[GCI-ICG] Résistance prolétarienne à la guerre – Yougoslavie 1999

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Présentation de Guerre de Classe

Nous présentons ici un texte extrait de la revue Communisme n°51, mai 2001 du Groupe Communiste Internationaliste consacrée à la guerre des Balkans en 1999 (il y a donc exactement un quart de siècle), ou plus exactement à son énième chapitre : le Kosovo et le bombardement de la Yougoslavie par l’OTAN, ainsi qu’à la résistance prolétarienne à cette guerre.

Nous nous focalisons ici principalement sur la lutte que le prolétariat a menée contre la dictature de l’économie dans la région des Balkans et le développement de la guerre à l’encontre de cette lutte. Le texte analyse également l’idéologie qui s’efforce de camoufler aux yeux des prolétaires les véritables raisons de cette guerre et souligne quelques éléments de la réaction prolétarienne face à cette dernière.

Une fois de plus, aujourd’hui, nous faisons face à la guerre et conséquemment à toutes les attaques possibles de la bourgeoisie contre le prolétariat. Bien que la guerre soit inhérente au capital, bien que la fonction réelle de chaque guerre ait toujours été de servir le capital et d’écraser la classe subversive, il semble que nous soyons de plus en plus proches d’un conflit généralisé à l’échelle planétaire, d’une nouvelle guerre mondiale dont les modalités deviennent tangibles.

Tous, nous exprimons, selon nos forces plus ou moins faibles, notre résistance à cette énième guerre capitaliste. Tous, nous appelons à la mobilisation prolétarienne contre la guerre dans les deux camps, quelle que soit la région du monde où elle se déroule. Nous revendiquons la seule et unique réponse prolétarienne à la guerre capitaliste, à savoir le défaitisme révolutionnaire consciemment organisé et structuré pour abattre notre propre bourgeoisie et, par conséquent, la bourgeoisie mondiale dans son ensemble. Tous, nous portons le drapeau de l’internationalisme prolétarien, celui de la révolution prolétarienne.

Mais tous nous connaissons aussi l’isolement, la faiblesse de nos forces face à la propagande bourgeoise, face aux bellicistes déguisés en « anarchistes » ou en « communistes », face à l’inactivité du prolétariat ou à sa fausse conscience exprimée dans sa « volonté » soit de défendre la « patrie », soit de promotionner le retour à la « paix » (qui n’est rien d’autre que l’autre visage de la guerre capitaliste quotidienne) et à la situation antérieure de l’exploitation « normale ».

Lorsque nous mettons en avant l’internationalisme, cela signifie saisir et développer la dimension internationale du prolétariat en tant que classe. Le capital et ses rapports sociaux qui s’expriment dans différentes guerres sont une réalité mondiale. Le communisme en tant que projet prolétarien et processus opposé au capital est un mouvement universel et l’internationalisme est un élément décisif dans la pratique du prolétariat.

Le prolétariat n’a pas de patrie. Il doit s’opposer au nationalisme de sa « propre » bourgeoisie, à ses exploiteurs directs et développer ainsi une pratique internationaliste. Nous considérons que notre tâche est de participer, d’encourager et de développer cette tendance en tant que communauté de lutte unie contre le capital mondial – une communauté sur laquelle repose l’organisation internationale et internationaliste du prolétariat.

Que les éléments de notre lutte d’hier, développés ici, puissent servir aux luttes présentes (Ukraine, Gaza…) et à la préparation des luttes futures : la transformation de la guerre et de la paix capitaliste en révolution sociale mondiale !

Guerre de Classe – Mai 2024

Post-scriptum : Le dernier point que nous souhaitons aborder concerne l’organisation GCI elle-même. Nous considérons que leur activité de plusieurs décennies et leur contribution à la réappropriation programmatique par la communauté de lutte prolétarienne sont particulièrement importantes et très proches de nos positions. Il est également important de souligner que le GCI historique n’existe plus. Comme toute organisation militante dans l’histoire du mouvement de notre classe, malgré toutes ses forces, le GCI n’était pas à l’abri de contradictions internes. Finalement, il y a quelques années, ces contradictions ont conduit à sa dissolution en tant qu’organisation et continuité militante. Plusieurs ex-militants (au sens littéral du terme), formant le collectif Kilombo, continuent à parler et à signer leurs documents au nom du GCI mais, en réalité, ils ont complètement détourné le contenu programmatique du groupe en faveur d’une fantaisie idéologique vulgaire, idéaliste et encline à la théorie de la conspiration : réduction outrancière et obsessionnelle des rapports sociaux capitalistes en diverses incantations « tantriques » comme la dénonciation du « nouvel ordre mondial », du « grand Reset », de la production de « fausse monnaie », de la « plandémie », de « l’aristocratie financière », de la « ploutocratie », du « Club Bilderberg »… et pour finir des « super-riches »… Nous devons mettre en garde nos camarades contre cette falsification.

Résistance prolétarienne à la guerre

Les rivalités ethniques ou religieuses ne peuvent à elles seules expliquer le processus qui a abouti à l’intervention militaire de l’OTAN dans les Balkans et, plus particulièrement, à la dernière vague de bombardements contre la Yougoslavie et le Kosovo. L’analyse des différentes contradictions bourgeoises ne suffit pas non plus pour saisir pleinement cette dynamique guerrière. Il faut en effet prendre également en considération non seulement le fait que la destruction d’une partie du capital qui ne parvient plus à se valoriser ne constitue qu’un moment de la guerre, une résolution provisoire de la dévalorisation générale, mais surtout que, bien souvent, la guerre est un moyen efficace de soumettre les prolétaires aux intérêts de la bourgeoisie et de leur faire accepter la pérennité de l’ordre capitaliste.1

Toute guerre est avant tout une guerre contre le prolétariat. C’est en fait le moment le plus élevé de la négation du prolétariat et de son projet social, le communisme. Lorsque les prolétaires sont obligés (de gré ou de force) d’abandonner leur vie déjà misérable en temps de paix, pour intégrer une armée en guerre, lorsqu’ils sont forcés de se transformer en assassins directs d’autres prolétaires et en chair à canon au service des intérêts d’un camp bourgeois, ils quittent leur terrain de classe, ils abandonnent la défense intransigeante de leurs propres intérêts. Un des plus hauts degrés de civilisation bourgeoise est alors atteint : le prolétaire, oublieux de ce qu’il est vraiment, un exploité, endosse l’uniforme, empoigne une arme et part au front en beuglant d’immondes chants patriotiques. Jamais cette société suintant la misère à un pôle et accumulant la richesse à l’autre, n’est aussi forte que lorsqu’elle parvient à envoyer un ouvrier tuer ses semblables au nom de la patrie, de dieu, du « socialisme »… ou, comme c’est le cas depuis la dite seconde guerre mondiale, pour défendre la démocratie et les droits de l’homme.

La guerre au Kosovo ne fait pas exception à la règle. La nécessité de nier le prolétariat et son projet historique, le besoin impérieux de transformer la lutte sociale qui s’est développée dans les Balkans ces dernières années en guerre inter-impérialiste ont été les objectifs centraux de « l’intervention » de l’OTAN et ce, indépendamment de la conscience qu’ait pu en avoir tel ou tel protagoniste.

