[Contra la Contra #4] La pandémie, c’est la domestication

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Dernière mise à jour : 05/03/2021

  • [Contra la Contra #4] La pandémie, c’est la domestication
  • [Contra la Contra #3] Effondrement du système capitaliste ? [Quelques notes sur l’actualité]

[Contra la Contra #4] La pandémie, c’est la domestication

Mot magique, la « sécurité » s’impose face au délinquant comme face au terroriste et au virus, et la crise sanitaire montre jusqu’où l’État obtient notre soumission au nom de la santé.

Gilles Dauvé

Dans la société du Capital, les discours qui nous sont présentés comme des « vérités » sont exprimés par différents porte-paroles de la classe au pouvoir, des médias de masse traditionnels aux prétendus médias alternatifs, en passant par les innombrables réseaux sociaux numériques. Ainsi, le discours informatif qui nous met en garde depuis le début de l’année 2020 contre la pandémie du Covid-19 montre que l’information en provenance du pouvoir se prétend irréfutable, à tel point qu’elle suscite non seulement un consensus parmi les organismes de la bourgeoisie, mais qu’elle est même renforcée par l’opinion publique des réseaux sociaux et jusqu’aux prétendus médias dissidents.

La question n’est pas de savoir si la maladie est hautement infectieuse ou si des mesures de protection et de soins doivent être suivies ou non. Il est évident que nous avons affaire à un virus qui se propage rapidement et qui, chez une minorité de personnes infectées, provoque la mort. Le problème ici, c’est que l’ensemble des informations est déformé et instrumentalisé pour valider toute action de l’État capitaliste. De l’enfermement obligatoire d’une population, au meurtre de personnes qui ont eu le malheur de sortir pendant le couvre-feu, en passant par la justification du fait que les individus doivent s’isoler de leurs proches ou s’enfermer sans rien avoir à manger ; car ici, comme dans de nombreux endroits de la planète, « chacun se gratte avec ses propres ongles ».

Depuis que le virus s’est répandu dans le monde entier, les médias n’ont fait que nous bombarder de nouvelles sur les milliers de décès, sur les hôpitaux qui débordent de patients, en puisant dans des hypothèses si contradictoires qu’elles ne provoquent à ce jour que de la stupeur, à quoi il faut ajouter une quantité d’informations improbables, confuses et partiales venant des « experts ». Tout cela avec un objectif clair : nous perturber afin que nous acceptions ainsi d’être maintenus en confinement. Sans remettre en cause d’un iota cette putain de situation. Peu importe qu’au nom de la « santé publique », ils aient brisé notre santé mentale, et au pire, ils nous ont rendu la survie de plus en plus difficile au quotidien.

La sainte « vérité »

Autrefois, lorsqu’on voulait nous faire croire en quelque chose, nous imposer la foi ou nous soumettre au dessein d’un maître, on avait besoin d’une Bible dans une main et d’une épée dans l’autre. Aujourd’hui, les choses n’ont pas tellement changé, seule la Bible a été troquée pour l’argument « scientifique » en vogue, sans oublier la matraque et le fusil quand cela ne suffit pas. Aujourd’hui, la vision positiviste invétérée qui privilégie la nouvelle foi « scientifique » s’efforce de nous faire croire qu’en dehors de ses vérités (temporaires et transitoires), il n’y aucune autre vérité, et tout autre type d’interprétation ou d’analyse qui n’est pas certifiée par les institutions ou n’a pas été validée dans les « travaux » scientifiques est dépourvue de valeur et doit être écartée du premier coup.

La pensée scientifique (ou plutôt ce qui a été validé et estampillé par les institutions bourgeoises) doit-elle servir de base pour régir, contrôler et gérer nos vies, comme si nous étions les sujets d’une expérience, sans plus, de simples souris sur lesquelles sont mise en œuvre la discipline sociale, le contrôle et les différents projets de domination ?

Alors pourquoi devrions-nous croire que les visées sanitaires du capital sont désormais neutres si elles reposent sur une conception bourgeoise de l’hygiène, des soins médicaux et de la santé du corps humain ? Depuis quand l’OMS, l’institution scientifique, les hôpitaux et l’industrie pharmaceutique sont-ils les alliés de l’humanité ?

