistance ukrainienne contre l’invasion des troupes russes ? Cette deuxième option peut-elle être considérée comme une action internationaliste contre l’impérialisme ?

KRAS : De notre point de vue, il n’y a aucune comparaison avec la situation de la guerre civile en Espagne et il ne peut y en avoir. Les anarchistes espagnols prônaient une révolution sociale. De même, il ne peut y avoir de comparaison entre, par exemple, le mouvement makhnoviste en Ukraine et la défense de l’État ukrainien moderne. Oui, Makhno s’est battu contre les envahisseurs étrangers, austro-allemands, et contre les nationalistes ukrainiens, et contre les Blancs et, finalement, contre les Rouges. Mais les partisans makhnovistes ne se sont pas battus pour l’indépendance politique de l’Ukraine (à laquelle ils étaient d’ailleurs indifférents), mais pour la défense de ses acquis sociaux révolutionnaires : pour la terre paysanne et la gestion ouvrière de l’industrie, pour les soviets libres. Dans la guerre actuelle, nous parlons exclusivement de l’affrontement entre deux États, deux groupes de capitalistes, deux nationalismes. Il n’appartient pas aux anarchistes de choisir le « moindre mal » entre les deux. Nous ne voulons pas la victoire de l’un ou de l’autre. Toute notre sympathie va aux travailleurs ordinaires qui meurent aujourd’hui sous les obus, les roquettes et les bombes.

En même temps, il convient de rappeler que la position de la plupart des anarchistes sur la Première Guerre mondiale n’est pas simplement pacifiste. Comme l’indique le manifeste contre la guerre de 1916, c’est un moyen de transformer la guerre impérialiste en une révolution sociale. Quelles que soient les possibilités d’y parvenir à l’heure actuelle, les anarchistes, à notre avis, devraient constamment formuler et propager une telle perspective.

Moiras : D’autre part, des images de groupes armés se présentant comme des bataillons anarchistes de l’armée ukrainienne nous parviennent sur internet, savez-vous s’il s’agit réellement d’anarchistes et quelle est leur façon de voir le conflit ? Et quant à la dépendance aux armes occidentales pour lutter contre l’attaque russe, cela ne conditionne-t-il pas trop la possibilité de bataillons libertaires dans l’armée ou d’une guérilla anarchiste ukrainienne indépendante ? Savez-vous ce qui reste de la makhnovtchina, la révolution anarchiste d’il y a un siècle, dans la mémoire de la population ukrainienne ? Existe-t-il aujourd’hui un mouvement anarchiste en Ukraine ?

KRAS : En 2014, le mouvement anarchiste ukrainien était divisé entre ceux qui ont soutenu la contestation libérale-nationaliste sur Maidan puis ont aidé le nouveau gouvernement contre les séparatistes du Donbass et ceux qui ont essayé d’adopter une position plus internationaliste. Malheureusement, ces derniers étaient moins nombreux, mais ils étaient là. Aujourd’hui, la situation est similaire, mais encore plus aiguë. De manière générale, il existe trois positions. Certains groupes (comme « Nihiliste » et « Action révolutionnaire » à Kiev) considèrent ce qui se passe comme une guerre contre l’impérialisme russe et la dictature de Poutine. Ils soutiennent pleinement l’État nationaliste ukrainien et ses efforts militaires dans cette guerre. La tristement célèbre photo des combattants « anarchistes » en uniforme montre exactement les représentants de cette tendance : elle montre les supporters du club de football « antifasciste » Arsenal et les participants d’« Action révolutionnaire ». Ces « antifascistes » ne sont même pas gênés par le fait que des formations armées ouvertement profascistes, comme Azov, se trouvent parmi les troupes ukrainiennes.

La deuxième position est représentée, par exemple, par le groupe « Bannière noire » à Kiev et à Lvov. Avant la guerre, il critiquait sévèrement l’État ukrainien, la classe dirigeante, ses politiques néolibérales et son nationalisme. Lorsque la guerre a éclaté, le groupe a déclaré que le capitalisme et les dirigeants des deux camps étaient responsables de la guerre, mais a en même temps appelé à rejoindre les forces de la soi-disant « autodéfense territoriale » – des unités militaires volontaires d’infanterie légère, qui sont formées sur une base territoriale, sur le terrain.

La troisième position est exprimée par le groupe « Assemblée » de Kharkov. Elle condamne également les deux parties du conflit, même si elle considère que l’État du Kremlin est la force la plus dangereuse et la plus réactionnaire. Il n’appelle pas à rejoindre des formations armées. Les militants du groupe organisent désormais l’assistance à la population civile et aux victimes des bombardements de l’armée russe.

La participation des anarchistes à cette guerre dans le cadre des formations armées opérant en Ukraine, nous la considérons comme une rupture avec l’idée et la cause de l’anarchisme. Ces formations ne sont pas indépendantes, elles sont subordonnées à l’armée ukrainienne et exécutent les tâches fixées par les autorités. Ils ne proposent pas de programmes et de revendications sociales. Les espoirs de mener une agitation anarchiste parmi eux sont douteux. Il n’y a pas de révolution sociale à défendre en Ukraine. En d’autres termes, ces personnes qui se disent anarchistes sont simplement envoyées pour « défendre la patrie » et l’État, jouant le rôle de chair à canon pour le Capital et renforçant les sentiments nationalistes et militaristes parmi les masses.

Moiras : Dans nos villes, les communautés de travailleurs migrants ukrainiens, avec la collaboration des organisations humanitaires et des mairies, organisent la collecte et l’envoi en Ukraine de nourriture, de vêtements chauds, de médicaments… La population espagnole est très solidaire mais ni la guerre ni la pandémie de covid ne semblent avoir aidé nos sociétés à remettre en question leur dépendance aux ressources énergétiques et aux matières premières, dépendance qui entretient le néocolonialisme et détruit l’équilibre naturel de la planète. Compte tenu de la rareté des ressources, un retour au charbon et une poussée vers l’énergie nucléaire sont prévus. Peut-être la société russe est-elle plus consciente des dangers et de la nécessité d’alternatives ? Les mouvements sociaux ont-ils un plan d’action dans ce sens ? Qu’en pensent la KRAS et l’AIT ?