La nécessité d’écraser un prolétariat actif qui n’acceptait pas facilement les diktats de l’économie explique en grande partie la guerre dans les Balkans.

1/ Les Balkans : poudrière sociale

Au lieu de s’enfermer dans la perception étroite des journalistes et autres commentateurs politiques (y compris ceux dits de gauche ou d’ultra-gauche) qui ne voient dans cette guerre que « conflits de personnes » ou dénoncent « l’impérialisme » de certains pays, ouvrons notre horizon d’analyse dans le temps comme dans l’espace. Depuis le début du XIXème siècle, les Balkans constituent une zone à risque pour la bourgeoisie. L’instabilité sociale y règne de manière endémique et s’exprime régulièrement par de fortes tensions qui débouchent fréquemment sur d’importantes explosions. Sans remonter trop loin dans le temps, rappelons qu’en 1989 la chute du Conducator Ceausescu en Roumanie faisait suite au soulèvement d’une partie importante du prolétariat dans cette région. L’accumulation des contradictions entre les rêves mégalomaniaques d’une bourgeoisie qui voulait créer « l’homme nouveau » et la misère effroyable dans laquelle se débattait l’homme réel, le prolétaire, ne pouvait aboutir, après plusieurs secousses importantes dans les années ‘70, qu’à la fin de 40 ans de gestion stalinienne. Les contradictions s’étant encore aiguisées depuis lors avec l’exacerbation accrue de la concurrence au niveau mondial, il n’est pas étonnant que l’affrontement social dans ce pays ait repris en janvier 1999. Même si la situation semble aujourd’hui quelque peu apaisée, les contradictions qui avaient déclenché ces événements n’ont toujours pas trouvé de résolution, présageant ainsi sans aucun doute de nouveaux bouleversements sociaux dans les années à venir.

Toujours dans la péninsule des Balkans, l’Albanie constitue un autre foyer d’inquiétude. C’est à l’unisson que la « communauté internationale », c’est-à-dire la bourgeoisie réunie sous ses diverses appellations (ONU, UEO, OTAN…), s’est épouvantée de l’attaque de l’Etat en Albanie par des prolétaires en armes. La bourgeoisie mondiale dut intervenir promptement pour pallier à l’incapacité de sa fraction locale d’imposer l’ordre social. Sous couvert d’humanitaire une « opération Alba » fut montée avec diverses troupes régionales épaulées par les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne afin de mettre un terme au processus de dissolution de l’Etat enclenché en Albanie. Le désarmement des prolétaires insurgés en échange de nourriture et d’argent constituait la première étape d’une stabilisation sociale que toutes les fractions bourgeoises, malgré la concurrence mortelle qu’elles se livrent entre elles, désiraient ardemment. Tout comme en Roumanie, la situation est aujourd’hui loin d’être apaisée bien que l’action prolétarienne et les luttes semblent avoir maintenant cédé le pas à la loi de la jungle du capitalisme. Les investisseurs ne se bousculent toujours pas aux portes du pays et évitent soigneusement de faire des affaires tant que les prolétaires n’ont pas, en premier lieu, restitué les armes qu’ils avaient pillées dans les casernes de l’armée nationale et, dans un second temps, repris le chemin du travail.

Quant au troisième foyer de tension, l’ex-Yougoslavie, elle a constitué pendant plus de dix ans un pôle d’instabilité sociale chronique où grèves, manifestations, occupations, sabotages… composaient le pain quotidien de l’ouvrier. A la mort de Tito, en 1980, la bourgeoisie locale avec l’aide du FMI tenta vainement de rendre l’espace économique yougoslave plus compétitif. Des plans d’austérité se succédèrent à une cadence exceptionnelle provoquant dans le chef des ouvriers un refus toujours plus profond de ces nouvelles conditions d’exploitation. La guerre parvint à mettre un terme à ces conflits, consommant ce que la division par ethnies avait commencé, elle poussa les prolétaires – qui hier faisaient grèves ensemble – à se détester et à s’entre-tuer parce qu’on les déclarait subitement « Serbes », « Bosniaques », « Croates », « Musulmans » ou « Chrétiens ». Pourtant, l’imposition de cette effroyable boucherie ne se fit pas sans mal et, à certains endroits, les ouvriers continuèrent à résister à la dissolution de notre classe dans les camps bourgeois rivaux. Sarajevo, Vukovar et d’autres villes furent anéanties par toutes les armées présentes sur le terrain. Le prolétariat devait être écrasé et disparaître de la scène. La bourgeoisie mondiale au travers de l’OTAN, de l’UEO (Union de l’Europe Occidentale) et de l’ONU compléta ce processus de dissolution de notre classe en intervenant militairement pour définir des réserves « ethniquement pures » où les prolétaires furent entassés dans des conditions où leur survie dépendait directement de leur passivité et de leur soumission à l’ordre social existant. Gamelle contre paix sociale, telle est la devise des « hommes en bleu ». Alors que ces prolétaires vivaient et luttaient ensemble dans cette région du monde depuis des générations, l’intervention des casques bleus au nom de la démocratie et des droits de l’homme a permis à la bourgeoisie de terroriser notre classe pour la soumettre à ses besoins de valorisation et la remettre au travail dans des conditions encore plus effroyables que celles qui régnait avant le déclenchement de la guerre.

Dix ans de conflits sociaux ont ainsi été transformés en dix autres années de guerre sanglante.

Finalement le Kosovo ne représenta que le énième épisode de ce sanglant carnage où les leçons tirées de la guerre en Bosnie devaient être systématiquement appliquées. L’expulsion de centaines de milliers de prolétaires désignés comme « Albanais » devait participer au redécoupage de la région en entités déclarées « homogènes », ne regroupant que des « Serbes » ou des « Albanais ». Les prolétaires furent ici aussi obligés d’abandonner leur intérêt commun pour se fondre dans la communauté nationale et enfiler l’uniforme aux couleurs de la « Grande Serbie » ou de la « Grande Albanie ». Avec un prolétariat détruit par dix années de guerre, ce nouveau partage ne devait plus être qu’une formalité, une opération de routine. Et pourtant, alors que l’hystérie de l’Union sacrée battait son plein, des mutineries ont à nouveau éclaté dans l’armée yougoslave. Laisser se développer les mutineries n’apporterait rien de bon et était intimement en contradiction avec le motif de l’intervention des troupes de l’OTAN dans les Balkans (c’est-à-dire imposer définitivement la paix sociale). Comme le signalait une des résolutions émises en plein bombardement par le G-8 lors de sa réunion à Petersberg le 6 mai 1999, l’intervention de l’OTAN s’inscrivait pleinement dans une « approche globale du développement économique et la stabilisation de la région ».