En ce sens, il faut comprendre que la situation actuelle est une continuation de ce qui a commencé aux origines du Capital : séparer l’être humain de son propre corps et de son être collectif, lui refuser d’abord la subsistance, et ensuite, lui refuser le contrôle sur lui-même ; c’est-à-dire, créer des institutions pour domestiquer sa santé physique et mentale, pour développer en nous la dépendance aux organes de pouvoir, comme si nous étions des veaux ayant besoin de l’éleveur qui nous emmènerait brouter. Sous la dictature du Capital, nos corps ne nous appartiennent pas.

Béni soit le contrôle social

Le meilleur exemple de la gestion de la crise du coronavirus, c’est celui qui s’est développé dans plusieurs pays d’Orient, en particulier en Chine, en utilisant la maladie comme prétexte pour donner libre cours à l’appareil de répression et de surveillance mis au point dans ce pays depuis des années ; d’abord pour occulter le développement de la maladie, puis pour la « contenir », en mettant l’accent sur la criminalisation de toute la population, en la soumettant à une quarantaine extrême, à des couvre-feux et à des contrôles stricts, comme dans les films de science-fiction.

Comme si cela n’était pas assez catastrophique, le pire de tout c’est que l’opinion publique mondiale n’a pas tardé à applaudir ces mesures et les a présentées comme un exemple de maîtrise de la pandémie. Ces partisans enthousiastes et décérébrés occultent en fait les arrestations politiques, les assassinats et le maquillage des chiffres par ce pays, en plus de la dissimulation d’informations et du blanchiment d’argent par les institutions répressives.

Bien que ces mesures de confinement aient été considérées comme quelque peu « extrêmes » par les démocraties occidentales, cela n’a pas empêché leur déploiement dans plusieurs pays du monde, développant le double discours du bon et du mauvais flic : « nous n’agissons pas avec autant de répression qu’en Chine, alors estimez-vous heureux et restez chez vous… ou nous vous infligeons une amende ou nous vous emprisonnons » (ou nous vous tuons, inutile de le préciser).

Le « mea culpa » du prolétariat mondial

D’autre part, la formule la plus simple pour endiguer la crise (et qui a été maintes fois éprouvée) consiste à rejeter la faute sur le prolétariat, soit en disant que l’ampleur de cette crise est due à son manque de volonté à rester chez soi et au fait de ne pas respecter la normalité en temps de pandémie, soit qu’il n’est pas suffisamment prudent, responsable et civique en ne portant pas de masque buccal 24 heures sur 24.

En fin de compte, l’alarmisme réactionnaire sur les réseaux sociaux s’est transformé en accusation et dénonciation des voisins qui quittent leur maison ou organisent des fêtes, des personnes qui ne portent pas de chiffon sur la bouche, ou ceux qui s’entassent sur les marchés pour acheter leurs provisions. Comme si ce point était au centre du problème, en laissant de côté le fait que la responsabilité de cette situation et la façon dont les gens sont obligés d’entretenir des relations est due à la structuration du Capital, et ne dépend pas du choix d’un individu, ou d’un groupe social.

Maintenant, il doit être clair que malgré l’idéalisation du confinement et la croyance idiote que les mesures sanitaires sont les formules magiques qui vont nous sauver la vie, la réalité de la circulation des marchandises et des rapports capitalistes rend impossible de rester à l’abri d’un virus ou d’une maladie. De plus, bien que l’infection par un virus ne soit pas un fait exceptionnel, mais la conséquence du développement de la vie organique sur terre, nous ne devons pas écarter le fait que la production d’agents pathogènes et leur propagation sont étroitement liées au mode de production. La dévastation des terres, la détérioration continue de la vie des prolétaires et la dynamique de circulation des capitaux sont le terreau des maladies qui se propagent dans le monde depuis plusieurs siècles.

