Protestas en Chile (fr)

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  • [Chili] Assemblées territoriales : organes autonomes créés par la communauté en lutte
  • Assemblées destituantes pour l’abolition du Capital, de l’Etat et du travail salarié
  • Notes provisoires sur la révolte « anarchique » de masse qui secoue la région chilienne
  • Chili : Où allons-nous ? Vers l’incertitude et la conflictualité permanente ! Quelques mots de et pour la révolte d’octobre
  • Depuis le Chili : Un regard anarchiste sur la situation de révolte et de répression

[Chili] Assemblées territoriales : organes autonomes créés par la communauté en lutte

Les principaux fruits provenant du terrain fertile de l’insurrection au Chili sont les assemblées territoriales, des instances auto-organisées par les habitants de tout le pays, comme une voie pour résoudre les besoins immédiats de la lutte et pour sa propagation. On y discute des mesures, des perspectives et des revendications de ce mouvement. Dans de nombreux cas, avec un caractère fortement anti-institutionnel et antiparti. Les assemblées reflètent, sous une forme embryonnaire, le besoin réel du prolétariat de se doter d’organes de pouvoir représentatifs de la classe, qui défendent et imposent ses besoins jusqu’au dernier souffle, sans compromis avec la classe politique.

Ces organisations, encore balbutiantes, manifestent le sentiment et la nécessité d’affecter directement la réalité, soulevant la question de la souveraineté de l’Etat et du Capital sur notre vie ; puisque, dans la pratique, s’organiser collectivement pour résoudre nos problèmes, et approfondir cette lutte, exprime un conflit contre l’Etat pour le contrôle et la direction de la vie en société. C’est pourquoi il est nécessaire que ces assemblées soient autonomes, orientant le dialogue vers les exploités eux-mêmes et non vers les institutions bureaucratiques : ce sont les intérêts de classe eux-mêmes qui sont en jeu et c’est en confrontant leurs limites que nous récupérerons tout ce qui a été perdu, pas en assurant une médiation entre la base et l’Etat.

En tant qu’organe de quartier, les assemblées sont immergées dans la vie quotidienne du territoire, leur fonctionnement est donc leur arme principale. Leur capacité à couvrir de manière élargie les besoins de la lutte tels que l’approvisionnement, l’autodéfense, la santé, les transports, les communications, la solidarité avec leurs prisonniers, etc. sera la force qui les dotera de légitimité. En ce sens, les assemblées sont l’expression autonome de la communauté qui auto-organise ses besoins et sa lutte contre l’Etat et le Capital. C’est pour cette raison que son fonctionnement NE PEUT PAS s’épuiser dans la signature de pétitions ou dans l’assemblée constituante. Nous comprenons que beaucoup de gens croient encore aux vieilles rengaines sociale-démocrates et dans le fait que l’État peut résoudre leurs problèmes immédiats, mais nous savons que cela n’arrivera pas, et qu’en fait, la précarisation va empirer. Il est essentiel qu’au moment où la poussée révolutionnaire commence, ce prélude ait servi à tirer les meilleures leçons : renforcer les assemblées et leur caractère autonome, qui sont notre triomphe principal jusqu’ici.

Ce cycle de luttes récemment inauguré sera long. L’insurrection qui a submergé le Chili ces dernières semaines est toujours en cours et rien ne semble prédire qu’elle prendra fin. La boîte de Pandore de la révolution sociale a commencé à s’ouvrir et la tâche de créer un pouvoir territorial a été mise à l’ordre du jour. Cela a tiré la sonnette d’alarme dans toute la classe politique, de gauche à droite, toute l’institution bourgeoise s’est acharnée à anéantir ou à coopter ces instances autonomes d’organisation. Sa stratégie principale est de conduire le mouvement dans le cadre étroit de la représentation politique ; pour ce faire, elle a mis à sa disposition des “cabildos” [« conseils municipaux »] qui systématisent les revendications et font « remonter » les pétitions. Ici, l’État est le seul interlocuteur possible et les possibilités de dialogue commencent et finissent avec les solutions qu’il peut nous apporter. Ne permettons pas que les assemblées deviennent des courroies de transmission de l’État.

Nous savons que toute tentative d’humanisation du Capital se heurtera à une crise mondiale capitaliste, laquelle entraîne une crise environnementale qui, pour beaucoup d’experts, implique la crise finale du Capitalisme. De la Grèce à l’Equateur, les gouvernements de gauche ont dû céder aux exigences de la Banque Mondiale et appliquer des plans d’austérité qui précarisent toujours les mêmes personnes : la classe ouvrière. La social-démocratie sera toujours le « bon flic » qui préservera les garanties du FMI et de ses bourgeoisies nationales par-dessus tout autre intérêt.

Jusqu’à présent, ce mouvement s’est déroulé principalement dans les rues, les manifestations spontanées ont paralysé le pays principalement à travers la confrontation avec la police et l’interruption de la circulation capitaliste. Barricades, concerts de casseroles, pillages et incendies ont fait partie de l’arsenal prolétarien pour affronter le pouvoir. Son contenu est « contre tout », contre la totalité du système qui nous tue lentement. Le mouvement des assemblées est appelé à être ce qui donne du contenu à la protestation de rue, ce qui met sur la table les vraies solutions aux besoins de la population, ainsi que ce qui encourage les comportements et les valeurs qui rendent possible un nouveau mode de vie : la solidarité, l’esprit de communauté, l’entraide mutuelle et l’offensive insurgée seront la débâcle du mode de production capitaliste.