La déstabilisation de la région, c’est ce que reprochait l’OTAN au gouvernement Milosevic qui avait trouvé plus commode de se débarrasser du trop-plein de bouches à nourrir en obligeant à émigrer chez les voisins/concurrents. La République de Macédoine comme l’Albanie n’auraient jamais pu supporter pareil flux migratoire, sans même parler de la Grèce, le pôle d’accumulation le plus important de la région. La stabilité de la région était menacée, le risque d’une exacerbation des conflits sociaux dans un avenir proche obligeait la bourgeoisie à imposer son intérêt général : il fallait résoudre les problèmes internes à la Serbie d’une façon différente de celle envisagée par le gouvernement Milosevic. En fait, ce n’est pas « l’épuration ethnique » – plus prosaïquement le massacre de milliers de prolétaires – qui était reprochée au gouvernement de Belgrade (cela les Etats-Unis l’avaient bien accepté pendant 10 ans), mais bien le facteur supplémentaire de déstabilisation sociale que cette politique « Grand Serbe » impliquait. C’était un risque que la bourgeoisie mondiale ne pouvait pas courir dans une situation sociale aussi dégradée que celle des Balkans. Milosevic devait céder la place à un gouvernement plus conciliant et plus à même de se plier aux intérêts généraux de la bourgeoisie, quitte à ne pas résoudre les contradictions qui minaient la Serbie, tel cet encombrant million de réfugiés résultant des guerres perdues en ex-Yougoslavie et dont la bourgeoisie locale ne savait quoi faire. Les envoyer coloniser le Kosovo débarrassé des « Albanais », voilà la solution que Milosevic avait trouvée pour éviter que la situation ne lui saute à la figure.

L’intervention de l’OTAN avait non seulement pour but de se débarrasser de Milosevic, le « déstabilisateur », mais également de couvrir la région d’une série de bases militaires devant servir de points d’appui pour de futures opérations humanitaires répondant aux désordres sociaux qui n’allaient pas manquer de surgir dans la zone au cours des années suivantes.

2/ Mythes et réalité de cette guerre

Le 20 juin 1999, le secrétaire général de l’OTAN, le socialiste espagnol Javier Solana, mettait officiellement un terme à 78 jours de bombardement ininterrompu sur la République Fédérale Yougoslave (RFY). L’objectif politico-militaire de cette campagne aérienne se résumait comme suit : 1) faire accepter au gouvernement yougoslave les accords issus de la conférence de Rambouillet, 2) limiter le déploiement des forces yougoslaves dans la province du Kosovo et 3) « interrompre les violentes attaques perpétrées par les forces armées et les forces spéciales serbes et affaiblir leur capacité à prolonger la catastrophe humanitaire ».

Le mythe de la « guerre humanitaire »

A la mi-mars 1999, la fraction nord-américaine de la bourgeoisie mondiale prend la décision de bombarder la Serbie. Immédiatement, le bombardement médiatique se déclenche en prélude aux hostilités. En suivant les médias d’origine anglo-saxonne, on s’aperçoit très vite que la guerre est – comme toujours – une gigantesque opération d’intoxication, de « communication » comme disent les experts en désinformation. Plus qu’une comédie, le conflit du Kosovo ressemble à un de ces mauvais films hollywoodiens de série B où le scénario comme les acteurs ne sont pas plus épais qu’une feuille de papier. Toutes les ficelles, les trucs, les tours de passe-passe utilisés sont gros et prévisibles. En jouant sur le « malheur du peuple kosovar », les scénaristes du Pentagone ne visent qu’à faire accepter aux prolétaires du monde entier une guerre qui n’est pas la leur.

C’est William Cohen, secrétaire américain à la défense, qui joue la première scène de cette manipulation en annonçant à la chaîne américaine CBS : « Nous avons vu la disparition d’environ 100.000 hommes en âge de service militaire… Ils peuvent avoir été assassinés. » Quelques jours plus tard, les esprits étant suffisamment échauffés, le doute peut laisser place à l’affirmation. Le secrétaire d’Etat « pour les crimes de guerre » [sic !] annonce d’un air tragique (quel bon comédien !) que « 225.000 Albanais âgés de 14 à 59 ans ont disparu ». Chaque mot étant pesé, disséqué, analysé, « disparus » doit être compris comme « tués ». En faisant monter la tension crescendo, d’autres sources militaires américaines tablent, elles, sur le chiffre encore plus impressionnant de « 400.000 victimes ». Le mot « génocide » apparait et se généralise. Les comparaisons vont bon train, les Kosovars d’aujourd’hui ressemblent à s’y méprendre aux Juifs d’hier. « Serbe » devient synonyme de « nazi ». L’intoxication enfle au même rythme que s’accroissent les préparatifs militaires des Alliés. Plus le chiffre des « disparus », « massacrés », « torturés », « déplacés » grossit et plus le dispositif militaire dans la région se renforce. Les avions, les bateaux, les hommes de troupes, les chars, les hélicoptères… se déploient pratiquement à la même vitesse que les flots de mensonges déversés par les experts en communication du Pentagone. Pour mettre fin au massacre, il n’y a pas d’autre solution que d’abattre ce « monstre sanguinaire qu’est Slobodan Milosevic ». « Pour sauver les Kosovars assassinés sur les bords des routes ou expulsés de force de leur maison, il faut que les Etats-Unis envoient leurs ‘boys’ mettre de l’ordre puisque les Européens sont incapables d’arrêter ce génocide. » Les experts en communication ont réussi à « communiquer ».

Réalité

Si la méthode paraît éculée, elle a pourtant bien fonctionné. Une fois encore, la réalité échappe au monde terrestre pour aller se loger comme Dieu, dans les cieux. Et pourtant, on le sait bien, les dieux n’existent que comme mythes de cohésion sociale.

  • A propos des milliers d’exécutions

L’OTAN annonce à qui veut l’entendre que plus de 529 sites où gisent des milliers de victimes ont été « détectés » par ses satellites. Une fois les bombardements arrêtés et la province du Kosovo occupée par les troupes de l’OTAN, baptisées pour l’occasion KFOR (Kosovo Force), les diverses commissions d’experts légistes se mettent au travail. Tout comme hier la bourgeoisie mondiale avait utilisé l’alibi des camps de concentration nazis pour justifier a posteriori l’anéantissement de la plupart des villes allemandes et de leurs occupants, aujourd’hui la même bourgeoisie mondiale utilise les charniers « serbes » pour justifier ses nouveaux bombardements. Première constatation, les 529 sites ont fondu comme neige au soleil et se chiffrent à 195. Au total quelques 2.000 cadavres sont répertoriés par le Tribunal Pénal International (TPI) et le Comité International de la Croix Rouge (CICR). Où sont donc passés les milliers d’autres ?

Un exemple illustrera à la perfection comment l’intoxication médiatique a été systématiquement menée par l’OTAN. Le Daily Mirror britannique a relaté (relayé le lendemain par un grand nombre de chaînes télévisuelles) l’établissement d’un camp de concentration dans les mines de Trepca où les « serbes avaient bâti des fours inspirés d’Auschwitz » pour brûler et enfouir des milliers de corps. D’après des témoins « dignes de foi », un grand nombre de camions y aurait pénétré le 4 juin avec des milliers de personnes pour ne plus jamais en ressortir. Après le passage des enquêteurs du TPI, aidés par une équipe de spéléologues français, force fut de constater qu’ils n’avaient « absolument rien trouvé ». Pourtant, l’OTAN continue officiellement à parler de « centaines de milliers de morts ». Un rapport publié fin 1999 par le secrétariat d’Etat américain continue à se référer au chiffre symbolique de « 10.000 morts ».