KRAS : Malheureusement, l’état des mouvements sociaux dans la Russie moderne est déplorable. Il est vrai que, même ces dernières années, il y a eu plusieurs protestations pour l’environnement, actives et persistantes, au niveau local : contre les décharges, les incinérateurs de déchets ou la destruction de l’environnement par l’industrie minière, notamment l’exploitation du charbon. Mais elles n’ont jamais abouti à un mouvement puissant au niveau du pays dans son ensemble. Quant à la lutte contre l’énergie atomique et les centrales nucléaires, qui a atteint son apogée en Union soviétique et en Russie à la fin des années 1980 et dans les années 1990, il n’y a pratiquement plus de soulèvements de ce type aujourd’hui.

Moiras : Les manifestations des Russes contre la guerre aident les populations d’Europe à comprendre que ce ne sont pas les Russes qui attaquent l’Ukraine, mais l’armée de l’État qui dirige la Russie. Cela se reflète dans les médias de nos pays, et nous savons que des milliers de personnes ont été arrêtées en Russie à la suite des manifestations, comment cela affecte-t-il l’anarchisme russe ? Qu’est-ce que cela signifie pour votre liberté d’expression et d’action dans votre pays ?

KRAS : Les manifestations et diverses autres actions contre la guerre ont eu lieu sans discontinuer depuis le premier jour. Des milliers de personnes y participent. Les autorités en interdisent la tenue sous le prétexte de « restrictions anti-covid » et les dispersent brutalement. Au total, jusqu’au 8 mars, quelque 11 000 personnes ont été arrêtées lors de manifestations dans plus de 100 villes du pays. La plupart d’entre eux risquent des amendes de 10 000 à 20 000 roubles pour avoir organisé une manifestation « non autorisée ». Cependant, les accusations sont déjà plus vicieuses : 28 personnes ont déjà été inculpées de hooliganisme, d’extrémisme, de violence contre les autorités, etc., pour lesquelles elles risquent des peines allant jusqu’à de nombreuses années de prison. Les autorités profitent clairement de la guerre pour « serrer la vis » à l’intérieur du pays. Les médias critiques sont fermés ou bloqués. Une campagne de guerre hystérique est menée dans les médias officiels. Une loi a été adoptée selon laquelle la diffusion de « fausses informations » sur les activités de l’armée et le « discrédit de l’armée », ainsi que la résistance à la police, sont passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à 15 ans de prison. Le Parlement est même saisi d’un projet de loi qui permettrait d’envoyer au front les opposants à la guerre arrêtés. Des personnes sont licenciées de leur emploi, des étudiants sont expulsés des universités pour des discours anti-guerre. La censure militaire est introduite.

Dans cette situation, le mouvement anarchiste russe, petit et divisé, fait ce qu’il peut. Certains prennent part à des manifestations de protestation. Ensuite, deux de nos camarades ont également été arrêtés et condamnés à une amende. D’autres critiquent ces manifestations, car les appels à ces dernières proviennent souvent de l’opposition libérale de droite et ne sont pas tant anti-guerre que pro-ukrainiens (et parfois même pro-OTAN). Il reste la possibilité d’aller aux manifestations avec ses propres slogans et affiches (certains anarchistes le font), ou de mener de petites actions indépendantes et décentralisées. Les anarchistes écrivent des slogans anti-guerre sur les murs, peignent des graffitis, collent des autocollants et des tracts, accrochent des bannières anti-guerre. Il est important de transmettre aux populations notre position particulière et indépendante, en même temps anti-guerre, anticapitaliste, antiautoritaire et internationaliste.

Traduction française : Los Amigos de la Guerra de Clases

[KRAS] Bref aperçu de la Résistance à la guerre en Russie et en Ukraine

Source en russe : https://aitrus.info/node/5939/

Le conflit militaire russo-ukrainien actuel a conduit à une explosion sauvage du nationalisme le plus dégoûtant et le plus caverneux des deux côtés de la ligne de front. En Russie, le Pouvoir appelle à « écraser » l’ennemi, en Ukraine – à se battre pour la « mère patrie » jusqu’au dernier homme. Dans les deux États, la propagande cherche à « déshumaniser » l’ennemi autant que possible et, malheureusement, de nombreux citoyens ordinaires tombent dans ce piège tendu par les dirigeants. Même de nombreux « gauchistes » et « anarchistes » se précipitent avec empressement pour soutenir l’effusion de sang, intoxiqués par le poison patriotique.

Malheureusement, c’est toujours le cas au début des guerres menées par les États. Il suffit de se rappeler les cortèges hystériques des masses qui défilaient [au cri de « A Berlin » ou « A Paris »] à la veille puis lors des premières semaines de la Première Guerre mondiale. Puis plusieurs années de guerre s’écoulèrent – et [en 1917] les masses, exaspérées par les difficultés, la tromperie et la souffrance, supprimèrent presque le monde des États et du Capital, qui avait donné lieu à cette guerre… Maintenant, hélas, nous sommes infiniment loin de tout cela. Certes, cela semblait aussi très loin en août 1914…

Les actions des gens de Russie et d’Ukraine contre les « opérations militaires », les hostilités, la destruction et les effusions de sang, méritent d’autant plus d’attention et de respect. Le mois écoulé depuis l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes permet déjà un bref aperçu des principales formes et méthodes des protestations contre la guerre.

Commençons par la Russie. Ici, dès le premier jour, des manifestations de masse contre la guerre ont commencé, et se sont prolongées sans arrêt pendant deux à trois semaines. Au début, elles se déroulaient généralement quotidiennement, et dans tout le pays. Tous ces rassemblements étaient illégaux et en conséquence brutalement dispersés. En plus des rassemblements de rue et des manifestations, d’autres méthodes sont également utilisées – apposer des affiches, dessiner des graffitis, distribuer des tracts, diffuser des autocollants et distribuer du matériel anti-guerre.