Cependant, il est nécessaire et URGENT que ces assemblées s’étendent aux lieux de travail, principalement aux secteurs productifs stratégiques. Qu’ils déploient la remise en cause radicale du mode de vie capitaliste jusqu’à ses ultimes conséquences et que les perspectives en matière de production soient transférées de la capitalisation infinie vers la satisfaction des besoins humains. Des exemples historiques tels que les Cordons Industriels ou les Commandos Communaux peuvent être vitaux afin de comprendre la transition en cours. Aucun changement ne sera possible si nous, les travailleurs, nous n’avons pas en mains le pouvoir sur les moyens d’existence et de production, si nous ne nous donnons pas les moyens de décider « comment » et « pourquoi » produire avec la richesse que nous générons. Il ne s’agit pas d’apprendre à gouverner et à autogérer le Capital, il s’agit de créer un nouveau mode de vie. Toute l’économie dépend de nous et ils trembleront quand ils sauront que nous nous en sommes rendu compte.

L’histoire nous a démontré que l’Etat, comme moyen de garantir les conditions de vie, sera toujours un moyen de garantir la domination d’une classe par une autre, de perpétuer le Capitalisme. Avec ou sans changement de constitution, l’État veillera toujours à perpétuer l’exploitation, laissant intactes les bases réelles de tout, la propriété privée et le travail salarié. Au plus fort de cette lutte, nous créons nos propres outils pour destituer l’existant et forger un monde nouveau. Le prélude à la révolution a déjà commencé.

TOUT LE POUVOIR AUX ASSEMBLÉES TERRITORIALES !!!

Sources en espagnol :
https://materialesxlaemancipacion.espivblogs.net/2019/11/08/chile-asambleas-territoriales-organos-autonomos-de-la-comunidad-de-lucha/
https://proletariosrevolucionarios.blogspot.com/2019/11/chile-todo-el-poder-las-asambleas.html
https://hacialavida.noblogs.org/post/2019/11/09/asambleas-territoriales-organos-autonomos-creados-por-la-comunidad-en-lucha/
https://antagonismorp.wordpress.com/2019/11/11/chile-asambleas-territoriales-organos-autonomos-creados-por-la-comunidad-en-lucha/

Traduction française : Los Amigos de la Guerra de Clases

Assemblées destituantes pour l’abolition du Capital, de l’Etat et du travail salarié

Envoyé par des camarades du Nord semi-aride

Le citoyennisme néolibéral cherche à institutionnaliser la rébellion au moyen d’assemblées pré-formatées et de conseils coloniaux. Entre l’ingéniosité bien intentionnée des uns et l’assistanat empathique des autres, ils ne réussiront qu’à recycler l’ordre hégémonique qui se reproduit dans la société centrée sur le marché, dans les forces répressives et l’accumulation capitaliste. Initiant ainsi un nouveau cycle de domination et de trahison des révoltes passées. Le processus « constituant » fonctionne comme un appareil de désarticulation de la Communauté de Lutte, tirant parti des réponses à la crise généralisée afin d’apaiser la colère des exploités et ainsi reconstruire une nouvelle quotidienneté avec la même odeur que celle antérieure à la révolte d’octobre. Depuis les quartiers et les institutions gouvernementales, ils gèrent l’appât lancé par le consensus néolibéral afin de démobiliser la rébellion par le dialogue, le respect et la tolérance avec ceux qui ne méritent que jugement et châtiment, à savoir la bourgeoisie et ses hommes de main. Ce nouveau « Pacte social » ne fera qu’apporter encore plus de la même chose, ESCLAVAGE ET MISÈRE. On nous dit que la Guerre de Classe n’existe pas et que l’« unité nationale » est notre seule bouée de sauvetage. Ils stipulent où, quand et de quoi tu vas parler, ainsi que le temps que tu prendras. De sympas technocrates, professionnels et appréciés, se préparent à mettre fin, consciemment ou inconsciemment, au dernier souffle de l’humanité, à la lutte finale contre le Capital. Nous ne pourrons jamais construire une nouvelle vie sur les fondations d’une réalité putride. Fissurer la quotidienneté capitaliste et détruire les rapports sociaux capitalistes est une tâche immédiate pour accélérer un processus révolutionnaire efficace et anticapitaliste qui ne permette la métamorphose d’aucune forme de domination humaine.

Ne laissons pas la flamme de la révolte s’éteindre, empêchons-les de tirer parti de notre rébellion et faisons éclater les capacités d’adaptation de la domination capitaliste. Vie ou catastrophe, l’avenir est incertain, mais nous avons su naviguer en eaux troubles.

Contre les dirigeants, contre l’Etat qui nous vole les fruits de nos combats !

Version imprimable PDF en espagnol :
asambleadestversión2

Source en espagnol : https://hacialavida.noblogs.org/post/2019/11/01/asambleas-destituyentes-por-la-abolicion-del-capital-el-estado-y-el-trabajo-asalariado/

Traduction française : Los Amigos de la Guerra de Clases

Notes provisoires sur la révolte « anarchique » de masse qui secoue la région chilienne

Le vendredi 18 octobre, une révolte sauvage a éclaté dans la ville de Santiago et, le lendemain, elle s’était déjà étendue dans pratiquement toutes les villes du pays. Le motif apparent était la hausse du prix du ticket des transports en commun de Santiago (dans les bus du Réseau Métropolitain de Mobilité et du Métro), mais au fond cela démontre un mécontentement total avec le mode de vie capitaliste. Un mouvement énorme et incontrôlé a ainsi fait son apparition historique et comme certains camarades l’ont affirmé dans plusieurs tracts distribués dans la révolte : « plus rien ne sera jamais pareil ».

Les aspects favorables du mouvement pour la perspective antagoniste

# La première chose qu’il faut souligner, c’est la généralisation spontanée du mouvement et sa critique en actes de la totalité du mode de vie capitaliste-néolibéral : expropriation et distribution massive de marchandises des grands capitalistes (supermarchés, centres commerciaux, pharmacies, banques, etc.), destruction des infrastructures de l’Etat (postes de police, bâtiments municipaux, etc.), répudiation massive des organes répressifs de l’Etat dans un contexte « démocratique » (carabiniers, police judiciaire et militaires), et une esquisse intuitive de critique de la totalité de la marchandisation de tous les aspects de la vie quotidienne (il n’existe ni « demande » ni « revendication » concrète, on veut « tout changer »).