Bien que réels, les massacres organisés par les forces militaires serbes ont été très fortement exagérés dans le but évident de fabriquer une opinion publique, de la préparer à accepter « la nécessité humanitaire de ces bombardements ».

  • A propos des expulsions forcées

S’il est vrai qu’un grand nombre de prolétaires habitant le Kosovo ont dû fuir la répression des troupes serbes, il faut bien constater que le déclenchement des bombardements a véritablement initié cet exode. Nous n’allons pas entrer dans une bataille de chiffres, signalons simplement que si l’on comptabilise quelque 863.000 personnes déplacées à la fin de la guerre, 90% – soit 793.000 – le furent entre le 24 mars et le 20 juin 1999, en d’autres mots pendant que les avions de l’OTAN bombardaient la région pour « sauver les Kosovars » ! Ce constat tord définitivement le cou à cet autre volet de la propagande des Alliés affirmant que les bombardements avaient pour but d’empêcher les exactions des forces serbes au Kosovo. Dans un document publié au sein de l’OTAN, les rapporteurs de la commission en arrivent au même bilan :

« La puissance aérienne n’a pas contribué à la solution du problème humanitaire au Kosovo, ce qui était pourtant l’un des principaux objectifs énoncés par les dirigeants alliés au début de la campagne. Il est même hautement probable que les expulsions massives et les violences dont les Kosovars ont été les victimes ont été exacerbées par la volonté de l’OTAN de recourir exclusivement à des frappes aériennes de longue durée. »

Un mois plus tôt, le chef d’état-major général, le Général H. Shelton, et le secrétaire à la Défense William Cohen déclaraient conjointement devant le Sénat américain : « … nous savions que l’utilisation de la force militaire ne pourrait stopper l’attaque de Milosevic contre les civils kosovars… » Décidément, la falsification, l’escroquerie, la mystification, la tromperie constituent le véritable fonds de commerce de tous ces politiciens, militaires et journalistes qui connaissaient les enjeux réels de ce conflit et ont tout fait pour nous le vendre comme une « guerre humanitaire ».

Une guerre « hi-tech »

Comme lors de la guerre du Golfe en 1991, le lobby militaro-industriel profita de ce conflit comme d’une foire commerciale grandeur nature pour mettre en vitrine ce que l’on faisait de mieux dans ses usines de la mort.

  • Mythe

Durant les 78 jours de bombardements, l’US Air Force a essayé de nous faire croire à l’existence d’une guerre « propre » et donc « hi-tech » qui ne s’en prenait – avec une précision « hautement technologique » – qu’à des objectifs purement militaires, épargnant ainsi les malheureux civils.

Au lendemain de la guerre, l’acteur William Cohen, secrétaire américain à la Défense, se transformait en représentant de commerce pour vanter l’efficacité de l’armement made in USA. De conférence de presse en interview, ce bonimenteur déclara que les frappes aériennes de l’OTAN avaient réussi à détruire plus de 50% de l’artillerie et un tiers des véhicules blindés de l’armée yougoslave. Le général Shelton essaya de lui ravir la vedette en affirmant que ce matraquage aérien avait réussi à atteindre des « résultats fabuleux », détruisant 120 tanks, 220 véhicules blindés de transport de troupes et plus de 450 pièces d’artilleries ennemies. Ce bilan représentait pour le secteur militaro-industriel et pour l’US Air Force, dont les appareils composaient 80% des avions ayant participé à ces opérations, une « incontestable victoire ». Devant le Congrès, le général Wesley Clark déclara même que l’armée yougoslave avait été quasiment anéantie et ne pouvait plus constituer une menace sérieuse dans la région puisque plus de « 75% de son armement lourd avait été pulvérisé ».

Le problème, c’est que tous ces blindés, véhicules et canons détruits avaient curieusement disparus du champ de bataille lorsque les Alliés occupèrent le Kosovo. Le 15 mai 2000, cette histoire à dormir debout explosait comme une baudruche dans laquelle on aurait trop soufflé. Contradictions et rivalités au sein de l’OTAN provoquèrent des fuites dont l’hebdomadaire américain Newsweek se fit l’écho : les chiffres étaient faux !

  • Réalité

D’après différentes sources (militaires, CIA, civiles), les armes lourdes réellement détruites atteindraient des proportions tout à fait ridicules : 14 chars, 18 véhicules blindés, 20 pièces d’artilleries, soit 52 engins, ce qui représente 6% des armes lourdes serbes. Nous sommes bien loin des chiffres triomphants du Pentagone. Comme le signale le rapport de la CIA : « … les bombardements de l’OTAN affectèrent fort peu le potentiel de l’armée yougoslave », ce qui constitue pour l’agence américaine d’espionnage « un véritable échec militaire » ! Le mythe de la guerre menée avec des moyens technologiques sophistiqués vole ainsi en éclat. Non seulement peu de cibles ont été atteintes mais un grand nombre de celles-ci ne furent rien d’autres que des leurres de cartons offerts par l’armée serbe en pâture aux avions aveugles de l’OTAN.

Cette guerre permet de confirmer une chose : même si elle utilise des armes sophistiquées et extrêmement coûteuses (tels les avions de reconnaissance sans pilote et les satellites capables de lire une plaque minéralogique), une armée bourgeoise ne peut sortir victorieuse d’un conflit si elle n’occupe pas le terrain. Une guerre menée à « 5.000 mètres » d’altitude ne parviendra jamais à écraser un adversaire qui se contentera de se mettre à l’abri en attendant que l’orage passe. Pour gagner cette guerre, il fallait impérativement déployer des hommes sur les routes, dans les forêts, sur les collines, dans les montagnes, dans les villes, sur un terrain terriblement accidenté propice à la guerre d’embuscade, de coup de main, à la guérilla… bref une guerre qu’évitent systématiquement les armées modernes parce que, en fin de compte, elles n’en sortent que très rarement victorieuses. Malgré la surpuissance des moyens mis en œuvre, le danger d’intervenir sur place comportait un facteur que redoutent toutes les armées bourgeoises : l’enlisement. Voilà pourquoi le Pentagone a voulu éviter à ses troupes toute intervention terrestre et promotionner la théorie d’une guerre victorieuse grâce à l’utilisation quasi exclusive de l’armée de l’air.

« 5.000 mètres » et « théorie du zéro mort »

Cette guerre devait impérativement se faire à « 5.000 mètres » d’altitude pour se mettre à l’abri des défenses anti-aériennes serbes et pouvoir opérer ensuite au sol en ayant pratiquement à ne déplorer aucune victime du côté des Alliés : la « théorie du zéro mort ». Mais cette démonstration technologique de la puissance de l’armée nord-américaine n’a fait qu’en révéler les limites.

La peur de l’enlisement, la crainte de devoir faire face à une guérilla, la hantise de voir des centaines de corps être quotidiennement rapatriés aux Etats-Unis, l’appréhension que cette guerre, qui devait être « courte, humanitaire, propre et hi-tech », devienne un véritable bourbier, comme ce fut le cas pour l’armée russe en Tchétchénie, détermine chaque décision stratégique, c’est pourquoi il n’y aura pas d’intervention terrestre. Le bourbier balkanique pourrait faire remonter à la surface le pire des cauchemars qui, aujourd’hui encore, hante la bourgeoisie américaine : sa guerre perdue au Vietnam. Voilà l’explication des circonstances et des limites dans lesquelles cette guerre fut menée par l’armée nord-américaine. Et il ne pouvait en être autrement, comme l’a prouvé l’enlisement de la Wehrmacht allemande durant la seconde guerre mondiale dans cette région montagneuse.