Il y a eu aussi quelques actions plus radicales. Par exemple, à Moscou, l’étudiante Anastasia Levashova a lancé un cocktail Molotov sur la police le 24 février ; le tribunal l’a condamnée à 2 ans de prison. Dans la nuit du 28 février, un bureau de recrutement militaire à Lukhovitsy près de Moscou a été incendié. À Saint-Pétersbourg, un policier a été aspergé de gaz au poivre. Dans la nuit du 1er mars, à Smolensk, un poste de police a été incendié. Dans la nuit du 3 mars, un cocktail Molotov a été lancé contre les fenêtres d’un centre de recrutement à Voronej. Il a également été rapporté que deux cocktails Molotov ont été lancés sur le mur du Kremlin à Moscou. Un poste de police à Krasnoïarsk a été incendié. Le 5 mars, une tentative a été faite pour mettre le feu au bureau de recrutement de Berezovsky (région de Sverdlovsk) avec un cocktail Molotov…

La plupart des protestations sont spontanées. Dans un certain nombre de cas, elles sont appelées par l’opposition libérale bourgeoise, et le 8 mars ce fut à l’appel d’organisations féministes. Malheureusement, tous les manifestants ne peuvent pas être considérés comme véritablement anti-guerre, c’est-à-dire véritablement opposés à tous les belligérants. Parmi les manifestants (en particulier les libéraux), il y a de nombreux partisans du gouvernement d’Ukraine et on a pu aussi y observer quelques sympathisants de l’OTAN.

Le nombre exact de manifestants est inconnu, mais le nombre de villes dans lesquelles des manifestations ont eu lieu et le nombre de personnes détenues et réprimées lors des manifestations en disent long sur l’ampleur du mouvement. Au total, des manifestations ont été organisées dans plus de 100 villes et villages. Selon des militants des droits de l’homme, rien que le 13 mars, la police a arrêté environ 15 000 personnes lors de ces manifestations.

Seuls quelques personnes ont été libérées avec un simple « avertissement » [surtout dans les premiers jours des manifestations contre la guerre] ; mais des milliers de personnes ont été condamnées des amendes ou à des arrestations administratives. Rien qu’à Saint-Pétersbourg, au 25 mars, les tribunaux ont examiné 3710 cas : 861 personnes ont été condamnées à une amende, 2456 ont été soumises à une arrestation administrative, 123 ont été condamnées à des travaux forcés [TIG].

Quelques manifestants encourent des peines encore plus sévères, à savoir des sanctions pénales. Les nouvelles lois sur la diffusion de « fausses informations » et le « discrédit de l’armée » prévoient des peines de prison pouvant aller jusqu’à 15 ans. Dans le mois qui a suivi le déclenchement des hostilités, 60 affaires pénales ont été engagées, d’une manière ou d’une autre liées aux manifestations. 46 personnes ont fait l’objet de poursuites pénales (en relation avec cette nouvelle loi). Neuf d’entre elles sont en détention, trois sont assignés à résidence et deux autres sont interdites de certaines activités. Au moins cinq des accusés se sont enfuis hors de Russie. Au total, des procès ont été instruits dans 22 régions de Russie : Adyguée, Tatarstan, Carélie, Moscou, Ingouchie, Saint-Pétersbourg, Kemerovo, Tomsk, Tyumen, Belgorod, Vladimir, Moscou, Tula, Sverdlovsk, Pskovskaya, Samara, Rostov, régions de Novossibirsk, territoires de Crimée, Primorsky, Krasnodar et Trans-Baïkal.

Les affaires pénales font l’objet d’enquêtes en vertu de 14 articles différents du code pénal : 10 en vertu du nouvel article 207.3 du Code pénal de la Fédération de Russie sur les « fausses informations militaires », 9 en vertu de l’article 214 du Code pénal de la Fédération de Russie (partie 2) « Vandalisme motivé par la haine » (utilisé contre au moins trois artistes de rue – à Moscou, Vladimir et Ekaterinbourg), 9 – en vertu de l’article 318 du Code pénal de la Fédération de Russie (partie 1) sur « le recours à la violence contre des représentants des autorités », 2 – sur des accusations de « justification du terrorisme » (à Kazan et Petrozavodsk), etc. En outre, on relève des charges de « hooliganisme », « insulte à un responsable gouvernemental », « incitation à des activités extrémistes », « incitation à la haine », « stockage de munitions », « incitation à des émeutes de masse » et même Erreur ! Référence de lien hypertexte non valide..

En Ukraine, les manifestations anti-guerres sont encore plus difficiles qu’en Russie. Outre les répressions des autorités, qui ont commencé à bannir et arrêter les opposants politiques et à adopter des lois antiterroristes (dont des peines pour « collaboration avec l’agresseur », « pillage » et « haute trahison » allant de 15 ans de prison à la réclusion à perpétuité), les conditions des hostilités elles-mêmes empêchent les protestations. Comment se rendre à des actions de rue sous une grêle de missiles et d’obus russes qui menacent directement votre vie ? Cependant, il est possible, sur la base d’informations fragmentaires, de présenter au moins une image générale de ce qui s’y passe.

L’une des actions les plus courantes dirigées objectivement contre les conséquences d’un conflit militaire est le soi-disant « pillage », dont de nombreux cas ont été signalés dans de nombreuses villes d’Ukraine. Bien sûr, une grande variété d’incidents de natures différentes peuvent être inclus dans cette catégorie – depuis le banditisme, des meurtres et des vols contre la population civile jusqu’aux véritables protestations sociales, lorsque les habitants des villes et des villages, privés de nourriture et d’autres biens essentiels, les exproprient simplement dans les commerces et les boutiques. De telles « expropriations populaires » et « émeutes de la faim » ont été signalées dans les villes contrôlées par les autorités ukrainiennes, et dans celles occupées par les troupes russes.