# Le rôle dynamisant que les jeunes prolétaires ont joué et continuent de jouer, avec leur intransigeance programmatique et leur combativité subversive infaillible.

# Les protestations sauvages ont effectivement constitué un dommage considérable à la propriété privée des grands capitalistes de ce pays : c’est la véritable raison pour laquelle l’Etat a fait descendre l’armée dans la rue. Cela a horrifié la classe dirigeante capitaliste.

# Un autre aspect qui a profondément attiré notre attention est la prolifération de noyaux qui pratiquent de manière généralisée la violence offensive et l’autodéfense contre les forces répressives de l’Etat dans les manifestations, tant dans le « centre » que dans les quartiers périphériques. Il y a quelque chose comme de la « violence prolétarienne de masse diffuse » qui est coordonnée solidairement au milieu des barricades, et qui rend inutile – du moins pour l’instant – toute spécialisation ou professionnalisation de cette activité par des groupuscules. Jusqu’à présent, cela a été très efficace.

# La rupture de l’isolement et du manque de communication auxquels nous sommes soumis quotidiennement dans ce système, et qui se manifeste par la solidarité de classe spontanée et la communication sociale en dehors des rôles précédemment préfabriqués.

# Malgré l’« Etat d’urgence », le couvre-feu et l’armée dans les rues, le prolétariat n’a pas eu peur et n’a pas abandonné la lutte en dépit de la répression brutale qui a fait un nombre encore inconnu de morts, de torturés, de disparus et d’emprisonnés. Au moment d’écrire ces lignes, on annonce dans de nombreuses régions, dont la région métropolitaine, que le couvre-feu serait levé à cause de la pression sociale du prolétariat, qui ne l’a pas respecté du tout et qui manifeste une haine viscérale envers les militaires.

# Malgré la diffamation des médias de masse, ainsi que les efforts de l’Etat pour revenir à « une certaine normalité », celle-ci n’a pu être restaurée, car notre classe a continué à protester quotidiennement sans même « demander la permission » de le faire – toutes les manifestations étaient « illégales ».

# La réalité de la lutte a dépassé les tentatives de « spectacularisation » de la révolte par la presse : le prolétariat a reconnu que la fonction sociale essentielle de la presse est de déformer les faits et de construire un récit proche des intérêts de la classe dominante – les journalistes sont les « porte-paroles » du capital.

# Le mouvement, dans le contexte de la révolte, s’est doté, au niveau embryonnaire, d’organes de lutte territorialement enracinés, basés sur la formation d’assemblées de voisins auto-organisées, qui se trouvent dans divers quartiers et agglomérations, construisant d’en bas une perspective anticapitaliste qui s’oppose à la précarisation de la vie. Nous considérons ces espaces d’associativité prolétarienne comme stratégiques pour former une communauté de lutte, parce qu’ils expriment le besoin d’auto-activité de la part des prolétaires eux-mêmes, de manière autonome à toute intervention extérieure à eux-mêmes.

# Un secteur important du prolétariat a rejeté en bloc les propositions de « réformes » avec lesquelles le gouvernement a essayé d’éteindre le feu de la révolte : elles sont considérées comme des miettes indignes, ce qui a tenu l’Etat en échec, du moins jusqu’à présent.

# Il n’y a pas de « secteur politique » capable de s’autoproclamer comme une entité représentative et légitime pour dialoguer avec le gouvernement : une question qui préoccupe la bourgeoisie. C’est une révolte sans chefs. D’où « l’anarchie » de ce mouvement.

Les contradictions et les limites que les minorités révolutionnaires doivent combattre au sein du mouvement

# Lors des méga-marches du vendredi 25 octobre qui, selon les chiffres officiels, dans la seule ville de Santiago, ont rassemblé plus de 1 500 000 manifestants, un sentiment d’identification patriotique et d’unité nationale s’est exprimé massivement, au détriment d’une perspective de classe du conflit social. Un exemple en est la prolifération des drapeaux chiliens – qui étaient auparavant absents – et l’atmosphère festive et pacifiste qui a prévalu tout au long de la journée, ce qui a été apprécié par le gouvernement lui-même comme une opportunité qui « ouvre la voie sur l’avenir et l’espoir ».

# L’hésitation de certains secteurs organisés du mouvement ouvrier à participer à la révolte (par exemple, les mineurs de l’entreprise publique CODELCO et les syndicats membres de la Coordination Nationale des Travailleurs NO+AFP), à l’exception notable de l’Union Portuaire du Chili (UPCH) et de la confrérie de la construction regroupée dans le syndicat combatif SINTEC.

# L’écho dans certains secteurs sociaux provoqué par la rumeur diffusée par la presse et le gouvernement selon laquelle il y aurait une vague de pillages visant des maisons privées et des petits commerces – qui ont été des cas très particuliers et en nombre limité. C’est ce qu’exprime le phénomène des « gilets jaunes », des voisins organisés en brigades qui défendent leur quartier contre des pillards inexistants. C’est dangereux parce que c’est un terreau fertile pour les courants d’extrême droite néo-fascistes et parce qu’il dresse des prolétaires contre des prolétaires.

# La présence de militants des partis traditionnels et de la « nouvelle gauche » (c’est à peu près la même chose) dans les assemblées et les conseils [“cabildos”] auto-organisés, qui tentent de coopter et de supplanter l’auto-direction du mouvement pour imposer leurs positions et devenir des interlocuteurs valables pour négocier avec le pouvoir en place.