Malgré le déploiement de force et de technologie, sans même parler des tonnes de propagande déversée sur l’efficacité de la guerre aérienne, ce conflit a démontré une fois encore les limites de cette armée si puissante. Son incapacité à assumer ses propres morts en dit long sur la réelle cohésion sociale qui existe non seulement en son sein mais aussi à l’arrière, aux Etats-Unis. Régulièrement dans cette revue nous parlons de ce que la bourgeoisie tente systématiquement d’occulter dans le pays de « l’oncle Sam » : l’effroyable misère qui y règne. Accumulation de richesse rime avec dénuement extrême, bidonvilisation de villes entières, violence urbaine, drogue, prisons surpeuplées, travailleurs sous anxiolytiques permanents, etc. Tous ces facteurs ont certainement participé à la décision prise par la Maison Blanche de ne pas provoquer d’intervention terrestre des troupes américaines au Kosovo. Comme le confirmait le porte-parole de l’OTAN, Jamie Shea, lors d’une de ses conférences de presse quotidiennes :

« L’option aérienne vise à préserver autant que possible la vie des pilotes, car la perte ou la capture de quelques-uns d’entre eux pourrait avoir des effets néfastes sur le soutien de l’opinion publique à l’opération. »

Toute intervention terrestre comportait un risque d’enlisement pour les troupes américaines, un « nouveau Vietnam » comme le souligne le général anglais commandant les troupes des Nations-Unies en Bosnie : « Nous avons tous vu les Serbes quittant le Kosovo fièrement, leurs drapeaux flottant. Nous n’avions clairement pas fait les dommages prétendus. Si nous avions mené une campagne terrestre en croyant que nous avions fait les dommages que nous prétendions, je pense que nous aurions eu une très mauvaise surprise. »

Echec militaire, peur de l’enlisement, crainte d’une intervention terrestre, faiblesses réelles de l’armée nord-américaine malgré le battage médiatique sur la « technologie », contradictions d’intérêts entre puissances impérialistes au sein de l’OTAN… sont autant de facteurs qui expliquent pourquoi cette guerre devait être courte et se dérouler exclusivement dans les airs. Derrière le matraquage médiatique, derrière l’étalage de techniques guerrières, une chose essentielle a manqué pour transformer ce conflit en prémisse d’une destruction généralisée : la participation massive et active des prolétaires. Leur mobilisation dans la défense d’un camp sous le drapeau des « droits de l’homme et du citoyen » ou « au nom de l’ingérence humanitaire » n’a pas fait véritablement recette. C’est la passivité la plus complète qui a prévalu. Nulle part, une véritable mobilisation « pour aller casser du serbe génocidaire » ou pour « défendre les frères slaves » ne vit véritablement le jour. La bourgeoisie ne parvint pas à mobiliser les prolétaires dans un camp ou dans un autre, or c’était là la condition indispensable à la transformation de ce conflit en boucherie généralisée. En conséquence, la bourgeoisie se vit dans l’obligation de mettre un terme à la guerre et, par son intervention au Kosovo, étouffa toute velléité de lutte dans les Balkans pour occulter les réactions de notre classe contre cette guerre.

3. Réactions prolétariennes à la guerre : mutineries dans l’armée serbe

Le 16 mai 1999, sous les violents bombardements de l’OTAN, débute parmi les troupes et les civils serbes un mouvement de contestation de la guerre à Kruševac. En quelques jours, il s’étend à plusieurs grandes villes du sud-est de la Serbie dont sont originaires la plupart des appelés qui se battent au Kosovo. Il ne faut certainement pas prendre l’état-major et le gouvernement de Belgrade pour des imbéciles. Ils savaient très bien ce qu’ils faisaient en envoyant la IIIème armée yougoslave faire leur sale guerre au Kosovo. Les troupes originaires de Vojvodine comme du Monténégro ainsi que d’autres régions du pays n’étaient plus sûres depuis bien longtemps. Leur moral était très bas. Après une bonne décennie de guerre et d’insubordination, la désertion régnait dans toutes les unités. A Belgrade même, l’armée avouait qu’elle n’arrivait pas à mobiliser les hommes nécessaires pour garder le Kosovo dans le giron de la Fédération yougoslave.

L’insoumission et la désertion dans la capitale sont monnaie courante depuis le milieu des années ‘90. Dès lors, ce n’est pas un hasard si la politique guerrière que mène le gouvernement Milosevic depuis une décade consiste à faire appel à un grand nombre de mercenaires étrangers, de milices nationalistes enragées voire d’anciens gangsters devenus des « seigneurs de guerre » comme le défunt Arkan et sa milice, « les Tigres ». Ne trouvant plus de soldats pour le Kosovo, c’est au sein de cette IIIème armée que les gestionnaires locaux du capital seront obligés de puiser pour faire leur guerre. Mais cette politique n’était pas sans risque. Lors des précédents conflits, des mutineries avaient déjà touché les troupes originaires de cette région. L’état-major, coincé par ce fâcheux précédent, ne pouvait pourtant pas faire autrement tellement les autres unités étaient gangrenées par le défaitisme.

Le rapatriement de corps de soldats tués au combat est souvent le signal du déclenchement de la contestation. Ainsi à Kruševac le 14 mai, arrivent en provenance du front 7 cadavres dont les autorités militaires refusent de divulguer les noms. Rapidement, les parents des conscrits manifestent devant la mairie exigeant de savoir de qui il s’agit. A Prokuplje, le même scénario se reproduit le 19 mai, où l’arrivée de 11 soldats tués au Kosovo provoque directement une émeute. Dans d’autres villes, comme à Čačak, les manifestations contre la guerre sont quotidiennes. La réponse des autorités est rapide et violente parce que le rapport de force le permet encore. On arrête les meneurs et d’imposantes forces de l’ordre quadrillent la ville pour empêcher tout rassemblement. A Raška et à Prokuplje une répression préventive est déclenchée en vue d’éviter toute poursuite de la contestation.

Le 17 mai, deux mille manifestants dont un grand nombre de soldats, exigent des autorités municipales et militaires de Kruševac la publication du nombre exact d’hommes tués au combat, ainsi que leurs noms. Le maire, Miloje Mihajlovic, membre du parti socialiste serbe (celui de Milosevic) est violemment bousculé lorsqu’il annonce qu’il ne peut pas satisfaire leur demande. La protestation s’en prend dès lors aux mass médias, et les locaux de la télévision locale sont systématiquement cassés malgré la présence d’un important dispositif policier. Le même jour, un millier de personnes se réunissent à Aleksandrovac pour s’opposer au départ de réservistes vers le Kosovo. Le maire de la ville, entouré de ses gardes du corps, tente vainement de calmer la situation mais n’y arrive pas. Les manifestants ivres de colère le jettent par terre et le rouent de coups. Il est sauvé du lynchage par une unité de police militaire qui le cache dans les toilettes d’un magasin avant de le conduire à l’hôpital de Nis dans un état grave.