Il y a eu des tentatives de la population d’arrêter l’entrée de matériel militaire russe dans les zones d’habitation afin d’éviter leur destruction. Ainsi, à Koryukovka (région de Tchernihiv), le 27 février, des résidents locaux sont sortis pour aller à la rencontre des chars russes, ont arrêté la colonne et ont entamé des négociations avec elle. En conséquence, ils ont convenu que l’armée n’entrerait pas dans la ville. [On a vu aussi les images de ces ukrainiens qui chassaient les soldats russes qui essayaient d’occuper leur maison, ou encore les foules qui faisaient reculer les camions militaires en leur disant de retourner chez eux].

Le 26 mars, le maire de la ville ukrainienne de Slavutych a eu des entretiens avec les troupes russes qui sont entrées dans la ville et s’est mis d’accord avec eux sur la démilitarisation. Il leur a assuré qu’il n’y avait ni soldats ni armes dans la ville et a persuadé les soldats de la quitter. L’armée russe a promis de « ne pas fouiller les maisons », mais les gens doivent remettre volontairement les armes non destinées à la chasse. A Slavutych, les autorités ukrainiennes locales sont restées en place, à laquelle la partie russe transfère l’aide humanitaire. [Néanmoins cela ne se passe pas partout comme cela…]

D’autre part, il y a des témoignages que les habitants exigent également que l’armée ukrainienne n’installe pas d’équipement militaire dans leurs zones résidentielles. Une vidéo d’une manifestation similaire de Kharkov a circulé sur les réseaux sociaux.

A côté de cela, il convient de parler de la désobéissance aux ordres et de la désertion des deux côtés. Malheureusement, il n’y a aucun moyen de vérifier la réalité des nombreuses rumeurs qui circulent. Les médias ont évoqué le moral bas et le faible désir de combattre des unités militaires russes envoyées en Ukraine. La partie ukrainienne a affirmé qu’environ 200 marins russes de la 155e brigade avaient refusé de participer aux opérations militaires, mais cette affirmation ne peut être vérifiée. Il a également été signalé le refus du personnel militaire de la 810e brigade de marine stationnée en Crimée de participer au débarquement dans la région d’Odessa.

Il existe d’autres témoignages, très fragmentaires [essentiellement tirés de la presse officielle et donc toujours à prendre avec précaution] et qui ne permettent pas de juger de l’ampleur du phénomène. La mère de l’un des soldats affectés à une unité de la région de Leningrad a déclaré que son fils, comme beaucoup d’autres qui avaient été enrôlés dans l’armée, avait été contraint de signer un contrat avec l’armée. En janvier, une unité a été envoyée à Koursk, puis à Belgorod, puis ils ont commencé à être envoyés pour combattre en Ukraine. « Selon la femme, les soldats sont emmenés en Ukraine pour combattre, mais certains d’entre eux refusent, on les menace d’un procès pour désertion. »

Un soldat sous contrat d’Ufa, Albert Sakhibgareev, a déclaré que sa brigade, qui était fin février en exercices dans la région de Belgorod, a reçu des mitrailleuses et l’ordre de tirer depuis les installations d’artillerie « quand ils en recevraient l’ordre ». Les soldats ont commencé à douter qu’il s’agissait d’un entraînement lorsque des coups de feu en retour ont volé dans leur direction. Après cela, Sakhibgareev a regardé les nouvelles sur son téléphone portable et a découvert que la Russie avait envoyé des troupes en Ukraine. Une semaine plus tard, il a été battu par un sous-officier, a quitté l’unité et est rentré chez lui à Ufa. Il risque 7 ans de prison pour désertion.

12 combattants des OMON [forces spéciales du ministère de l’intérieur russe, dépendent de la garde nationale] de Krasnodar, ainsi que le commandant Farid Chitaev, ont refusé d’entrer en Crimée. Les combattants de la Garde russe ont expliqué qu’ils refusaient d’exécuter un ordre illégal – aucun des combattants n’ayant été informé des tâches et des conditions de l’opération spéciale. Personne n’a accepté d’y participer. Les combattants ont été renvoyés du service.

Après la destruction de leur peloton par du matériel lourd, plusieurs combattants survivants de l’ OMON d’Izhevsk ont quitté le territoire ukrainien et ont envoyé leur lettre de démission.

 Fin mars, l’ancien président d’Ossétie du Sud a reconnu que certains des soldats, de la 4e base militaire de la garde de la Fédération de Russie, recrutés dans cette république pour participer aux hostilités en Ukraine étaient rentrés du front sans autorisation.

De même en Ukraine, tout le monde n’est pas désireux de “défendre la patrie”. En témoignent les affiches vues dans les premiers jours du conflit à Odessa. En noir et blanc, le commandement des Forces armées ukrainiennes demande sévèrement : « Vous ne voulez pas vous battre ? Cela signifie que vous n’aimez pas votre pays ». Naturellement, l’apparition même d’une telle agitation témoigne du fait qu’il existe un certain nombre des personnes «non aimantes».

Les autorités ukrainiennes ont annoncé la mobilisation générale et qu’elles ne laissaient pas les hommes âgés de 18 à 60 ans quitter le pays. Néanmoins, comme le rapportent des compagnons anarchistes d’Ukraine, en réalité, la mobilisation à grande échelle ne fonctionne pas, contrairement à 2014-2015, lorsque les raids massifs pour enrôler les personnes passibles du service militaire en Ukraine étaient monnaie courante. Au cours de la première semaine d’hostilités, ils ont tenté de donner des assignations aux personnes qui passaient les check-points, mais cela a ensuite été déclaré illégal.

Cependant, de nombreux hommes tentent de franchir illégalement la frontière avec les pays voisins. Début mars, un correspondant ukrainien de la BBC a déclaré qu’au poste de contrôle de Mogilev-Podolsky, à la frontière avec la Moldavie, “à chaque seconde, sinon dans chaque première voiture, il y avait des hommes en âge de servir qui essayaient de fuir à l’étranger, mais ils se sont fait refouler”. Comme me l’a dit le garde-frontière, « certaines voitures ont simplement fait demi-tour, dans d’autres, les femmes ont pris le volant et les hommes sont partis ».