# Malgré les grands sauts qualitatifs que le mouvement a faits dans une large mesure, il n’a pas réussi à saisir et à consolider un point de vue clairement de classe ; faiblesse qui manifeste une tâche considérable en suspens qui doit être rectifiée pour l’expansion du mouvement. Cela a signifié, surtout à partir des méga-marchés, la résurgence d’une identification comme « classe moyenne » de certains secteurs du prolétariat promue par les partis de l’ordre et les mass media.

# La révolte a trouvé les minorités révolutionnaires désorganisées et fragmentées, ce qui ne signifie pas pour autant qu’elles ont immédiatement participé au mouvement, en tentant de fournir des orientations par des actes et de la propagande, malgré leurs moyens limités. La gauche et le léninisme en général ne voulaient pas se mêler aux incontrôlés, ils se sont dissociés de la révolte, et même leurs secteurs les plus traditionnels ont condamné le pillage des grandes entreprises, et ils ont mis au moins trois jours pour prouver leur présence dans la rue. Cela montre la nécessité de construire un mouvement ouvertement anticapitaliste qui rassemble les secteurs les plus radicaux de la classe.

Perspectives provisoires

Quoi qu’il arrive à l’issue de ce grand moment, il est clair qu’il y a eu une rupture irréversible, une brèche, qui marque un changement d’époque pour notre classe dans cette région. Ce que des milliers et des milliers de prolétaires, sans expérience préalable de lutte, ont vécu durant ces jours peut difficilement être effacé de la mémoire combative de notre classe. Cette révolte a offert une occasion unique qu’il ne faut pas gâcher : il est devenu clair que ce n’est qu’en luttant qu’on peut imposer les revendications et les améliorations concrètes des conditions de vie du prolétariat. Nous avons pris conscience de notre propre force. La révolte généralisée annonce la possibilité latente d’un changement révolutionnaire possible, de la réconciliation de l’espèce humaine avec elle-même et son environnement naturel, malgré le mépris antérieur manifesté par des secteurs du milieu subversif de notre région – avec des discours du type « humain=fléau » ou que le « peuple est mort ». Le prolétariat n’est pas mort, nous ne sommes pas seulement du capital variable, nous avons un rôle énorme à jouer dans la liquidation de ce monde capitaliste et cela a été démontré dans la pratique. Pour l’instant, la lutte se poursuit dans les rues et dans les assemblées contre le pacte social qu’ils veulent nous imposer et contre la récupération réformiste. Cette révolte a intuitivement remis en question les fondements de la structure sociale capitaliste et cela ne peut être effacé de la mémoire historique. Nous allons plus loin, nous allons vers la vie.

Quelques prolétaires en lutte de la région chilienne
Samedi matin 26 octobre
Printemps subversif de 2019

Sources en espagnol : https://panfletossubversivos.blogspot.com/2019/10/notas-provisionales-en-torno-la.html
https://materialesxlaemancipacion.espivblogs.net/2019/10/27/notas-provisionales-en-torno-a-la-anarquica-revuelta-de-masas-que-sacude-a-la-region-chilena/
https://valladolorinternacionalista.blogspot.com/2019/10/chile-notas-provisiones-en-torno-la.html

Traduction française : Los Amigos de la Guerra de Clases

Chili : Où allons-nous ? Vers l’incertitude et la conflictualité permanente ! Quelques mots de et pour la révolte d’octobre

“A partir d’un certain point il n’y a plus de retour. C’est ce point qu’il faut atteindre.” Franz Kafka

L’indomptable protestation des élèves du secondaire contre la hausse du trajet de métro et la réponse répressive immédiate ont créé le contexte propice pour que, des jours plus tard, la guerre sociale apparaisse dans une crudité explicite.

La dynamique du conflit a été rapide, imprévisible et instinctive. Le malaise axé principalement contre le transport public souterrain s’est généralisé et a commencé à éclater, à devenir visible, à reconnaître des formes de combat, explosant –littéralement– à chaque coin de rue de Santiago. Le 18 octobre 2019, s’est déchaîné un contexte de révolte généralisée dans toute la capitale ; barricades et affrontements se succédaient à tout moment et partout. Différents symboles, structures et infrastructures du pouvoir ont été attaqués dans toute la ville, et rapidement, dans l’ensemble du pays. L’ordre se fissurait et la transgression inondait les rues, subitement les sujets s’attroupaient et attaquaient ce qu’ils et elles ont toujours considéré comme leurs chaînes. Il n’y a pas de planification, mais la spontanéité qui sait reconnaître clairement son ennemi : l’État, le capital et leurs forces répressives. Les objectifs sinistrés ou pillés en sont le meilleur exemple : ministères, institutions financières, entreprises dévastatrices de la terre, grands entrepôts stockant la marchandise et la nourriture, et bien plus encore.

La violence révolutionnaire a été validée et s’est déchaînée dans les plus amples aspects des opprimé-e-s.

Quelques détestables théoriciens ou adeptes de la plus basse “compétition politique” ont observé : Où étaient les anarchistes ? Eh bien, la réponse est simple et facile : dans la rue, les quartiers, les poblaciones, dans la révolte protéiforme, les combats de rue.