Le lendemain de ces incidents, le 18 mai, 5.000 manifestants, pour la majorité des femmes, envahissent à nouveau la ville de Kruševac. Les fenêtres des bâtiments militaires et de la municipalité sont prises pour cible : des pierres, des œufs, des boulons les font voler en éclats. Les prolétaires envahissent et saccagent les locaux de la télévision locale. Durant la nuit, les premiers signes de réaction de notre classe contre la guerre apparaissent parmi les troupes du front. Plus de mille réservistes d’Aleksandrovac et de Kruševac désertent le front du Kosovo, généralisant ainsi le mouvement qui se développe dans les villes.

« Nous nous sommes arrangés pour rentrer à la maison. Il y a eu pas mal de problèmes sur la route. Ils ont même utilisé des autopompes pour nous empêcher de rentrer chez nous. Ils ont exigé que nous déposions nos armes. Nous avons refusé d’obéir. Ça ne suffisait pas d’être tués par les bombes, maintenant ils frappent nos familles. Je ne retournerai pas là-bas. C’est pas une guerre c’est du délire, c’est aussi difficile de survivre que de ne pas devenir fou. Je veux garder l’esprit sain. Je ne veux tuer personne et je ne veux pas être tué… » Un déserteur à Alternative Information Network.

Les déserteurs font route durant la nuit vers ces deux villes. Au petit matin, la plupart des réservistes campent dans des villages environnants, à deux pas de chez eux, les forces de répression les ayant empêchés d’aller plus loin. Pourtant à l’aube, 400 d’entre eux arrivent à se faufiler à travers les mailles du filet et pénètrent à Aleksandrovac où, avec d’autres, ils défilent « les armes en bandoulière ». Le commandement militaire de la région intervient à la télévision et les accusent de « saper le moral des troupes » et de « collaborer avec l’ennemi ». Les prolétaires se foutent de ce que racontent ces vieilles badernes qui, au même titre que ces satanés avions qui depuis des jours et des jours bombardent leurs femmes, leurs enfants, leurs parents…, constituent leurs véritables ennemis.

Le prolétariat ne reconnaît qu’une seule guerre, la sienne ! Celle qui oppose les prolétaires du monde entier aux bourgeois quels que soient leurs uniformes ; yougoslave, croate, américain ou français. Qu’il est admirable ce manque de patriotisme dont font preuve ces mutins qui, les armes à la main, affirment que leurs intérêts sont tout à fait opposés à ceux de l’Etat ! L’intérêt du prolétariat n’est pas d’aller tuer d’autres prolétaires au Kosovo ou de se faire descendre pour que la bourgeoisie serbe continue à en tirer des bénéfices. Notre intérêt est de mettre fin à toutes les guerres fratricides, à toutes les guerres qui opposent des prolétaires à d’autres prolétaires, notre intérêt est de retourner nos armes contre « notre propre » bourgeoisie, en vue de transformer ce carnage en guerre sociale contre la dictature du capital. Quand ces assassins étoilés affirment que ces actions de rébellion « sapent le moral des troupes », ils donnent en fait la véritable direction à suivre pour arrêter ce carnage : généraliser les mutineries à d’autres unités et empêcher du même coup la possibilité d’une répression ouverte contre les soulèvements.

Mercredi 19 mai, le général en chef de la IIIème armée yougoslave vient parlementer avec les mutins qui campent aux abords de Kruševac. Nebojsa Pavkovic leur offre un compromis : leur absence du front sera considérée comme une simple permission de quelques jours s’ils daignent rejoindre le front. Les déserteurs refusent aussi sec et demandent la fin de la guerre. Le jour même, la population de Kruševac empêche le départ des bus qui emmènent les réservistes vers le front. Un seul bus parvient à sortir de la ville sous bonne escorte et rejoint le Kosovo. Mais des fissures apparaissent parmi les mutins établis dans les environs de la ville. Le lendemain quelques centaines d’entre-eux acceptent l’offre du général et remettent leurs armes aux autorités militaires. La réaction à l’affaiblissement du mouvement proviendra d’un autre groupe de réservistes établi lui aussi depuis plus de 2 mois dans les environs de Kruševac. Un noyau décidé de plus de 300 hommes en armes s’infiltre en ville et manifeste son refus d’être envoyé se faire tuer au Kosovo.

Le samedi 22 mai, les 300 réservistes qui occupent maintenant Kruševac sont rejoints par le reste des déserteurs qui avaient fui le front le 18 mai. Ils refusent non seulement la proposition du général Pavkovic, mais aussi d’être envoyés au front. C’est encore à Kruševac que l’opposition à la guerre connaît un nouveau rebondissement : le dimanche 23 mai 1999, plusieurs milliers d’habitants exigent le retour de tous les soldats du Kosovo. Dès 7 heures du matin, les déserteurs occupent la ville. Plus de 2.000 manifestants se réunissent dont beaucoup portent l’uniforme de l’armée yougoslave. Pêle-mêle se trouvent là des réservistes qui refusent de partir au Kosovo, des déserteurs et des parents de soldats, ainsi que d’autres prolétaires. Tous manifestent ensemble contre la poursuite de la boucherie. Les autorités locales tentent de faire face à ce nouveau mécontentement qui fissure un peu plus l’union sacrée et décident d’interdire dorénavant tout rassemblement.

Lorsque la manifestation rejoint les déserteurs qui contrôlent certains points de la ville, serment est fait par les hommes en âge d’être (r)appelés sous les drapeaux de ne répondre à aucune convocation. Pendant la manifestation, des slogans sont scandés avec détermination : « Nous voulons le retour de nos fils », « Nous ne voulons plus retourner au Kosovo », « Nous voulons la paix », « Vous ne nous aurez plus jamais ». Un certain nombre d’officiers présents en ville tentent d’intervenir pour calmer la situation. Un général essaye de haranguer les manifestants en leur rappelant que « la patrie est en danger » et que « tous doivent accepter leur devoir », tous doivent accepter « l’envoi de leurs fils au front ». Il se fait rouer de coups, lui et ses gardes du corps. Ensanglanté, il reprend la parole et accepte la revendication des mutins pour sauver sa peau tout en leur conseillant maintenant de se disperser et de rentrer chez eux. Les manifestants s’y refusent et certains d’entre eux appellent à des rassemblements quotidiens tant que la guerre durera. D’autres manifestants se rendent au quartier général « pour avoir une explication » avec les officiers qui s’y cachent. Ces derniers, terrorisés par les incidents du matin, tentent de les recevoir le plus cordialement possible et leur expliquent qu’il n’a jamais été question de les renvoyer au Kosovo. Seuls « les volontaires » y seront envoyés. Quelques coups fusent et les officiers se font traiter de « menteurs » et de « bandits ».

