[Italie] « Contre le Green Pass, contre l’État »

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  • Trieste, Italie : le mouvement de protestation contre le Green Pass s’intensifie
  • Trento : Contre le Green Pass, contre l’État et ses Urgences. Bloquons tout

Trieste, Italie : le mouvement de protestation contre le Green Pass s’intensifie

Lundi 18 octobre au matin, après 4 jours de blocages, de manifestations et de rassemblements permanents, la police a expulsé avec violence ceux qui manifestaient devant l’entrée du port de Trieste. Des milliers de personnes ont ensuite formé une manifestation et ont déambulé dans les rues de la ville, jusqu’à la Piazza Unità, tandis que dans la soirée le mouvement de protestation s’intensifiait. Dans la zone proche du port, les manifestants ont répondu à l’utilisation massive de forces de police en érigeant des barricades dans les rues.

Dans toute l’Italie, à ce moment-là, des centaines de manifestations de solidarité occupent les principales places du pays. Ce qui s’est passé alors n’a pas de précédent historique, ni pour la ville de Trieste, où des manifestations de cette intensité n’avaient jamais eu lieu de mémoire d’homme, ni pour le mouvement contre le Green Pass [version italienne du « pass sanitaire », NdT]. Dans ces lignes, nous allons donc essayer de rendre compte rapidement de la manière dont nous sommes parvenus à la présente situation : par manque de place, il s’agit donc d’un récit partiel, incomplet, dans lequel à la fois la complexité de la dynamique politique est forcément réduite, et en même temps certains événements majeurs ne sont pas rapportés.

Tout d’abord, qu’est-ce que le Green Pass ? Le Green Pass, également connu sous le nom de « European Green Passport », est un document introduit progressivement à partir de l’été 2021 par le gouvernement italien. On ne peut l’obtenir que si l’on a obtenu ce que l’on appelle la « couverture vaccinale », après avoir reçu deux doses du vaccin (ou, dans d’autres cas plus rares, si l’on s’est récemment remis du Covid-19). Le document réglementait initialement l’accès aux espaces publics, tels que les bars, les restaurants, les cinémas ou les festivals, les hôpitaux… mais son champ d’application a été progressivement étendu à d’autres aspects de la vie sociale. En particulier, à partir du 15 octobre, le Green Pass est devenu obligatoire pour tous les travailleurs, tant dans le secteur public que privé : sous peine de perdre leur boulot. À défaut, les travailleurs ne peuvent, et à leurs frais, certifier leur état de « négativité » qu’à l’aide de tests.

Trieste en particulier s’est immédiatement présentée comme une ville anormale par rapport au reste du pays, pour la composition du mouvement et pour la force qu’il exprimait. Contrairement à beaucoup d’autres contextes, où la gauche radicale et la mouvance anarchiste regardaient avec suspicion les places opposés au Green Pass, à Trieste un groupe de camarades a fondé l’assemblée connue sous le nom de « Coordinamento No Green Pass Trieste », qui avec le syndicat des travailleurs portuaires CLPT ont donc assumé le rôle de promoteur des mobilisations et des protestations, éloignant les fascistes de leurs assemblées. Pendant les deux premières semaines de septembre, trois énormes manifestations, avec plus de 15.000 manifestants (dans une ville de 200.000 habitants) occupent l’espace public, bloquant la ville.

Dans la même période, les mouvements de protestation s’intensifient dans toute l’Italie, avec des manifestations particulièrement nombreuses à Milan et à Rome. Deux mots encore doivent être consacrés à Rome : c’est en effet ici que, lors de la manifestation du 9 octobre, à partir d’une manifestation de plus de 10.000 personnes, une autre manifestation démarre, menée par des groupes néo-fascistes tels que Forza Nuova et Casapound. Alors que la police attaque violemment la place principale, le groupe mené par les néo-fascistes ne rencontre aucune résistance et vient occuper le siège de la CGIL, le principal syndicat du pays, historiquement lié au PCI et maintenant au Parti Démocrate. Pendant ce temps, une autre manifestation commence également, animée en revanche par des personnes proches des mouvements, des centres sociaux et la mouvance anarchiste.

Alors que le climat politique continue de se polariser, les médias du régime ne ratent pas l’occasion d’accuser l’ensemble du mouvement d’être dirigé par les fascistes et d’être composé d’individualistes, de négationnistes et de théoriciens du complot ; à Trieste une partie grandissante des camarades, bien que minoritaires, s’efforce de canaliser la colère contre le Green Pass. Là aussi, dans la lutte contre le passeport vert, se mêlent des personnes très hétérogènes, tant en termes de classe sociale que de croyances qui les poussent à exprimer leur dissidence. Néanmoins, la Coordination, avec les dockers, décide de rester au sein du mouvement, consciente de son ambivalence.