Ce qui est certain, c’est qu’il n’y a pas eu beaucoup de temps pour s’asseoir et écrire ni même esquisser quelques idées, cela a été tout simplement impossible au cours de ces journées.
Face à l’extension et à la profondeur de la révolte, qui à certains moments a semblé pouvoir secouer réellement et effectivement l’État en peu de temps, la réponse des puissants a consisté à décréter “l’État d’Urgence”, envoyant des effectifs de l’Armée patrouiller dans les rues et instaurant un couvre-feu qui s’est étendu plusieurs jours dans différents territoires.
La suspension rapide de la hausse du trajet par les autorités a montré que cette révolte n’a pas de requête claire. Elle n’a pas de “revendications” ou “d’exigences” spécifiques, ou pour le dire autrement, il y en a tellement que c’est finalement contre le monde régi par l’autorité et la marchandise.
Pour sa part, la répression est tombée avec un arsenal qui, même s’il n’avait jamais disparu complètement, resurgit aujourd’hui, reprenant sa propre continuité historique : violence sexuelle, des milliers de personnes arrêtées, des centaines de blessés par flashballs, LBD, et à balles réelles, des dizaines de compas qui ont perdu des yeux, des séances de tortures, des assassinats où les corps sont jetés dans les incendies pour couvrir les auteurs en uniformes de ces massacres et toute une série de différentes et successives stratégies contre-insurrectionnelles.
Les choses avancent vite et prennent leur propre chemin, anarchistes, nous sommes dans la rue cherchant à amener cela au point de non-retour avec l’autorité. Différentes positions ont émergé dans la pratique même des combats, dans l’ambiance de révolte et dans les possibilités surgissant de celle-ci. Certain-e-s se sont mis d’accord sur des appels et des tentatives pour former des assemblées de quartier, des expériences de “contre-pouvoir” ou de “pouvoir populaire”, allègrement qualifiées par la presse de “conseils municipaux citoyens”, qui permettraient de mettre en place une table de revendications négociables, et bien-sûr des visages ou organisations avec lesquels pactiser. Des assemblées qui, comme nous pouvons le voir, se sont transformées en alternative citoyenne et en sortie pacificatrice du conflit, démontrant être un engrenage supplémentaire de la domination.
L’intensification du conflit ouvre indéniablement des chemins où il est possible de se rencontrer, de construire et créer, toujours dans une perspective de lutte et de manière antiautoritaire, des réseaux avec différentes personnes et groupes, éloignés et contraires à tout type d’imposition illuminée ou aux tentatives de prise en main centralisée. À cet égard, l’idée de confrontation permanente prend du sens au moment où nous ne donnons rien pour établi ni éternel, le dynamisme de la lutte doit nécessairement viser à l’élimination de tout type d’autorité, que ce soit l’État, l’assemblée ou n’importe quelle autre instance prétendant contrôler nos vies.
Cette révolte n’a pas de noms ni de direction unique, elle n’appartient à personne car elle appartient à tou-te-s les rebelles et insurgé-e-s qui, comme nous, sont en train de combattre dans la rue, ainsi prétendre de manière ridicule s’attribuer telle ou telle action dans le cadre de cette révolte revient tout simplement à tenter grossièrement de prendre l’hégémonie sur elle.
D’autre part, la nécessité posée et mise en tension au cours de conversations passées face à des situations similaires mais au pouls clairement plus stable, est aujourd’hui indispensable.

Créer des espaces de coordination et de rencontre où l’axe fondamental est de faire le pari de la confrontation violente contre les appareils étatiques-répressifs. En ce moment, le Pouvoir a sorti dans la rue son visage le plus brutal, ce qui, loin de nous immobiliser, constitue un appel à élever notre ligne de mire conformément aux nouveaux scénarios qui se présentent et se rapprochent. Envisager l’offensive comme pratique réelle au-delà du discours, en étant capables de mettre en place une infrastructure nous permettant de leur faire face. C’est là que certains doutes exacerbent la tension; sommes-nous capables de soutenir, d’intensifier et d’étendre la confrontation violente contre le Pouvoir dans ce nouveau panorama ?, jusqu’à quel point la révolte est-elle contagieuse et reproductible ? Nous avons été témoins de la manière dont la social-démocratie est allée captant cette rage, la limitant à certain-e-s qui étaient “en-dehors” des revendications, quant à nous, nous n’avons pas de revendications, mais des paris et notre pari est la destruction de l’Etat, de ses promoteurs et défenseurs. Que la catastrophe sociale annonce l’effondrement des rapports fondés sur des logiques capitalistes et que l’affinité nous amène à continuer à avancer vers ce point de non-retour.

Comme cela nous arrive souvent, nous n’avons pas les réponses, comme d’autres organisations qui planifient déjà l’administration et les fédérations de ces assemblées, leurs durées, leur caractère révocable et leurs statuts, mais bien plutôt des questions et la négation, car nous sommes de celles et ceux qui comprennent l’anarchie comme la tension permanente. Face à l’incertitude du moment, nous rassemblons les expériences, nous nous reconnaissons, lisons, apprenons et partageons les réflexions et les conversations urgentes dans les heures que nous laisse l’intense confrontation de rue et la désobéissance au couvre-feu. Nous savons que cela a été et que cela peut être un moment important et que se sont ouvertes des possibilités auparavant impensées dans la destruction effective de l’État, mais notre boussole continue aussi à être la négation, même dans ces moments culminants. Nous savons et connaissons parfaitement ce qui nous transforme en esclaves, et nos pas doivent justement aller dans la direction inverse.
Que cela soit clair. Celles et ceux qui soutiennent, promeuvent et défendent le capital et la domination sont nos ennemis.
Pour la libération de tous les prisonniers de la révolte et subversifs !
Solidarité avec les personnes blessées et ayant subi des vexations !
La Révolte est reproductible et contagieuse !

“Tu ne sais pas à quel point les puissants trembleraient si nous amenions la violence à leur porte. S’ils voyaient menacés leurs privilèges et leurs vies, ils négocieraient pour ne pas tout perdre” Ulrike Meinhof

Quelques antiautoritaires pour la catastrophe sociale

Source en espagnol : https://panfletossubversivos.blogspot.com/2019/10/chile-donde-vamos-hacia-la.html

Traduction française : https://sansattendre.noblogs.org/post/2019/10/27/chili-ou-allons-nous-vers-lincertitude-et-la-conflictualite-permanente-quelques-mots-de-et-pour-la-revolte-doctobre/

Depuis le Chili : Un regard anarchiste sur la situation de révolte et de répression

reçu par mail / vendredi 25 octobre 2019

A l’heure actuelle, au Chili on vit sous l’état d’urgence décrété par le gouvernement de droite de Sebastián Piñera à la suite du déclenchement d’une révolte qui a éclaté le vendredi 18 octobre 2019.