Selon un député du conseil municipal de Moukatchevo en Transcarpatie, chaque jour des centaines d’hommes, contrairement à la loi martiale actuelle, traversent la frontière avec les pays de l’UE. Le passage coûte beaucoup d’argent. En Transcarpatie, ce commerce parallèle a déjà atteint une échelle industrielle. Le coût d’un certificat et du transfert vers la Pologne atteint 2000 euros [pour mémoire, en 2021 le salaire moyen d’un médecin était de 9000 hryvnia, soir environ 260 euros, et 7 000 hryvnia (environ 203 euros) pour les infirmières confirmées].

Dans la région d’Odessa, les passeurs prennent 1 500 dollars par personne. Le site d’info « Edition LIGA.net » qui a étudié ce “marché” indique que cela peut même atteindre des sommes dix fois plus importantes. Ceux qui fuient la guerre sont envoyés en Pologne, Roumanie, Moldavie, dans une moindre mesure – en Hongrie. Plus de 1 000 hommes en âge de servir ont été arrêtés à la frontière pendant les 21 jours du conflit, selon le service des frontières ukrainien.

Dernièrement, la presse a reporté l’existence de canaux organisés pour le transport de personnes à travers la frontière dans les régions de Vinnitsa, Chernivtsi, Odessa et Lviv.

Bien sûr, tous les hommes qui cherchent à quitter le pays illégalement ne doivent pas être considérés comme des personnes contre la guerre. Il y a beaucoup de gens riches parmi eux [NdT : les compagnons ukrainiens du groupe Drapeau Noir avaient d’ailleurs signalés que dès le 16 février, soit une semaine avant le déclenchement de la guerre par Poutine, les oligarques ukrainiens avaient commencé à envoyer leur famille à l’étranger pour les mettre à l’abri], car trouver de l’argent pour payer le passage de la frontière n’est pas une tâche facile. Quelqu’un, peut-être, vendra tout, mais les riches s’en fichent. Ils déclenchent et provoquent des guerres, puis se cachent en toute sécurité à l’étranger, laissant des gens ordinaires s’entretuer et mourir pour eux. On observe d’ailleurs le même phénomène de la part de « l’élite » russe qui s’est lancée dans l’émigration.

Au 28 mars, plus de 340 infractions pénales ont été enregistrées en Ukraine, au motif de “réduction de la capacité de défense de l’Ukraine sous la loi martiale”, dont environ 100 sont pour haute trahison et collaboration. Plus de 1 700 citoyens ukrainiens de sexe masculin en âge de conscription ont été identifiés comme souhaitant franchir illégalement la frontière du pays. Cela a été annoncé par la conseillère en communication du Bureau d’État des enquêtes, Tatyana Sapyan.

Pour tenter de réprimer la désertion, les autorités ont présenté au parlement (la Verkhovna Rada) le projet de loi n° 7171, qui menace jusqu’à 10 ans de prison les hommes en âge de servir qui ont illégalement quitté l’Ukraine sous la loi martiale.

Enfin, les habitants de la République de Donetsk signalent également une mobilisation forcée. Des hommes sont saisis dans la rue, armés et envoyés au front sans aucune préparation. Ceux qui le peuvent essaient de se cacher chez eux et de ne pas sortir. C’est aussi l’un des moyens de résister à la guerre !

Traduction française : https://nowar.solidarite.online/blog/bref-aperçu-de-la-résistance-à-la-guerre-en-russie-et-en-ukraine/

[KRAS] Quand la population se rebelle contre la guerre : en Russie et en Ukraine, des centres de recrutement sont attaqués…

Source en russe : https://www.aitrus.info/node/5963/

Les opérations de guerre en Ukraine sont entrées dans leur troisième mois. Malgré des conditions très difficiles (enflure du nationalisme et du militarisme, « serrage des vis » généralisé de la répression et la trahison « défensive » des idéaux internationalistes par de nombreux « gauchistes » et quelques « anarchistes » dans les deux pays), les actions et protestations anti-guerre se poursuivent sous diverses formes, prenant parfois la forme d’attaques de centres de recrutement.

Russie

Malgré la dispersion énergique de toute prise de parole ouverte contre la guerre en Ukraine, des protestations séparées et individuelles se poursuivent sous diverses formes : piquets de grève avec des affiches et des déclarations affichage de tracts, graffitis et actions plus radicales.

L’intensification des attaques contre les centres de recrutement semble avoir été alimentée par les rumeurs d’une mobilisation prévue des conscrits en Russie, bien que les autorités russes continuent régulièrement de démentir ces rumeurs.

[Comme le fait remarquer une compagnon anarchiste Finlandais : des gens habitants en Russie ont incendié au moins 10 centres d’appels pour le service militaire dans l’armée russe depuis le début de la guerre. Les incendies criminels contre les industries de guerre peuvent être ou non organisés par les services de renseignement ukrainiens, mais en ce qui concerne les incendies des centres d’appel sont très probablement l’expression d’une résistance populaire.]

Dans la nuit du 18 avril, le bureau d’enrôlement militaire de Zubova-Polyana (Mordovie) a été incendié avec des cocktails Molotov (https://info24.ru/news/voenkomat-v-mordovii-zakidali-koktejlyami-molotova.html). Le 24 avril, dans la nuit, une tentative infructueuse a été faite pour incendier le poste de contrôle du département de police du district de Kosino-Ukhtomsky à Moscou (https://t.me/bazabazon/11381).