De plus, il faut noter que, même si c’était « notre désir » de rester isolé chez nous, le prolétariat n’a pas la vie garantie, il est obligé de se vendre comme une marchandise, et de circuler comme tel dans l’espace public. Il est obligé de consommer des produits dans les lieux où ils sont vendus à moindre coût, même si ces espaces sont bondés ; il est soumis à l’obligation d’effectuer des trajets en transports publics, car il n’a pas d’autre choix ; et pire encore, personne n’a la capacité de supporter l’isolement de manière saine, et les exercices et activités qui visent à remplacer l’activité physique et sociale de la population par des alternatives virtuelles se soldent tôt ou tard par un échec total.

La logique illogique du capital

Jusqu’à présent, toutes les analyses à propos de la pandémie n’ont mis en évidence que des chiffres, des décès, des politiques publiques, des mesures de contrôle et de l’alarmisme jusqu’à n’en plus pouvoir. A aucun moment au cours des derniers mois, il n’y a eu de voix forte sur la relation entre cette crise sanitaire et la structure politique et sociale au sein de l’économie du Capital. Et il est évident que cela n’arrivera jamais. Sur ce sujet, comme sur tant d’autres, les propagandistes de l’ordre bourgeois s’en laveront les mains et diront que « ce n’est pas la faute du système, mais des gens ».

Cependant, comment le capitalisme a-t-il répondu à cette calamité au-delà des mesures glorifiées de contrôle social, au-delà des quarantaines, des masques buccaux et des bouteilles de désinfectant ? Malheureusement, rien de significatif n’a été fait, et si des mesures désespérées (et aussi tant attendues) telles qu’un vaccin sont considérées comme la solution à ce problème, nous sommes sûrs que beaucoup d’autres mourront en attendant leur vaccin, et qu’en fait cela ne garantira même pas un retour à la « normale », ni n’améliorera d’un iota les conditions d’existence déjà merdiques de la majorité de la population mondiale.

Dans le domaine de l’économie (du capital), on pourrait penser que l’année a été catastrophique pour le marché, l’industrie et la finance. C’est ainsi que l’expriment les médias et autres bonimenteurs. Cependant, les chiffres actuels révèlent que la production de matières premières a connu une augmentation historique, que les heures de travail sont rallongées pour les travailleurs de l’industrie, ainsi que pour les employés des télécommunications, de l’industrie pharmaceutique et d’autres secteurs encore. Cela semble à première vue contredire les intentions des gouvernements de « rester chez soi », alors que c’est tout le contraire qui se passe pour les travailleurs en général.

La hausse des profits est la meilleure chose qui soit arrivée au Capital ces derniers temps, contrairement à ce que la « logique » dirait ; dans cette pandémie ceux qui ont fait faillite ne sont pas les grands conglomérats d’entreprises, mais seulement les prolétaires qui vivent au jour le jour et les petits commerçants qui avaient foi dans le dieu capricieux des affaires.

Il serait toutefois réducteur de dire que tous les secteurs de la production et les services ont connu une reprise ; dans cette crise comme dans tant d’autres, il y a eu des secteurs touchés, tels que les grands magasins, les bars, les salles de sport et les magasins qui dépendent du service direct à la clientèle. Mais comme nous le savons bien, dans l’économie capitaliste, alors que certains s’effondrent, d’autres se dressent tout-puissants sur la scène mondiale.

Il est également clair que ces événements sont les signes d’une nouvelle réinitialisation ou restructuration économique. Nous pouvons le constater si nous prenons comme base les périodes de crise et de déclin de l’économie capitaliste à la fin du 19esiècle et au début du 20e. Confirmant ainsi que seule la dynamique de la guerre pour briser les forces productives, en les remplaçant par d’autres, a permis la reconfiguration de la production et la valorisation des marchandises, en offrant une nouvelle vie au cadavre de l’économie mondiale.

Antagonisme et faiblesses du prolétariat

Une chose curieuse s’est développée au cours de la dernière décennie : l’influence médiatique exercée par des groupes de fondamentalistes chrétiens, de conservateurs et de néo-nazis qui ont multiplié leur rhétorique de conspiration pseudo-critique. Donnant l’impression que ces minorités ridicules sont « l’opposition » à l’ordre établi.

