[Barbaria] Ukraine, Russie et l’importance des questions

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  • Ukraine, Russie et l’importance des questions
  • Guerre en Ukraine : le chat et la souris
  • Quelques positions fondamentales de l’internationalisme prolétarien

Ukraine, Russie et l’importance des questions

Source : https://barbaria.net/2022/02/26/ukraine-russie-et-limportance-des-questions/

Comme dans tous les conflits entre États capitalistes, le débat idéologique et la propagande tournent autour du droit et de la souveraineté nationale : à savoir si la Russie a le droit de réclamer son espace de sécurité, si l’Ukraine est un pays souverain pouvant choisir ses alliances, s’il est juste et légitime que les États-Unis élargissent les frontières de l’OTAN, si l’Union Européenne doit maintenir son autonomie stratégique, et si la bourgeoisie européenne elle-même sait vraiment ce que cela signifie.

Mais le terrain sur lequel se situe la question est aussi important que la réponse. Or, toutes les questions précédentes se situent sur un terrain bourgeois, celui qui nous pousse en fin de compte à appuyer un État capitaliste contre un autre, à l’encontre des principes fondamentaux de l’internationalisme et de l’autonomie de classe qui ont historiquement défini le mouvement prolétarien.

Car ce qui se joue actuellement dans le conflit entre la Russie et l’OTAN c’est le partage de notre exploitation et la domination du territoire. D’une part, le développement du capitalisme implique la contradiction entre la nécessité d’exploiter le travail et le besoin de s’en défaire avec les nouvelles technologies. Cela le conduit à une crise économique constante, à l’épuisement de son propre mécanisme pour produire la richesse en termes de marchandises. D’autre part, ce même développement fait qu’il est de plus en plus difficile pour les puissances capitalistes de maintenir leur hégémonie sur le reste ou même sur un bloc stable et fort alors qu’en même temps il pousse les différents pays à se battre entre eux pour devenir des puissances dans telle ou telle région du monde. Il en résulte une fragmentation géopolitique des différentes puissances pour garantir leur contrôle sur telle ou telle région du monde et non, comme certains le disent parfois, une tendance à ce que la Chine remplace les États-Unis en tant que grand gendarme du monde.

C’est précisément ce que s’efforce de faire la Russie en s’opposant aux États-Unis et à l’OTAN dans le conflit ukrainien actuel. Les États-Unis éprouvent de plus en plus de difficultés à maintenir leur hégémonie mondiale, comme le prouve leur retrait d’Afghanistan. Ils ont d’ailleurs de plus en plus de mal à contrôler leur propre territoire, touché par une polarisation sociale que même les tambours de la guerre n’arrivent pas à enrayer. Quant à la Russie, elle exerce son contrôle impérialiste sur les États qui l’entourent pour s’assurer « une profondeur stratégique » une véritable ceinture d’États-coussin pour amortir militairement ses propres prétentions en tant que puissance hégémonique –, même au prix de la répression sanglante du prolétariat, comme dans le cas de son intervention militaire pour écraser les révoltes au Kazakhstan. L’Union Européenne, ce conglomérat de veilles puissances à la recherche d’une gloire perdue, incapable d’avoir sa propre politique économique et militaire, s’est vue coincée dans ce désastre : l’Allemagne étant prise entre sa dépendance énergétique du gazoduc russe et son Alliance avec les États-Unis, la France étant frustrée par ses tentatives de camoufler sa défaite au Mali en dirigeant la diplomatie européenne de façon autonome par rapport aux Etats-Unis, ce qui s’est conclu de façon tragicomique par l’échec des négociations entre Poutine et Biden et l’arrivée des tanks russes au Donbass.

La guerre est dans la nature du capitalisme et celle de tous les États nationaux. En ce sens, tous les États sont impérialistes, les États-Unis comme la Russie ou l’Ukraine. Tous les États font en sorte que le prolétariat s’aligne derrière sa propre bourgeoisie pour servir de chair à canon dans la guerre impérialiste. L’aboutissement de l’escalade de la tension actuelle et de l’entrée des troupes russes en Ukraine a été, une fois de plus, l’exacerbation du nationalisme ukrainien et pro-occidental d’une part et pro-russe de l’autre, ce qui ne sert qu’à dissimuler la nature de classe de ce conflit sous les consignes de démocratie, de souveraineté et de droit international.

Ce terrain n’est pas le nôtre. Notre terrain n’est autre que la défense de nos intérêts de classe en dehors et contre tout intérêt national et impérialiste. Ce n’est qu’en appliquant les principes fondamentaux du défaitisme révolutionnaire que l’on peut répondre au conflit actuel en Ukraine : unité de classe par-delà les frontières, guerre de classe contre notre propre bourgeoisie, révolution prolétarienne mondiale.