Ce texte naît de la nécessité d’informer les compas des différentes latitudes du monde sur la situation qui se vit actuellement sur ce territoire.

Nous partageons ici ce que nous considérons, d’un point de vue anarchiste, comme des points essentiels dans le but de faire connaître et de contribuer à comprendre le moment présent.

Prélude : La jeunesse en lutte et l’étincelle qui a allumé le feu

Avant la hausse du prix des titres de transport, en octobre, après une semaine de fraudes massives dans le métro, dont les protagonistes ont été principalement des lycéens, se sont produits, à différents endroits de la ville de Santiago, de multiples épisodes de désobéissance individuelle et collective qui ont entraîné des destruction d’infrastructures et des affrontements avec les forces de police, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des stations de métro.

Vendredi 18 octobre, la généralisation de ces fraudes massives et le niveau de radicalité qu’elles ont acquis étaient insoupçonnés pour beaucoup et sous-estimés par le gouvernement qui, avec ses fidèles journalistes et enquêteurs sociaux, ne peut toujours pas s’expliquer pourquoi ces événements ont conduit à une situation de chaos généralisé qui perdure jusqu’à ce jour.

Première acte : Déclenchement d’une révolte sans précédent dans le Chili de l’après-dictature

Le vendredi 18 octobre, la situation de révolte s’est radicalisée quand les affrontements avec la police et la destruction d’infrastructures capitalistes se sont répandues dans les rues du centre de Santiago. Commencées aux abords du palais du gouvernement, les violences de rue n’ont pas tardé à se répandre dans divers endroits de la ville, jusqu’à tard dans la nuit.

Face à une situation de rébellion généralisée et de chaos diffus dans de nombreux secteurs de la ville, les forces de police ont été incapables de contenir l’explosion de rage qui, depuis ce jour-là, a contaminé de larges secteurs d’une société apparemment endormie et blasée par différentes formes d’oppression et de précarisation de la vie, qui trouvent leur origine dans la continuité du système économique néolibéral et de l’État policier, installé au Chili sous la récente dictature civile et militaire (1973-1990), des conditions d’existence et de domination aggravées par les gouvernements de centre-gauche et de droite qui se sont alternés au pouvoir après le retour à la démocratie.

Aux émeutes commencées dans le centre-ville se sont jointes des milliers de personnes qui ont manifesté dans les quartiers, en battant sur des pots vides en guise de protestation et aussi en déclenchent des foyers d’émeutes, d’incendie et de destruction, qui se sont concrétisés dans des dizaines de bus et des bâtiments publics et commerciaux attaqués, pillés et brûlés, tout en gardant comme élément crucial les dizaines de stations de métro que des hordes d’individus pleins de rage ont vandalisées et brûlées jusqu’aux petites heures de la nuit.

Manifestement dépassé, le gouvernement n’a pas laissé passer beaucoup de temps avant de décréter l’état d’urgence dans la ville de Santiago, un état d’exception qui inclut le déploiement des militaires dans les rues et le contrôle de l’ordre public par les Forces armées.

Cependant, une révolte sauvage, non organisée, massive et sans précédent dans le scénario post-dictature était déjà en cours, détruisant en pratique l’obéissance, la soumission et la peur imposées par des décennies de régime capitaliste au Chili.

Deuxième acte : Extension de l’insubordination destructrice et début du couvre-feu

Le samedi 19 septembre, face à la persistance et à l’exacerbation des émeutes, les forces militaires ont été déployées en divers points de la ville. Dans le centre de Santiago ainsi que dans les quartiers périphériques, l’armée surveille les rues, les installations commerciales et les stations de métro. Cependant, les manifestants de toutes sortes n’ont pas reculé et ont condamné la présence des militaires par la mémoire vivante de la répression vécue il y a quelques décennies, pendant les années de dictature.

Ce même jour, le nombre de bus, de voitures et de stations de métro incendiés par les manifestants a augmenté. En même temps, les pillages des supermarchés et des grands centres commerciaux deviennent incontrôlables et l’image de centaines de personnes qui reprennent en main leurs vies, en arrachant des marchandises aux centres de consommation, a été l’une des images les plus marquantes des jours de révolte et ont constitué un facteur important pour que le gouvernement, accablé par la violence des pillages, décrète cette même nuit le couvre-feu dans la ville de Santiago.

Le Président et le chef militaire en charge de la ville ont communiqué sans aucun problème aux médias la restriction des « libertés civiles », qui a commencé à s’appliquer ce jour-là de 19 heures à 6 heures du matin. Cette nuit-là, les manifestations, émeutes, pillages, incendies et affrontements avec les forces répressives se sont poursuivies dans toute la ville, jusqu’au petit matin.

Entre samedi et dimanche, l’étincelle de rage s’est largement répandue, provoquant des manifestations de masse et des scènes de violence sauvage dans d’autres régions du pays, laissant place à un moment de chaos généralisé, avec de multiples actes de rébellion et d’émeutes dans diverses villes, qui, en quelques jours, ont mis à sac et réduit en cendres une bonne partie des infrastructures urbaines, avec des barricades, du vandalisme et des incendies dans des structures municipales, des bâtiments gouvernementaux, des centres commerciaux et des bâtiments des médias officiels. A ce moment, la révolte avait déjà débordé toute demande spécifique, faisant en sorte que des personnes d’origines et de lieux différents se rencontrent dans la rue, au milieu des protestations et des émeutes, en ouvrant une grande fracture critique dans le système néolibéral chilien et son modèle d’exploitation capitaliste/extractiviste, qui touche tout le territoire.