Les camarades décident de rester dans les assemblées en partant du principe que tout mouvement de masse contient toujours en son sein des positions souvent très différentes, dans certains cas apparemment irréconciliables, sans qu’il soit nécessaire de toutes les épouser. C’est dans les assemblées que les courants les plus avancés peuvent l’emporter, pour s’opposer à toutes les formes de chantage et de discrimination sur les lieux de travail, ainsi que dans les espaces sociaux, pour s’opposer aux formes de plus en plus invasives de contrôle biopolitique et à l’extension sans limites de l’état d’urgence, pour contrer la gestion capitaliste des programmes de vaccination, pour éviter de transformer la science en dogme, comme lorsque l’utilité de la troisième dose est critiquée par une bonne partie de la communauté scientifique. De plus, grâce au Green Pass, le gouvernement masque, à travers un mécanisme autoritaire et punitif pour les travailleurs, la volonté de continuer ses politiques comme par le passé : coupes dans les soins de santé, absence de médecine préventive et territoriale, absence d’investissements et de stabilité de l’emploi dans l’éducation, pas d’amélioration des transports publics…

Que s’est-il passé ces derniers jours ? Le premier saut qualitatif a eu lieu le 11 octobre, lorsque les syndicats de base ont lancé une grève générale dans toute l’Italie, tandis que les principaux syndicats, à savoir la CGIL, la CISL et l’UIL, ont décidé d’ignorer le mouvement. Cependant, seuls quelques syndicats de base prennent une position claire contre le Green Pass. À Trieste, en revanche, la Coordination organise de manière autonome une manifestation, qui rassemble 15.000 grévistes sur la place. Les dockers, symbole de la ville autant que le port, galvanisent le mouvement de protestation de Trieste. Mais le port de Trieste devient rapidement le symbole du mouvement contre le Green Pass dans toute l’Italie, et à partir du 11, de plus en plus de personnes commencent à arriver pour soutenir le mouvement de protestation, de toute l’Italie du Nord et peut-être même de plus loin.

Le gouvernement tente une médiation, offrant aux dockers la possibilité d’obtenir gratuitement leurs tests PCR, mais les représentants syndicaux de la CLPT [Coordinamento Lavoratori Portuali Trieste – Coordination des Travailleurs portuaires de Trieste, NdT] refusent cette offre. Poussés par le soutien manifesté par les travailleurs et les citoyens de tout le pays, ils proclament alors la grève et le blocage illimité à partir du 15 octobre, jour à partir duquel il ne sera plus possible de travailler sans le pass sanitaire. La lutte, disent-ils, se poursuivra jusqu’à l’abolition du Green Pass(port).

La grève et le blocage :

Le matin du 15, des centaines de personnes gardent les portes dès les premières lueurs de l’aube. L’événement prend de l’ampleur au cours de la matinée, des milliers de personnes arrivent et cela devient une sorte de fête. Les ouvriers décident de ne pas arrêter le trafic de marchandises, mais la participation à la grève est très élevée. Plus de 40% des dockers n’ont pas de green pass, et la solidarité entre collègues bloque les activités. Le mouvement de protestation continue les 16 et 17 également, avec des centaines de personnes qui expriment leur solidarité et un nombre croissant de manifestants venus de toute l’Italie qui transforment l’espace devant la Porte 4 du port en une sorte de rassemblement permanent.

Le 18 au matin, comme annoncé, la police passe à l’attaque, elle charge avec des gaz lacrymogènes et utilise des canons à eau contre ceux qui gardaient encore leur position aux portes. Les manifestants décident de recourir à la résistance passive et, pour le moment, il n’y a pas de réponse physique à l’agression policière. Au moins 2.000 personnes arrivent bientôt pour soutenir le mouvement de protestation, mais l’agression policière est trop violente et les portes sont libérées de force. Il s’ensuit une grande manifestation non autorisée, allant du port à la plus importante place de la ville, la Piazza Unità, où la manifestation dure jusque tard dans la soirée. Pendant ce temps, un groupe plus restreint de personnes se disperse dans la zone proche du port, bloquant la circulation et érigeant des barricades de fortune. Parmi ces manifestants, en grande partie très jeunes, un nombre indéterminé d’ultras et d’autres éléments proches des milieux d’extrême droite. Dans la soirée, un plus grand nombre de personnes se déplace pacifiquement de la Piazza Unità vers le port, où la manifestation est à nouveau attaquée par la police. Les affrontements se poursuivent jusque tard dans la soirée.

Alors que nous écrivons, la situation évolue sans cesse.

Le gouvernement italien, dirigé par Mario Draghi, expérimente cette mesure en Italie, mais le Green Pass pourrait bientôt être adopté dans d’autres pays de l’Union européenne. Ce qui se passe en Italie est donc un avertissement pour tous.