22 février 2022

Guerre en Ukraine : le chat et la souris

Source : https://barbaria.net/2022/02/26/guerre-en-ukraine-le-chat-et-la-sourie/

Le jeu du chat et de la souris est terminé. La souris a mangé le chat. Le jour n’était pas encore levé quand les blindés et les troupes russes sont entrés en territoire ukrainien. Cette fois-ci à visage découvert, avec les insignes distinctifs de leurs bataillons et le drapeau tricolore russe bien en vue. À cette occasion, la farce de 2014 n’avait plus raison d’être. Le capitalisme russe a lancé toute son armée, toute sa capacité de feu et de destruction pour rappeler au monde entier qu’il est prêt à concurrencer tous les autres capitalistes pour obtenir la plus grande part possible du butin, dans une période historique de partage et de reconfiguration des leaderships du capitalisme mondial.

Bien entendu, le butin en jeu n’est autre que la plus-value mondialement comprise, la somme totale que le vampire capitaliste, plongé dans une crise mortelle, suce à chaque travailleur dans le monde entier. De Kiev à Moscou, en passant par Madrid, Dakar, Bombay, Chicago, Lima, Séoul, sous toutes les latitudes du globe, le programme du capitalisme en crise (et quelle crise : économique, écologique, sociale, énergétique, s’aggravant sans cesse) est le même : guerre impérialiste entre nations et accentuation sans limites de l’exploitation de la classe ouvrière.

La bourgeoisie russe est apparue enveloppée dans la cellophane de la Patrie et du Drapeau, veille ruse des classes décadentes. Mais en fait, la seule chose que défend la bourgeoisie, qu’elle soit russe ou non, ce sont ses marchés. C’est pourquoi l’intervention militaire s’abat indistinctement contre la classe ouvrière ukrainienne et russe. Toutes deux ne peuvent s’attendre qu’à l’horreur de la guerre et à la terreur policière qui existe déjà en Russie. Les jours passant et la fumée de la bataille se dissipant, les travailleurs ukrainiens et russes n’auront plus aucun doute, indépendamment de la couleur de « leur drapeau », sur le fait qu’ils subissent la même exploitation, qu’ils sont la chair à canon de leur bourgeoisie respective. Et que lorsque les combats auront pris fin et que toutes deux seront arrivées à des accords, la bourgeoisie victorieuse représentera la totalité des exploiteurs.

Dans la bataille idéologique, les crapules « occidentales » (avec leur cortège de professeurs, d’experts, de journalistes, sans oublier leurs organisations non gouvernementales) veulent nous faire croire que Poutine est un cinglé se prenant pour un tsar, qu’en Russie en guise de bourgeoisie ce sont en fait des « oligarques » (comme qui dirait des bourgeois bas de gamme) et que la Russie n’est qu’un atavisme des temps anciens, avec ses coupoles dorées, ses drapeaux arborant un aigle et ses portes gigantesques à l’entrée des palais. Rien n’est plus loin de la réalité. Poutine est un fidèle et très conscient héritier de Staline et de son régime capitaliste. Tous ses faits et gestes ne visent qu’à rendre le capitalisme russe plus compétitif, moyennant une surexploitation de la classe ouvrière sur le sol de la patrie, et le pillage impérialiste là où il est susceptible de s’imposer. Après l’effondrement de 1989, il s’est recomposé autant qu’il a pu, en consonance avec le capitalisme mondial. Il a compté pour cela sur les élites de la bourgeoisie européenne, pour preuve les Schröder, Berlusconi, Fillon et tant d’autres.

L’attaque russe en Ukraine se situe sur le même plan de domination impérialiste du capitalisme russe, que lorsque ce dernier a écrasé avec ses tanks la révolte à Berlin en 1953, en Hongrie en 1956, en Tchécoslovaquie en 1968 ou en Afghanistan en 1979. Sa capacité opérationnelle retrouvée, il est intervenu en Géorgie, en Ossétie, en Syrie, au Kazakhstan et dans divers endroits du monde avec des forces mercenaires. C’est par cette capacité renouvelée d’intervenir et de les concurrencer que les bourgeoisies occidentales sont horrifiées, d’autant que les armes sont les mêmes que les leurs : guerre impérialiste pour s’assurer les approvisionnements en matières premières et minérales nécessaires et une volonté accrue d’extraire le maximum de plus-value des pauvres malheureux qui tomberont dans son giron, dans quelque pays que ce soit. Et bien sûr, si besoin est, il veut jouer dans la même cour que les bourgeoisies européennes. Lorsque les avions de chasse russes bombardaient les positions des alliés occidentaux en Syrie, c’est comme si de rien n’était. Maintenant, le rugissement de ses moteurs leur rappelle que leur butin n’est pas en lieu sûr, et que dans la nouvelle situation mondiale différents pays capitalistes en sont friands.