Le 1er mai, un cocktail Molotov a été lancé dans un bus de la police à Moscou pour arrêter des manifestants (https://www.mk.ru/incident/2022/05/02/v-centre-moskvy-brosili-kokteyl-molotova-v-avtozak-omona.html). Vitaly Koltsov, l’auteur de l’attaque, a été arrêté ; on rapporte qu’il l’a fait pour protester contre la guerre (https://t.me/astrapress/3794) La veille du 1er mai à Tver, des inconnus ont réussi à éteindre les caméras vidéo dans le centre-ville et à s’en servir pour apposer des affiches anti-guerres sur Tverskoy Prospekt (https://t.me/tversky/1826). À Perm, les anarchistes ont accroché une grande banderole sur un pont avec l’inscription : “Paix aux cabanes – guerre aux palais !” (https://t.me/anarchy_perm/331)

 Dans la nuit du 4 mai, plusieurs cocktails Molotov ont été lancées par la fenêtre d’un bureau d’enrôlement militaire à Nizhnevartovsk (District autonome de Khanty-Mansi) ; la police a saisi les suspects (https://muksun.fm/news/incident/04-05-2022/v-hmao-voenkomat-zabrosali-butylkami-s-zazhigatelnoy-smesyu).

Dans la nuit du 8 mai, deux hommes masqués ont lancé deux cocktails Molotov sur le bureau d’enrôlement militaire de Cherepovets (https://www.mk.ru/incident/2022/05/08/v-cherepovce-neizvestnye-podozhgli-voenkomat-kokteylyami-molotova.html).

Le 9 mai, une tentative a été faite pour mettre le feu à un bureau d’enrôlement militaire à Balashikha près de Moscou (https://t.me/bazabazon/11560)

Selon le site Internet des droits de l’homme OVD-Info, le nombre de personnes détenues pour avoir participé à des manifestations contre la guerre a dépassé 15 442 depuis le 24 février (https://ovdinfo.org/). Jusqu’au 20 avril, 100 poursuites pénales avaient déjà été engagées : 32 au titre de l’article sur la diffusion de « fausses informations discréditant l’armée », 26 pour « vandalisme », 10 pour « violences contre la police », 9 pour de faux appels concernant l’exploitation minière, 5 pour « hooliganisme », 5 pour « incitation à la haine », 4 pour « incitation à l’émeute », 3 pour « appel à l’extrémisme », 2 pour « atteinte à la propriété » et « justification du terrorisme », 1 pour « dégradation des lieux de sépulture », 1 pour « réhabilitation du nazisme » (https://t.me/pchikov/4830). Il y a 10 fois plus de sanctions administratives : jusqu’au 14 avril seulement, la police a rédigé 993 protocoles en vertu de l’article sur le « discrédit » de l’armée (https://vot-tak.tv/novosti/20-04-2022-ugolovnye -dela-vojna/)

Par ailleurs, le refus du personnel militaire de participer aux hostilités est encore courante. Selon Ruslan Leviev, le fondateur de « Conflict Intelligence Team », de 20 à 40% des soldats sous contrat qui sont revenus du territoire ukrainien et qui se préparent pour un nouveau déploiement, refusent d’aller au combat (https://www.currenttime.tv/a/do-40-kontraktnikov-kotoryh-vernuli-iz-ukrainy-i-gotovyat-k-novoy-zabroske-otkazyvayutsya-ehat-ruslan-leviev-iz-cit-o-bitve-za-donbass/31802063.html).

Plus tôt, le 20 mars, à Karachay-Cherkessia, 6 femmes ont bloqué la route et 4 autres femmes ont tenté d’organiser un rassemblement près du bureau local d’enregistrement et d’enrôlement militaire. Elles ont exigé que les autorités les informent du sort des enfants, frères et maris envoyés combattre en Ukraine (https://verstka.media/protest-materey/).

Ukraine

La principale méthode de résistance à la guerre de la part de la population ukrainienne est de refuser d’y participer. De nombreux citoyens ukrainiens de sexe masculin, qui avaient auparavant quitté le pays pour travailler, ne sont pas pressés de revenir, craignant la mobilisation.

En avril, le projet de loi n°7265 a été soumis au Parlement ukrainien (Rada). Il prévoit qu’en cas d’introduction de la loi martiale – sur tout ou partie du territoire de l’Ukraine – les personnes qui, conformément à la loi, sont soumises à la conscription pendant la mobilisation, sont tenus de retourner en Ukraine dans les 15 jours. En cas de non-respect de cette loi, il est prévu d’introduire une responsabilité pénale pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison. La mesure pourrait toucher des millions de personnes. Comme le note le journal en ligne ukrainien, « Strana.ua », parmi les hommes partis travailler à l’étranger, « une vague d’indignation grandit à cause d’une tentative de les renvoyer dans leur patrie sous la menace de poursuites pénales ». Beaucoup « ont l’intention d’ignorer une telle exigence ». Certains « ont l’intention d’arrêter d’envoyer de l’argent chez eux (et cela représente plusieurs milliards de dollars par an) et d’emmener leur famille et leurs proches à l’étranger. De plus, certains disent que l’introduction d’une telle règle les encouragera à entamer le processus de renonciation à la citoyenneté ukrainienne et à l’obtention de passeports étrangers. »

Le journal a cité les déclarations pertinentes de ces Ukrainiens. « Je vais personnellement rester en Europe, je veux m’installer ici, si nécessaire je renoncerai à la nationalité ukrainienne. Ordonner de retourner chez soi est illégal. Je pense que n’importe quel tribunal européen le prouvera », a déclaré Oleg Malko d’Ivano-Frankivsk, qui travaille en Pologne dans une usine. « Tout d’abord, qu’ils fassent appel à ceux qui ont volé l’Ukraine – les députés, leurs enfants, les fonctionnaires. Mes proches me disent combien de jeunes garçons restent assis ou et se déplacent calmement dans les villes et les villages d’Ukraine, engraissent, boivent de la bière et ne veulent rien faire d’autre… Et les travailleurs acharnés [à l’étranger] qui transfèrent de l’argent en Ukraine et remplissent le budget sont menacé d’être punis. Au contraire, vous devez aussi dire : les hommes, continuez à travailler tranquillement, subvenez aux besoins des familles et transférez de l’argent, et quand la guerre sera finie, l’Ukraine devra être reconstruite », a expliqué Grigory Senishin de Tchernivtsi, qui travaille dans une construction chantier en Espagne.