Depuis le dimanche 20 octobre, l’état d’urgence et le couvre-feu ont été décrétés par le gouvernement à l’encontre des villes insurgées, cependant les émeutes ont continué tard dans la nuit, en dépassant les interdictions et en démontrant que la colère et la violence déclenchées par les gens contre l’ordre établi avaient brisé la peur et la passivité qui dominait depuis des décennies dans de larges pans de la population chilienne.

Troisième acte : Dignité et lutte contre la stratégie de répression étatique

Depuis le début de l’état d’urgence, la répression de l’État s’est intensifiée et ouvertement répandue dans les différents territoires insurgés.

En tant qu’anarchistes, il est clair que la position de victime n’est pas la nôtre, mais il est toujours bon de partager des informations sur les tactiques que la domination met en place, comme moyen de la confrontation avec les émeutiers, les rebelles et la population révoltée en général.

Dans la situation actuelle, l’arsenal répressif de l’État chilien s’est concrétisé par :

– plus de deux mille personnes arrêtées et plus de 15 personnes assassinées, ainsi qu’un nombre indéterminé de personnes portées disparues ;
– des tirs contre les manifestants, avec différents types de projectiles, y compris des grenades lacrymogènes, des balles en caoutchouc et des armes de guerre, laissant un nombre croissant et inconnu de personnes blessées et tuées dans la rue, ainsi que des riverains et des animaux qui ont été blessés et tués par les tirs ;
– des coups et des tortures physiques, psychologiques et sexuels infligés à des personnes sur la voie publique, ainsi qu’à l’encontre de personnes détenues, dans les véhicules et dans les commissariats de police ;
– des enlèvement de personnes dans des véhicules de police et des véhicules civils ; on a vu des images de personnes enfermées dans les coffres des véhicules de police ;
– des coups de feu tirés dans le dos des personnes à qui l’on a donné la fausse possibilité d’échapper à des arrestations, dans la rue ;
– de fausses autorisations, de la part la police et l’armée, de piller des supermarchés, qui aboutissent à des arrestations et à des meurtres qui sont ensuite signalés comme dû aux émeutes ;
– des incendies dans de grands locaux commerciaux, causés par des forces répressives pour que les entreprises puissent toucher l’assurance ; dans certains de ces incendies, ont été retrouvés des cadavres brûlés ;
– le fait jeter des gens d’une voiture de police en mouvement pour les tuer ;
– la suspension des corps des personnes tuées dans zones désertes et des personnes vivantes dans les casernes de la police.

L’utilisation massive des réseaux sociaux tels que Instagram, Twitter et Facebook a permis la diffusion immédiate d’innombrables témoignages audiovisuels des situations décrites ci-dessus, diffusés par des groupes d’information « alternatifs » et liés aux luttes, en brisant la stratégie de communication déployée par le gouvernement et soutenue par les médias officiels, historiquement serviles vis-à-vis du pouvoir.

L’offensive de communication du gouvernement représente une autre partie de l’action répressive, visant à coloniser l’esprit des gens par les moyens suivants :
– la censure et le contrôle de l’information, afin de cacher, justifier et/ou remettre en question de manière hypocrite des informations concernant la répression ;
– des discours télévisés des autorités gouvernementales, qui ont reconnu l’existence d’une crise sociale à résoudre au moyen d’un « nouveau pacte social » ;
– l’établissement d’un état de guerre explicite contre un ennemi interne supposément organisé avec un plan pour semer le chaos et attaquer des petits magasins, des écoles et des hôpitaux ; un accent particulier a été mis sur la criminalisation des figures de pillards et de vandales ; par ailleurs, dans un reportage sur la chaîne de télévision publique, il a été mentionné que les émeutes auraient été organisées par des cellules anarchistes nihilistes ;
– une couverture médiatique commune à différents journaux, tout au long de la journée, qui installe la peur des pénuries et des pillages, répandant l’idée que les vols se généraliseraient aux maisons de tout un chacun ;
– le partage discursif des manifestants entre gentils, légitimes, pacifiques et festifs, et, à l’opposé, les violents, contre lesquels toute forme de répression serait justifiée ;
– la présentation d’un plan de mesures sociales et économiques visant à montrer l’intérêt de résoudre la crise existante ;
– la présentation de l’armée en tant que forces de paix et de protection.

Heureusement, la stratégie répressive et de communication de ce gouvernement discrédité n’a pas eu l’effet escompté et la désobéissance s’est maintenue, malgré le fait que certains citoyens éternellement soumis et obéissants ont collaboré avec le pouvoir, en participant volontairement au nettoyage des rues et à la surveillance des quartiers, habillés avec des gilets jaunes, en donnant à cette tenue un sens complètement différent de celui qui a fait sa renommée rebelle depuis les manifestations sauvages en France.

Notre position anarchiste : Notes sur un épilogue qui n’existe pas encore

Entre le mercredi 23 et le jeudi 24 octobre, le gouvernement et la répression ont tenté de montrer un visage moins dur, face à la persistance des manifestations et à un grand nombre de foyer de révolte, auxquelles s’ajoute la divulgation permanente de documentation sur les actes répressifs, ainsi que la reconnaissance publique, par une enquête judiciaire, de l’utilisation d’une gare de métro comme centre de détention clandestin et des témoignages de torture.

En ces jours, tous les signes semblent indiquer que la révolte généralisée a un peu diminué d’intensité, se limitant à une situation permanente de journées de protestation, avec la présence constante d’émeutes et d’affrontements. Beaucoup d’entre nous pensent que cela pourrait céder la place à un contexte de pacification progressive, avec la persistance de quelques poches de révolte, renforçant la répression sélective contre des personnes déjà connues pour leur participation politique dans des mouvements sociaux, des collectifs et des milieux de lutte radicale. De fait, des personnes liées à des mouvements étudiants et environnementaux ont déjà été arrêtées.