L’ironie de l’histoire, qui comme on sait, est avide de ces petits jeux depuis Hegel, fait que l’ancien chef de file devienne valet, et le laquais d’antan chef de file. Les nouvelles façons impérialistes russes seraient difficiles à maintenir sans tout l’appui apporté par la Chine. Ceux qui en restent à la surface des phénomènes politiques ne sont pas en condition de comprendre la nature du capitalisme comme rapport social abstrait : le capitalisme chinois a eu besoin de l’appui américain dans les années 70 et 80 du XXe siècle pour se libérer de l’oppression du capitalisme russe, sans que ne lui importe les « différences politiques ». Aujourd’hui, le capitalisme chinois aide son ancien oppresseur russe à s’émanciper des capitaux occidentaux. Ce qui est essentiel dans tout ça, ce qui est vraiment en jeu, c’est que le capitalisme va continuer à se perpétuer en se foutant des formes politiques, cette coquille de noix qui n’alimente que le jeu idéologique.

Dans notre texte précédent nous disions :

D’une part, le développement du capitalisme implique la contradiction entre la nécessité d’exploiter le travail et le besoin de s’en défaire avec les nouvelles technologies. Cela le conduit à une crise économique constante, à l’épuisement de son propre mécanisme pour produire la richesse en termes de marchandises. D’autre part, ce même développement fait qu’il est de plus en plus difficile pour les puissances capitalistes de maintenir leur hégémonie sur le reste ou même sur un bloc stable et fort alors qu’en même temps il pousse les différents pays à se battre entre eux pour devenir des puissances dans telle ou telle région du monde.

Dans la période historique qui est la nôtre, et qui, d’après nous est une période charnière, nous sommes conduits à subir l’affrontement impérialiste croissant partout dans le monde et la détérioration, si tant est qu’elles puissent être pires, des conditions de vie de la classe ouvrière mondiale. Voilà tout ce qu’est capable d’offrir le capitalisme à l’humanité.

Dans l’immédiat, le conflit se résoudra par des négociations, toujours sous la menace de la reprise des opérations guerrières. Vu la complexité même et l’entrecroisement de l’économie capitaliste mondiale, les sanctions imposées par l’Union européenne et les États-Unis, sembleront une farce. Ils ne peuvent châtier la Russie sans, en passant, se punir eux-mêmes. C’est cette sensation d’impuissance qui coule dans les veines de toute la classe politique européenne.

Mais nous n’oublions pas. La canaille en uniforme russe bombarde des villes et des rues. Des milliers de personnes fuient de leurs maisons pour sauver leur peau. À l’horizon, il y a les négociations entre les deux gouvernements. Dans tout cela, les travailleurs ukrainiens et russes n’ont rien à gagner, et même si nous sommes loin d’une situation où la classe exploitée a les idées claires par rapport à ses intérêts, il est important de mentionner qu’il y a eu des manifestations partout en Russie contre la guerre, et 1 800 détenus. Que la classe ouvrière russe empêche que ses soldats sortent de Russie, que les travailleurs ukrainiens s’emparent des rênes du pays. Qu’ils se défassent de toute tentation nationaliste. À bas les Russes et les Ukrainiens ! Vive l’action conjointe du prolétariat !

Depuis 1914, les travailleurs du monde entier ne peuvent brandir qu’un seul drapeau : celui du défaitisme révolutionnaire. Contre les guerres impérialistes, le besoin d’abattre avant tout sa propre bourgeoisie. La solidarité internationale entre les travailleurs. Notre seule tâche, pour aussi colossale et lointaine qu’elle puisse paraître actuellement, est celle d’en finir avec les rapports sociaux capitalistes. Toute autre solution n’est qu’une reproduction de la situation présente.

À ceux qui arborent le drapeau de la paix dans les conditions sociales présentes, nous rétorquons que c’est perpétuer les conditions de guerre et d’exploitation. C’est laisser que se poursuive la dégradation du capitalisme mondial. Face à la vision de cohabitation pacifique au sein du capitalisme, nous brandissons le drapeau de Classe contre classe, exploités contre exploiteurs, communisme contre capitalisme, révolution contre réaction !