Selon le journal, les experts affirment qu’une tentative de ramener et de mobiliser les Ukrainiens à l’étranger pourrait avoir de graves conséquences sur l’économie et la situation démographique en Ukraine. « Cela pourrait conduire à une réduction de la population de plusieurs millions de personnes valides supplémentaires. Après tout, beaucoup de ceux qui sont déjà à l’étranger pourraient faire venir leurs proches. Cela s’ajouterait aux cinq millions de personnes qui sont déjà partis. En conséquence, les transferts des travailleurs migrants pourraient diminuer d’environ 14 milliards par an. Cela serait un puissant choc supplémentaire pour l’économie qui s’est effondrée à cause de la guerre. Sans oublier que la démographie en souffrira. Et qu’il n’y aura tout simplement plus personne pour reconstruire le pays. Au lieu d’effrayer les gens, il vaudrait mieux leur offrir des conditions favorables pour rentrer chez eux afin que les constructeurs et les ouvriers reviennent après la guerre pour aider à reconstruire l’Ukraine », a déclaré à Strana Ivan Pekhota, spécialiste des statistiques sociales, de la démographie et de la migration (https://strana.today/news/385813-kak-zarobitchane-otreahirovali-na-popytku-vernut-ikh-iz-za-hranitsy-dlja-mobilizatsii-.htm)

Alors que le projet de loi est en cours de finalisation, le gouvernement ukrainien a adopté le 26 avril le décret n°481, qui interdit aux employés des entreprises publiques de travailler à l’extérieur du pays, sauf en cas de voyage d’affaires officiel. En d’autres termes, les employés des entreprises publiques qui sont partis à l’étranger pour échapper à la guerre devront soit retourner en Ukraine, soit perdre leur emploi. En Ukraine, les employés peuvent travailler à distance, mais uniquement sur décision de la direction (https://t.me/stranaua/39015)

Pendant ce temps, dans la ville de Khust, en Transcarpathie (extrême ouest du pays, très loin de la ligne de front), une véritable émeute anti-guerre a éclaté, organisée par des femmes qui ont protesté contre la mobilisation de leurs maris et fils.

Le 29 avril, une cinquantaine de femmes se sont rassemblées pour manifester devant le centre de recrutement de la ville de Khust, exigeant de savoir pourquoi leurs hommes, qui avaient été mobilisés pour la défense territoriale, ont été envoyés dans la zone de guerre sans explication.

La réunion pacifique s’est rapidement transformée en une manifestation devant le bureau d’enregistrement et d’enrôlement militaire, lorsque le chef du centre, le commissaire militaire Zubatov, a refusé d’aller vers le peuple pour expliquer la décision. En réponse, les participants ont commencé à jeter des pierres sur les fenêtres et à pénétrer par effraction dans le bâtiment.

Les femmes sont outrées : tandis que leurs maris et leurs proches sont envoyés au front sans nourriture et sans les uniformes nécessaires, « des hommes en bonne santé qui ont quitté la zone de guerre errent librement autour de Khust ». En outre, le chef du bureau d’enregistrement et d’enrôlement militaire, Zubatov, a été accusé de corruption en raison de la délivrance de certificats d’inaptitude militaire à certains sans justification évidente, alors que le 14 mars 2022 il avait déclaré la mobilisation générale de tous les travailleurs masculins, peu importe s’ils étaient handicapés, parents de 3 enfants, ou sans absence totale d’expérience militaire.

Les manifestantes n’apprécient pas le fait que pendant que leurs proches sont obligés de se battre, et même sans équipement adéquat, les riches et leurs enfants continuent de vivre dans le luxe et de profiter de la vie.

Le chef du centre qui a fini par sortir et s’adresser à la population, a déclaré que la « défense territoriale » est une unité militaire et peut être envoyée en mission militaire à tout moment… Et l’attaché de presse du Centre régional pour le recrutement du personnel militaire, Andrei Akimov, a même menacé, affirmant que « de tels rassemblements sont inappropriés et également illégaux en temps de guerre et ne conduisent à la résolution d’aucun problème » (https://goloskarpat.info/rus/society/626ce487ebdaa/)

Traduction française : https://nowar.solidarite.online/blog/quand-la-population-se-rebelle-contre-la-guerre-en-russie-et-en-ukraine-des-centres-de-recrutement-sont-attaqués/

[KRAS] Encore une fois à propos des « anarchistes » qui oublient leurs principes

Source en russe : https://www.aitrus.info/node/5973/
Source en anglais et en espagnol : https://www.aitrus.info/node/5974/

La section régionale russe de l’Association Internationale des Travailleurs appelle au boycott des provocateurs et des délateurs qui se cachent derrière le nom d’« anarchistes » pour calomnier et dénoncer les militants de notre organisation.

Notre position contre la guerre menée par les oligarchies capitalistes pour le repartage de « l’espace post-soviétique » rencontre la compréhension et le soutien des internationalistes anarchistes d’Ukraine, de Moldavie et de Lituanie, avec lesquels nous entretenons des contacts. Mais dès le début de la guerre russo-ukrainienne, les soi-disant « anarchistes », qui ont abandonné la position anarchiste internationaliste historique consistant à vaincre tous les États et nations et qui soutiennent l’une des parties belligérantes, ont lancé une campagne de diffamation contre notre organisation.

Ainsi, les anciens anarchistes Anatoly Dubovik et Aleksandr Koltchenko, qui vivent en Ukraine, ont publié les noms et adresses de nos militants sur l’Internet ouvert. Le premier a écrit le texte en question, et le second lui a fourni son compte Facebook pour la publication et l’a approuvé. Le prétexte était que notre organisation adopte une position internationaliste cohérente et condamne tant l’invasion russe de l’Ukraine que le nationalisme ukrainien et la politique expansionniste du bloc de l’OTAN.

MM. Dubovik et Koltchenko ont tenté sans vergogne et de manière éhontée de calomnier notre section de l’AIT, en essayant de nous attribuer une position de défense du Kremlin, sans aucun fondement. En outre, ils admettent que nous appelons les soldats ukrainiens et russes à refuser de se battre.