Malgré ce qui pourrait arriver, celles/ceux d’entre nous qui ont affronté le pouvoir et l’autorité bien avant l’explosion sociale actuelle savent que toutes les pratiques répressives et de communication énumérées ci-dessus font partie de l’arsenal auquel nous et d’autres groupes et individus avons été confrontés tout au long de l’existence de l’État et de l’autorité à travers l’histoire. Nous assistons donc aujourd’hui à une réactualisation postmoderne des méthodes et des stratégies déjà déployées sous les régimes dictatoriaux et démocratiques précédents du Chili, d’Amérique latine et dans le reste du monde, où la domination a vu ses intérêts mis en cause et n’a pas hésité à montrer son véritable visage d’oppression planifiée et systématique.

Nous savons que, au cours des siècles, d’innombrables générations de rebelles, de réfractaires, de révolutionnaires et de subversifs de toutes sortes ont été les protagonistes de la confrontation et de l’opposition au pouvoir, de la même manière que nous sommes certains que c’est nous, les anarchistes, ainsi que les communautés mapuches résistantes et les jeunes cagoulés, qui au cours de ces deux dernières décennies avons connu la torture, l’emprisonnement et la mort, dans le cadre de la politique répressive de l’État face à la résistance et à l’attaque continue que nous avons portée contre l’ordre social capitaliste et autoritaire.

Aujourd’hui, bien plus de gens sont témoins de ce que nous avons maintenu pendant des années : que les puissants ne se soucient pas de tromper, torturer et assassiner pour protéger le monde qu’ils ont construit à leur profit et que la seule issue possible à la domination sur nos vies commence par la rébellion destructrice contre tout ce que nous imposent ceux qui cherchent à faire de notre existence un régime permanent d’esclavage et de vol de nos libertés.

Nous sommes pleinement conscients que toutes les nuances de la répression étatique, y compris celles qui prétendent avoir un visage « humain », font partie des pratiques contre-insurrectionnelles inaugurées en Algérie, améliorées par les dictatures latino-américaines et poursuivies par les troupes d’occupation en Irak, en Haïti et ailleurs dans le monde. Nous savons très clairement que les montages et les tactiques de communication de la guerre psychologique, la répression massive et sélective, les tortures, l’extermination ne sont pas une nouveauté et aujourd’hui nous les vivons et les affrontons dans un scénario que nous avons toujours conçu comme possible : vivre notre vie quotidienne et notre lutte dans un état d’exception, avec des militaires dans la rue.

Nous savons aussi que l’existence, la prolifération et la persistance, au cours des dernières décennies, d’idées et de pratiques de lutte anarchistes, dans le territoire chilien, constituent quelque chose de réel, de vital et dynamique, qui, dans les troubles actuels, contribue d’une certaine manière à l’identification et à l’attaque des symboles et des objectifs liés au pouvoir, ainsi qu’à la diffusion d’une conscience individuelle de lutte radicale contre le monde du capital et de l’autorité. Cependant, soyons honnêtes et disons clairement que le mécontentement qui a éclaté avec une violence sans précédent dans le Chili démocratique correspond à une révolte généralisée sans chefs ni dirigeants, dans laquelle les individualités anarchistes ne sont qu’un acteur de plus.

Nous n’avons jamais cru aux bonnes intentions du mensonge démocratique, nous ne sommes donc pas surpris que les forces répressives visent avec leurs balles des enfants, des personnes âgées et des animaux. Aujourd’hui, nous apprenons aussi à vivre avec le couvre-feu, qui limite notre mobilité, nos déplacements et la possibilité d’embrasser et de partager entre amis, compas et relations affectives.

Beaucoup d’émotions et de sensations s’entremêlent chaque jour et d’une minute à l’autre : rage, impuissance, nervosité et beaucoup d’anxiété envahissent l’esprit et les cœurs de nombreuses personnes dans ces moments, mêlant l’entrain et la chaleur donnés par la lutte avec le fait indéniable d’être en train de briser des chaînes subjectives et matérielles, ensemble avec d’autres personnes qui, auparavant, n’étaient pas du même côté de la barricade que nous. Néanmoins, nous n’avons pas excessivement confiance et nous ne nous faisons pas d’illusions, parce que nous savons que cela peut être, de la part des masses, qu’une simple décharge de colère auparavant contenue et que cela peut revenir par la suite à une nouvelle normalité, saisie par des opportunistes de toute couleur politique, comme quelques-uns ont essayé de le faire durant ces jours de chaos. Dans un tel moment, et toujours, en tant qu’individualités anarchiques, nous resterons déterminés contre toute forme d’autorité.

Ils nous veulent paranoïaques, angoissés et isolés, mais nous continuons d’être déterminés dans le combat, mettant aussi en pratique des outils d’auto-soin et de soutien psychologique et émotionnel à un niveau personnel et collectif, pour continuer à être vivants et sur le pied de guerre.

Alors que nous finissons d’écrire ce texte, des hélicoptères militaires volent au-dessus de nos têtes, des barricades brûlent dans les quartiers et le bruit des protestations et des confrontations reste fort et nous remplit de force, pour continuer à écrire l’histoire, dans la grande expérience de la lutte pour la libération totale.

Nous sommes reconnaissants pour tous les gestes de solidarité internationaliste témoignés par les compas du monde entier et nous vous invitons à diffuser ces mots et à les traduire dans les langues les plus diverses.

RIEN N’EST FINI, TOUT CONTINUE
AUJOURD’HUI PLUS QUE JAMAIS, CONTINUONS À LUTTER CONTRE L’ÉTAT, LE CAPITAL ET TOUTE AUTORITÉ.

Sin Banderas Ni Fronteras

Source en espagnol : https://panfletossubversivos.blogspot.com/2019/10/chile-una-mirada-anarquica-al-contexto.html

Traduction française : https://attaque.noblogs.org/post/2019/10/27/depuis-le-chili-un-regard-anarchiste-sur-la-situation-de-revolte-et-de-repression/

 

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