Malgré la détermination des déserteurs, les troupes toujours plus nombreuses qui quadrillent la ville restent fidèles au gouvernement. Les déserteurs, tout comme les autres prolétaires qui manifestent, ne tentent pas sérieusement de les gagner à leur cause. La situation semble bloquée. Le rapport de force ne parvient toujours pas à changer de camp et ce malgré l’arrivée de deux bonnes nouvelles : des déserteurs annoncent que des « unités spéciales » sont bloquées dans les montagnes de Kopaonik et qu’un autre millier de déserteurs arrive directement du Kosovo. Kruševac devient le centre de la contestation. Instinctivement, déserteurs, mutins, prolétaires en armes sentent que le changement du rapport de force à cet endroit-là est la clé pour l’extension du mouvement. D’autres déserteurs venant d’Aleksandrovac tentent de faire la jonction avec ceux de Kruševac, poussés par le besoin de s’unir pour être plus forts. Mais ils sont freinés par des troupes restées fidèles au gouvernement. Ici non plus, nous n’avons aucune information permettant d’affirmer que de sérieuses tentatives de défaitisme aient été faites à leur endroit pour miner leur capacité de répression et faire basculer le rapport de force en faveur de la lutte prolétarienne. Isolés, les mutins décident alors de rebrousser chemin et organisent avec d’autres prolétaires (plus d’un millier) une manifestation contre la guerre à Aleksandrovac. D’autres manifestations éclatent au même moment à Raška, Prokuplje et Čačak où la police réagit très brutalement et tabasse un grand nombre de participants.

Parallèlement, le commandement militaire met la pression et ordonne le rappel général de tous les réservistes de la région, interdisant en même temps à leurs parents de les accompagner vers les casernes qui doivent servir de point de regroupement. Ce que craint particulièrement l’armée, c’est la répétition des actes d’insubordination qui commencent à se multiplier devant toutes les casernes du pays : des parents, des amis accompagnent systématiquement les réservistes et, là tout explose. Les mères s’enchaînent à leur enfant ne voulant pas « qu’il meure pour rien », des hommes s’en prennent aux officiers et, de cris en insultes, l’enrôlement des réservistes se transforme systématiquement en manifestation d’opposition à leur départ. Ces manifestations secouent maintenant toutes les villes de la région. Certains réservistes y participent avec leurs armes et l’état-major craint par-dessus tout que les manifestations, pour l’instant pacifiques, ne se transforment en affrontements violents avec les forces de répression.

Pressé par une situation périlleuse pour lui, le gouvernement de Belgrade propose un arrangement : les déserteurs ont jusqu’au 25 mai pour remettre leurs armes aux autorités militaires et rejoindre leurs unités. A ces conditions, le gouvernement annonce qu’il « oubliera » leur désertion, sinon, ce sera la cour martiale et le poteau d’exécution. Au même moment, d’importantes forces de l’ordre sont massées à Kruševac. La répression commence à sévir et 6 personnes sont condamnées à verser entre 250 et 750 dollars pour avoir participé à une réunion illégale contre la guerre. La police empêche dorénavant toute manifestation dans le sud industriel de la Serbie : Kruševac, Aleksandrovac, Prokuplje et Raška sont quadrillées. Malgré ce déploiement impressionnant de force policière, aucun réserviste ne part pour le front et les armes ne sont toujours pas restituées. Les prolétaires non seulement cachent les réfractaires mais continuent à empêcher tout départ de réservistes au Kosovo.

Alors que les bombes de l’OTAN pleuvent sur la majorité des villes yougoslaves, la contestation fait tache d’huile et gagne d’autres régions. A Podgorica (capitale du Monténégro) comme à Kruševac, des réservistes ayant quitté le front arrivent en ville et, avec des parents de soldats, manifestent pour exiger « le retour de leurs enfants ». L’armée, le gouvernement, comme les autorités locales sont dans l’incapacité réelle de faire barrage à l’extension du refus de la guerre. La bourgeoisie hésite à réprimer parce qu’elle ne sait pas très bien ce qui sortira de l’affrontement. Cela fait maintenant plus de 10 ans que le pays est en guerre, que les sacrifices imposés se suivent et se ressemblent. Cela fait maintenant plus d’une décennie qu’on annonce régulièrement aux familles la mort de leur fils, de leur mari ou de leur père, « tombés héroïquement au champ d’honneur ». Même pour ceux qui ont cru au mirage nationaliste, la situation est devenue insupportable. L’opposition gouvernementale se sent elle aussi complètement dépassée par ce mouvement qui commence à s’étendre. Ainsi, Zoran Djindjic, le chef de l’Alliance Démocratique qui regroupe une grande partie de l’opposition gouvernementale, déclare : « Ce n’est pas l’opposition qui a organisé ces manifestations qui, d’ailleurs n’ont pas d’objectifs politiques… Aujourd’hui, Milosevic ne peut calmer ces gens que s’il les satisfait. Et il ne peut les satisfaire que s’il arrête la guerre, leur rend leurs enfants ou leur trouve du travail. (…) En fait, ce sont les victimes de sa politique qui sont descendues dans les rues. Ce que nous attendions depuis dix ans. »

Même si pour l’instant cette opposition gouvernementale affirme un antagonisme évident avec le mouvement de refus à la poursuite de la guerre, elle compte bien sur le ras-le-bol des prolétaires pour se remettre en selle et se présenter à eux comme alternative au gouvernement actuel. Et Djindjic d’ajouter qu’il a très bien compris ce qui est en jeu : « … l’opposition n’a pas non plus gagné en popularité pour l’instant, mais nous avons plus de chance pour l’avenir car nous n’avons pas participé à la guerre. »

La relève se met en place. C’est avec la carte de l’opposition que la bourgeoisie espère écraser le mouvement de révolte prolétarienne.

Malgré l’important dispositif policier qui quadrille désormais la région, les prolétaires continuent de refuser de partir au front et de remettre leurs armes. Le général commandant les troupes serbes au Kosovo s’est lui-même déplacé pour tenter d’endiguer le mécontentement des réservistes. Des promesses sont faites pour qu’ils rendent les armes en leur possession. L’Etat ne peut tolérer de se voir dépossédé du monopole de la violence. L’armée exige que tous les mobilisés soient immédiatement envoyés au front, ce à quoi de jeunes conscrits répondent : pourquoi cette mobilisation épargne-t-elle « les riches ou certains privilégiés » ? En Vojvodine, plusieurs condamnations sont prononcées par les tribunaux contre ceux qui s’opposent à la guerre.

La situation reste périlleuse pour le gouvernement Milosevic. Une issue doit être rapidement trouvée pour sortir de cette impasse. D’un côté, les bombardements aériens n’ont réussi ni à détruire l’armée serbe ni à la forcer à quitter le Kosovo, par contre les mutineries risquent de la disloquer en faisant surgir le spectre du communisme dans cette région. Un scénario du type « Guerre du Golfe » est en train de prendre corps. Cette situation (la menace explicite de troubles sociaux graves) détermine la bourgeoisie à mettre fin à cette guerre.