Ce dernier point signifie que ces faux anarchistes, en publiant les adresses de militants anti-guerre en Russie, incitent directement les services secrets russes et les voyous nationalistes contre eux, en tant qu’opposants à la guerre, afin de s’occuper d’eux physiquement ! Dans le contexte actuel de harcèlement, de licenciements, de menaces et de représailles physiques à l’encontre des personnes hostiles à la guerre en Russie, de telles actions constituent à une véritable dénonciation et indiquent directement sur qui les forces répressives doivent porter leur attention.

Une fois de plus, les nationalistes des deux côtés de la ligne de front, suivant la logique du « celui qui n’est pas avec nous est contre nous », sont prêts à œuvrer conjointement pour détruire leurs principaux adversaires, les internationalistes qui refusent de choisir entre les États en guerre et les cliques bourgeoises, entre la peste et le choléra.

Les anarchistes du monde entier devraient être conscients des actes honteux des provocateurs-informateurs et refuser une fois pour toutes d’avoir quelque rapport que ce soit avec eux, les expulser à jamais du milieu anarchiste et les renvoyer à leurs patrons et maîtres des services secrets et de la police secrète !

Cette déclaration a été approuvée lors d’un référendum des membres de la KRAS-AIT

Traduction française : Les Amis de la Guerre de Classe

[Acte] Un message de solidarité à tous ceux qui luttent contre la guerre en Russie et en Ukraine

Source en grec et en anglais : https://acte.blackblogs.org/2022/10/29/mύνημααλληλεγγύηςσεόσεςκιόσουςαγω/

Solidarité avec tous ceux qui luttent contre la guerre en Russie et en Ukraine.

À l’aube du jeudi 24/2, l’État russe a lancé une attaque de grande envergure contre l’État ukrainien. Une guerre sanglante s’y déroule avec des milliers de morts, des viols, des meurtres de civils et la destruction de la nature.

Dans l’État russe, face aux appels à l’unité nationale, au carnage interétatique et au recrutement militaire, la guerre contre la guerre se développe : manifestations de masse, refus de la conscription, attaques armées contre des militaires, incendies de bureaux de recrutement. Les actions qui ont également lieu sont des sabotages des lignes ferroviaires qui transportent le matériel militaire et dans les usines qui produisent du matériel de guerre. L’un des mouvements antimilitaristes les plus prometteurs de ces dernières décennies est en cours.

L’État russe tente en vain de réprimer ce mouvement, en procédant à des arrestations et en instruisant des procès sommaires qui ont conduit à l’emprisonnement de milliers d’hommes et de femmes, en leur infligeant de lourdes peines. La Croix Noire Anarchiste de Moscou lance un appel international à la solidarité envers les personnes emprisonnées et en isolement complet. Nous répondons à cet appel et envoyons force et solidarité aux camarades dans les prisons de Russie.

Dans l’Etat ukrainien, où la rhétorique dominante selon laquelle « le pays est en droit de se défendre » est plus puissante, la lutte contre la guerre est plus limitée bien qu’existante. Ceux qui refusent d’intégrer l’armée font face à une répression extrême de la part de l’État et des groupes (para)étatiques fascistes.

Tous ces refus et ces luttes nous montrent que la propagande des gouvernants n’a pas souvent le vent en poupe. Et ceci est encore plus important si l’on considère que cette propagande est particulièrement puissante et étendue dans cette guerre en particulier.

Les forces de l’OTAN et de l’UE (avec un rôle important de l’État grec) se présentent comme « les défenseurs de la démocratie et des droits de l’homme » en opposition à « l’autoritarisme de la Russie ». Cette rhétorique classique a été utilisée dans de nombreuses guerres, l’exemple le plus récent étant le cycle d’interventions au Moyen-Orient qui a fait des millions de morts.

D’autre part, l’État russe réactualise cette rhétorique (qui date de l’époque de l’URSS) prétextant ainsi se défendre contre l’Occident intrusif, tout en essayant de trouver des alliés et du soutien.

Chaque camp, à travers la guerre en Ukraine, tente de sortir victorieux militairement et politiquement dans la course à la domination mondiale. N’oublions pas que la guerre est « le prolongement de la politique par d’autres moyens ». Les conflits armés sont la conséquence de divers autres conflits qui l’ont précédé (économiques, politiques, propagande nationaliste). C’est pourquoi il n’y a pas de camp à défendre dans la guerre qui a commencé en Ukraine (comme dans toute guerre interétatique), il n’y a pas de camp juste, qui ne ferait que se défendre, qui serait victime, et nous ne soutenons aucun des États belligérants. Il n’y a rien qui unisse les exploiteurs et les oppresseurs, quelle que soit leur appartenance ethnique, aux exploités et aux opprimés qui justifierait de se battre avec eux. Au contraire, tout nous sépare, la position de classe, la capacité et la manière de survivre, le fait que pour nous, la perspective de détruire le monde existant et de construire une autre vie ne peut être que positive et porteuse d’espoir.

C’est pourquoi nous luttons en temps de « paix » et en temps de guerre, contre tout État et toute forme d’oppression et d’exploitation, sans se soumettre en aucune manière à l’unité nationale. Nous mettons en avant le refus du recrutement militaire, nous nous opposons à l’armée et à l’industrie de guerre. Nous sabotons les préparatifs de guerre et la guerre nationale. Nous refusons de nous entretuer pour les intérêts du capital et la gloire du pays. Nous continuons les luttes sociales et la lutte de classe, contre le militarisme, la destruction de la nature, le patriarcat, jusqu’à la libération totale.

Notre objectif est de continuer la lutte de classe pour la révolution sociale et pour cela, il convient de donner toutes nos forces. Pour ouvrir la voie à l’anarchie : une société libre de personnes égales qui doit se propager à travers la planète.

En Grèce, en Russie, en Ukraine, l’ennemi c’est l’Etat, le capital et le patriarcat.

Collectif anarchiste Acte

Traduction française : Les Amis de la Guerre de Classe

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