Les protestations de ces jours-ci, sans précédent depuis le début de la pandémie, rompent avec le consensus absolu forgé par les gouvernements au nom de l’urgence sanitaire. Si cela ne suffisait pas à convaincre les camarades les plus sceptiques de prendre position, la tentative d’infiltration du mouvement par l’extrême droite ne pourra être stoppée que lorsque ces éléments seront privés de viabilité et de marge de manœuvre politique, et la seule façon d’y parvenir c’est de participer à l’organisation de la lutte.

Nous invitons tous les camarades à réfléchir aux formes de leur intervention contre la gestion de l’urgence sanitaire. Nous demandons à tous d’exprimer leur solidarité contre la répression militaire qui touche le mouvement contre le Green Pass.

Enfin, nous invitons les personnes intéressées à discuter de la situation à se rencontrer en personne, sur la Piazza Exarchia, vendredi 22 octobre, à 18 heures.

Un camarade de Trieste

Source en anglais : https://athens.indymedia.org/post/1614786/

Autre source en anglais: https://actforfree.noblogs.org/post/2021/10/20/trieste-italy-protest-against-the-green-pass-intensifies/

Traduction française : The Friends of the Class War

Trento : Contre le Green Pass, contre l’État et ses Urgences. Bloquons tout

Le passeport sanitaire est une mesure qui n’a rien à voir avec la santé : c’est juste un nouvel instrument d’une politique liberticide de chantage et de contrôle technologique, qui alimente les divisions et la guerre entre les pauvres.

Cette épidémie, comme d’autres à venir, est le produit du capitalisme et de la mondialisation, de l’élevage intensif, de la dévastation industrielle et des guerres d’État menées pour exproprier les terres au nom du progrès technologique.

La propagation de la contagion ne peut être vaincue par l’acceptation d’une mesure coercitive. Ne soyons pas dupes de la guerre haineuse entre vaccinés et non vaccinés, derrière laquelle l’État dissimule ses responsabilités. Refusons cette fausse opposition : la dichotomie est entre exploités et exploiteurs ; le pass sanitaire obligatoire est une attaque de classe, une nouvelle arme de chantage et de division aux mains des patrons, qui nous concerne tous, au-delà des choix de chacun.

Des décès à Bergame dans les usines du Val Seriana au nouveau PNRR [Plan National de Relance et de Résilience, NdT] introduit par le gouvernement Draghi, il est clair que la priorité n’est pas la santé, mais un renforcement du système d’exploitation et d’appauvrissement sur la vague de l’état d’urgence.

Face au genre de monde qu’ils nous préparent, les appels au respect de la Constitution sont vains. Le green pass est l’une des expressions d’un monde d’algorithmes et d’efficacité informatique qui déclare la guerre aux êtres humains eux-mêmes, un modèle qui est là pour rester. Tant que les technocrates, les militaires et les capitalistes sont ensemble au pouvoir, les lois et les tribunaux ne cesseront pas d’être des outils de la classe dirigeante. La classe qui a perpétré les massacres dans les prisons en 2020 lorsque les détenus ont levé la tête ; la classe qui a réduit le financement de la santé publique entraînant la mort de milliers de personnes ; la classe qui a rempli les rues de militaires et maintenu les usines ouvertes pendant que les gens mouraient du Covid. Ce ne sont pas là les dommages collatéraux d’un « mauvais » gouvernement, mais bien les produits de la structure de l’État.

La seule façon de résister c’est l’auto-organisation et la lutte, conscients que nous ne sortirons pas de l’urgence tant que nous continuerons à obéir.

Mettre fin à un an et sept mois de contraintes et d’intimidations de la part de l’État et de la Confindustria est possible.

La détermination des dockers de Trieste et de Gênes en est l’exemple le plus clair, le plus solidaire et actuel : bloquer la production et les flux jusqu’à ce que l’obligation du green pass soit levée pour tous les travailleurs de toutes les catégories, sans compromis.

LE GREEN PASS N’EST QUE LA PARTIE ÉMERGÉE DE L’ICEBERG D’UN SYSTÈME D’EXPLOITATION QUI VEUT NOUS RENDRE DE PLUS EN PLUS SEMBLABLES À DES MACHINES.

RÉSISTONS À CETTE IMPOSITION.

ORGANISONS-NOUS SUR LES LIEUX DE TRAVAIL, DANS LES ÉCOLES, DANS LES ENDROITS OÙ NOUS VIVONS.

Assemblée tenue après la grève générale du 11 octobre, Trento

Source en italien : https://ilrovescio.info/2021/10/15/trento-contro-il-green-pass-contro-lo-stato-e-le-sue-emergenze-blocchiamo-tutto/

Traduction française : Gli Amici della Guerra di Classe

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