Barbaria est un petit groupe qui ne peut malheureusement pas influer par sa lutte sur les événements. Mais nous sommes profondément solidaires des prolétaires qui en ce moment subissent le feu et la mitraille de deux armées qui s’affrontent. Nous sommes en pensée et de tout cœur avec eux.

24 février 2022

Quelques positions fondamentales de l’internationalisme prolétarien

Source : https://barbaria.net/2022/02/27/quelques-positions-fondamentales-de-linternationalisme-proletarien/

  • L’impérialisme ce n’est pas l’État le plus fort s’imposant internationalement sur les autres États nationaux, c’est un phénomène historique lié au développement mondial du Mode de Production Capitaliste. Le capitalisme c’est la concurrence et la lutte de tous contre tous. La mondialisation de l’économie, l’expansion mondiale du capitalisme, l’épuisement de la production de valeur par la destruction du travail vivant approfondissent la crise capitaliste, qui atteint ses limites internes, et le marché mondial est incapable de renverser cette situation. Cela exacerbe la concurrence et la guerre qui, plus qu’un phénomène pour résorber les crises cycliques, est aujourd’hui la continuité de l’économie capitaliste par d’autres moyens, en vue de monopoliser les ressources, les matières premières, les marchés, les avantages pour mieux concurrencer les autres États nationaux. Dans les guerres, le prolétariat est berné et enrôlé pour servir de chair à canon. Tous les États nationaux sont impérialistes, ou comme le disait Lénine, « tous sont pires ».
  • L’internationalisme est un principe fondamental du prolétariat, qui est international et internationaliste. La révolution sera internationale et internationaliste ou ne sera pas. En tant que classe, le prolétariat défend les intérêts de l’humanité dans son ensemble au-delà de toutes les divisions nationales imposées par la bourgeoisie et ses États nationaux. L’internationalisme est lié à l’autonomie de classe, au besoin pour cette classe de développer sa conscience, son unité et son organisation de façon indépendante de la bourgeoisie et de ses appareils politiques. S’allier tactiquement avec quelque fraction bourgeoise que ce soit (toutes impérialistes) supposent obligatoirement une trahison du prolétariat et des principes du programme révolutionnaire.
  • Le gauchisme est l’idéologie qui défend le capital avec des arguments qui, au nom de la tactique, souillent le programme révolutionnaire et qui aborde la réalité à partir de la défense du moindre mal ou de la bourgeoisie la plus faible. C’est l’idéologisation de la trahison historique de la social-démocratie, de la défense des blocs bourgeois et impérialistes, de la défense de l’inter-classisme rampant. Encore et toujours, le gauchisme nous appelle à signer les « crédits de guerre », à nous affronter à nos frères de classe en défendant l’économie nationale au lieu de défendre nos besoins humains.
  • La guerre et le militarisme sont donc inséparables de la dynamique capitaliste elle-même. Il n’y a pas de bonnes guerres, elles correspondent toutes aux intérêts du capital et de ses bourgeoisies. La réponse historique du prolétariat à la guerre c’est la révolution mondiale par l’affirmation de nos besoins humains contre toutes les divisions qui nous sont imposées. Les conséquences de la guerre ce sont la mort et la misère immédiates. La montée des prix et la précarisation des conditions de vie sont également un fait immédiat qui nous affecte tous, y compris tous les travailleurs qui ne sont pas (encore) sous les bombes.
  • La lutte de classe s’exprime, en cette période de faiblesse du prolétariat international, par la défense des conditions de vie. Récemment, au Kazakhstan, les travailleurs se sont affrontés (grèves de masse, révoltes urbaines, etc.) à leur propre État contre la montée du prix du gaz et de tous les produits basiques, en défendant leur vie face au capital. La révolte (faible, bien sûr, par son manque de perspective et d’organisation) a été écrasée dans le sang par les armées de la fédération russe, avec la complicité de l’État Kazakh et du bloc occidental. Le mouvement au Kazakhstan (un de plus parmi tous ceux qui ont marqué notre histoire comme classe exploitée et révolutionnaire) montre bien que les diverses bourgeoisies et leurs blocs impérialistes n’ont pas le moindre problème à s’unir contre les travailleurs. Comme le disait des camarades, le Kazakhstan c’est aujourd’hui le monde. Malgré ses faiblesses indéniables, il exprime la perspective du futur : guerre impérialiste et/ou révolution, catastrophe capitaliste ou communisme.

CONTRE TOUTES LES GUERRES !

CONTRE TOUS LES IMPÉRIALISMES !

CONTRE TOUS LES CAPITALISTES !

POUR LA DÉFENSE DE NOS BESOINS HUMAINS !

PROLÉTAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSONS-NOUS !

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