Le 7 juin, les généraux yougoslaves Marjanovic et Stefanovic rencontrent secrètement à Kumanovo, en Macédoine, le général britannique Michaël Jackson. Depuis des semaines, au travers de son allié russe, le gouvernement yougoslave tente de prendre contact avec les Alliés pour sortir de la crise qui menace de le balayer. En deux jours de négociations, un accord « militaro-technique » est signé alors que les mutineries dans l’armée serbe ne sont toujours pas éteintes et que des manifestations se déroulent dans un grand nombre de villes du pays. Cet accord prévoit le retrait immédiat des troupes serbes du Kosovo et l’occupation de cette province par un contingent de la KFOR. Alors que trois jours sont prévus pour évacuer, l’armée serbe abandonne le terrain en une seule journée. Le 10 juin 1999, l’OTAN arrête les bombardements sur la République Fédérale Yougoslave. La tension redescend d’un cran. Les troupes yougoslaves sont plus ou moins démobilisées, ce qui disloque toute perspective de poursuite et/ou d’extension des mutineries du mois de mai.

Alors qu’un autre objectif déclaré des frappes aériennes de l’OTAN était de se débarrasser de Slobodan Milosevic, celui-ci tout comme Saddam Hussein en 1991, une fois la guerre terminée, reste solidement accroché au pouvoir avec le consentement plus ou moins tacite de ses ennemis d’hier pour réprimer toute tentative du prolétariat de remettre en cause l’ordre social existant. Aux yeux de l’OTAN, il est préférable d’avoir à Belgrade un Slobodan et à Bagdad un Saddam plutôt qu’une révolution sociale. Malgré les disputes, la famille capitaliste reste unie contre toute menace qui tenterait de remettre son règne en cause.2

4. Conclusions

Le conflit qui s’est déroulé dans les Balkans autour du Kosovo a révélé les problèmes dans lesquels se débat actuellement la bourgeoisie pour imposer sa solution à la contradiction valorisation/dévalorisation.

La guerre généralisée ne parvient toujours pas à être imposée socialement. C’est une énorme limite à la réalité capitaliste aujourd’hui. Une telle guerre est en effet indispensable à la survie du capital qui, sans cette dévalorisation massive des moyens de production surabondants (surabondants relativement aux possibilités actuelles de valorisation du capital), est absolument incapable de relancer un nouveau cycle d’accumulation. La bourgeoisie a sans doute la force aujourd’hui de lancer des guerres locales sans que, c’est vrai, le prolétariat ne puisse réagir et les stopper, mais ces guerres locales ne suffisent plus.

La défense des « droits de l’homme », le droit d’« ingérence humanitaire », la diabolisation de l’ennemi… sont des réalités idéologiques totalement insuffisantes pour mobiliser massivement les prolétaires dans la guerre. L’apathie avec laquelle le prolétariat répond à ces appels à la mobilisation impérialiste n’est certes pas un gage révolutionnaire, mais cette attitude constitue néanmoins un frein important dans la mesure où les fractions les plus conscientes de la bourgeoisie craignent les conséquences que pourraient avoir cette guerre généralisée dont le système social a pourtant tellement besoin.

L’obstination avec laquelle la bourgeoisie cherche à prolonger internationalement un conflit local, et l’enlisement qui s’ensuit, provoquent immédiatement des réactions au sein de notre classe. Que ce soit au Soudan, en Irak ou récemment en Yougoslavie, la prolongation des guerres locales entreprises ces dernières années sous le pavillon de l’ONU a entraîné presque systématiquement le prolétariat à sortir de son apathie et à reprendre son chemin de classe. L’insurrection prolétarienne en Irak en constitua assurément l’exemple le plus frappant.

Le spectre d’une situation révolutionnaire consécutive au déclenchement d’une guerre généralisée continue à gêner les plans guerriers de la bourgeoisie. La guerre technologique que cherchent à nous vendre les moyens de désinformation publique n’atteint pas ses objectifs et, bien que l’option d’une guerre traditionnelle présente les risques évoqués plus haut, il est fort probable qu’on retourne aux formes traditionnelles de la guerre, comme cela s’est passé en Iran/Irak ou plus récemment au Cachemire entre l’Inde et le Pakistan. Mais comme on l’a vu, la grande terreur de la bourgeoisie internationale est de s’enferrer dans une guerre massive qui ferait ressurgir le fantôme du prolétariat révolutionnaire et qui verrait se transformer l’imbécile mansuétude actuelle de ses esclaves salariés en un nouvel octobre 1917, en dehors et contre toute alternative pacifiste et social-démocrate.

Sans préjuger du poids des déterminations plus immédiates qui peuvent mener telle ou telle association de requins impérialistes à se lancer tête baissée dans une guerre de conquête pouvant conduire à une généralisation plus ou moins importante, nous pensons néanmoins que la peur de tout perdre face au resurgissement de la révolution influence plus qu’on ne le croit les actuelles et provisoires hésitations bourgeoises à s’engager dans une guerre de plus grande envergure et surtout plus impliquante socialement.

Ceci étant dit, et malgré toutes les limites que nous voyons aujourd’hui dans l’action que mène la bourgeoisie en direction de la guerre généralisée, il faut bien reconnaître que le prolétariat pour sa part, est encore incapable d’affirmer ses objectifs propres. Ce serait faire preuve d’un triomphalisme déplacé que de prétendre le contraire. Malgré les résistances qu’il oppose à la guerre et que nous avons décrites dans ce texte à propos de la guerre en Yougoslavie, il faut bien admettre qu’il se trouve lui aussi dans une situation difficile, où l’absence de structures et d’associations prolétariennes, l’absence d’une presse de classe massive, le manque d’internationalisme, l’isolement des noyaux communistes, pèsent de tout leur poids sur les mouvements de lutte qui se déclenchent épisodiquement.

Une conséquence dramatique de cette réalité est que, lorsqu’il s’insurge contre la guerre comme en Irak, ou lorsqu’il affronte les armes à la main une situation de survie catastrophique comme en Albanie, le prolétariat demeure encore et toujours terriblement isolé. Face à cette situation d’isolement, la bourgeoisie n’éprouve aucune difficulté à circonscrire l’incendie social et à offrir l’une ou l’autre alternative aux prolétaires insurgés, dans le but de leur faire quitter leur terrain de classe.

Plus que jamais, l’organisation en force des exploités, l’organisation du prolétariat en un parti international, est indispensable au développement d’une réponse classiste à la guerre. Le seul moyen d’empêcher la spirale militariste qu’impose le capital, la seule façon de s’opposer aux guerres que la bourgeoisie développe un peu partout dans le monde, est de lutter et de s’organiser collectivement pour la destruction définitive de cette immonde société.

1 Nombreuses sont les fractions bourgeoises qui ont une claire conscience de ce fait et il ne manque pas d’exemples dans l’histoire où deux camps bourgeois en guerre se mettent d’accord sur la façon d’écraser le prolétariat. Il ne faut pas oublier que la transformation de la guerre civile en guerre impérialiste est un des principaux objectifs des capitalistes. Cependant, vu que la guerre aggrave les conditions de vie des prolétaires, ses résultats ne sont pas toujours ceux escomptés. Il arrive que la bourgeoisie obtienne exactement le contraire de ce qu’elle attendait : défaitisme révolutionnaire, fraternisation, rupture des fronts. C’est-à-dire que la guerre peut aussi se transformer en révolution sociale. Depuis longtemps déjà gouvernements et états-majors connaissent ce danger et tentent, avant chaque entreprise belliqueuse, d’évaluer les avantages et les risques encourus.

2 Milosevic abandonnera le gouvernement en octobre 2000 après un processus électoral tortueux et d’importantes mobilisations.

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