Nous savons bien que ces discours sont truffés de fantasmes tordus où des méchants comme les Bildenberg, Soros et les Rockefeller affrontent leurs chevaliers servants comme Trump, les chrétiens blancs et même le gouvernement russe ! Au-delà de leurs délires, nous devons comprendre que ces groupes et leur propagande sont surtout un autre moyen de semer la confusion dans notre classe.

Leur prétendu discours critique n’est que de convenance, leur critique du « nouvel ordre mondial » ne se limite qu’à pointer du doigt les bourgeois de « l’aile libérale », laissant les bourgeois conservateurs et rétrogrades comme des saints. Il va sans dire que ces sujets sont des protagonistes du négationnisme dans la pandémie, et ils sont allés encore plus loin en faisant semblant de jouer le rôle de citoyens « rebelles » pour la liberté. Oui, pour la liberté de rouvrir leurs entreprises et leurs centres de loisirs afin de retrouver leur normalité antérieure.

Et comme on pouvait s’y attendre, la réponse à ce type de réaction conservatrice est venue des citoyens, tout autant conservateurs, mais qui étaient enlisés dans la dépendance au discours officiel. Cela a joué un rôle extraordinaire dans l’ampleur des possibilités de surmonter cette situation ; car si vous affrontez le discours et la raison dominants, vous êtes catalogué comme un « conspirationniste », afin de vous enfoncer dans le marécage du discours officiel et de valider les mesures de répression, l’immobilité de la lutte prolétarienne et l’acceptation des conditions de misère existantes.

Il convient de mentionner que même de nombreux camarades qui s’autoproclament antagonistes, anarchistes et critiques du Capital, ont été en proie à un commencement de terrorisme médiatique qui, au début de cette année, a présenté le virus et la pandémie comme les « monstres ennemis de l’humanité », imprégnant et renforçant psychologiquement l’atmosphère de peur, d’incertitude et de terreur. Comble de l’ironie, après des années de prêches antiétatiques, le discours et les actions de l’État sont désormais soutenus, en exhortant également à « rester chez soi » et à resserrer les rangs pour obéir aux mesures sanitaires dictées par l’OMS.

Face à ce constat, la question n’est pas de s’engager dans un jeu grossier consistant à voir qui est le plus ultra ou le plus « radical » face au problème. Il s’agit de comprendre que si une théorie (dans ce cas, une théorie radicale opposée à l’État et au Capital) devrait être abandonnée au premier obstacle que la réalité met sur son chemin, alors elle ne vaut rien.

Nous savons que la vitesse à laquelle le processus actuel a progressé est sans précédent depuis des décennies, ce qui rend impossible de l’assimiler et de le comprendre dans l’immédiat. Cependant, notre perception ne peut jamais être basée sur la raison ou la logique de notre ennemi de classe. À ce stade où les contradictions et les erreurs du Capital et de sa pandémie sont plus visibles, il n’y a plus de justification pour un retrait et un consensus de la dictature sanitaire imposée par le Capital.

Sur la lutte prolétarienne en temps de confinement

Comme cela a déjà été souligné, la situation de la pandémie a entraîné une détérioration des conditions de vie du prolétariat, d’un côté certains secteurs sont contraints d’augmenter leur journée d’exploitation, et d’autre part de nombreux prolétaires se sont retrouvés dans les files de chômeurs.

De plus, le travail à distance et l’école virtuelle ont également renforcé le fait que seuls quelques-uns ont la possibilité de s’adapter aux brusques changements mis en œuvre dans le cadre de ce mode de production. Cependant, même ceux qui disposent des outils nécessaires pour satisfaire les objectifs du télétravail ou du télé-enseignement n’ont pas été épargnés par la détérioration physique et mentale que cela a entraînée. Non pas que nous revendiquions le travail et l’éducation de la « vieille normalité », mais nous mettons l’accent sur l’augmentation de la morale du sacrifice de soi jusqu’à en crever.

Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, cela a également conduit des groupes de prolétaires, avec la quarantaine en prime, à descendre dans la rue et à se déployer face aux forces de l’ordre, non pas parce que « la vie redevient normale » mais à cause de la faim et de la vie de merde qu’ils nous font subir depuis bien avant la pandémie. La maladie a intensifié les émeutes en réponse aux meurtres de la police dans les rues ou en raison des contrôles abusifs qui empêchent même qu’on fasse la manche pour survivre, tandis que le racisme et la misogynie structurelle ont fait un bond en avant. Qu’il y ait ou non une pandémie, il est clair que nos vies sont marquées par la violence d’un ordre meurtrier et inhumain.

Dans ce contexte très tendu, où notre classe se dresse contre ses ennemis de toujours, même avec toutes les mesures de soumission « volontaire », proclamer « restez chez vous », c’est contribuer à renforcer ce désastre amorphe et contradictoire géré par la classe dominante, car cela va même au-delà de parvenir à un consensus sur le pouvoir militaire et le contrôle social exercé par l’État. C’est accepter toute la stupidité et l’ignorance que nous subissons, ce qui nous conduit à devenir un ramassis de mouchards et de citoyens paranoïaques qui défendent la propreté et la pureté là où toute personne connue ou inconnue fait office d’ennemi parce qu’elle est un possible agent infectieux… en bref, leur pandémie nous avertit que « tout le monde est l’ennemi ». Le « Restez chez vous » consiste à nier la responsabilité du seul et véritable coupable qu’est le Capital et son État. Il s’agit en fait de renforcer l’atomisation et l’isolement, un « sauve qui peut » de l’individualité, afin qu’avec l’enfermement nous restions passifs et en attente, terrifiés et impuissants dans notre corps et notre esprit.

Il est important et nécessaire dès maintenant de rompre avec la raison dominante, de faire avancer et de reconstruire la lutte en commun, qui a été affectée par ce processus. Le Capital ne tombera pas de lui-même, et battre en retraite dans les moments de grand besoin rime avec accepter qu’il n’y ait pas d’autre espoir que celui que nos ennemis veulent nous accorder. Et au-delà des discussions vides de senssur la manière dont il serait optimal de gérer cette misère, de notre côté nous refusons d’accepter les supposées alternatives et nous préférons répondre à cela en soutenant les flambées de colère là où elles se produisent, en encourageant la conjonction autonome de classe, en luttant sans faire de concessions. En soulignant que nous devons rester dans la perspective d’une révolution sociale mondiale pour mettre fin une fois pour toutes à cette infamie artificielle.

Source en espagnol : https://materialesxlaemancipacion.espivblogs.net/2020/12/23/la-pandemia-es-domesticacion/

https://materialesxlaemancipacion.espivblogs.net/files/2020/12/Contra-la-contra-no4.pdf

Traduction française : Los Amigos de la Guerra de Clases

[Contra la Contra #3] Effondrement du système capitaliste ? [Quelques notes sur l’actualité]

Depuis 2019, l’économie mondiale affiche des signes de ralentissement et on prévoit une crise imminente en 2020. Comme si cela ne suffisait pas, depuis le début de cette année, la guerre commerciale pour le prix du pétrole, entre les États-Unis et la Russie, s’est intensifiée, entraînant une chute retentissante du prix du pétrole brut, au profit des pays qui disposent de réserves suffisantes (Russie et Arabie saoudite) pour adapter leur production à ces prix bas. D’autre part, l’apparition de la nouvelle souche de coronavirus « Covid-19 », qui a fait des ravages en Chine depuis la fin de l’année dernière, a franchi les frontières et a eu des répercussions sur le reste du monde, anticipant ainsi la crise économique imminente. L’économie mondiale est déjà en pleine crise, les gestionnaires du pouvoir attendent les vastes plans de sauvetage financiers, la bourgeoisie commence à fermer des usines et à licencier des employés sous le prétexte de cette soudaine « quarantaine ». La catastrophe est imminente.

Cependant, il est important de savoir que les pertes monétaires ne signifient pas la chute du système capitaliste. Le capitalisme cherchera à tout moment à se restructurer sur la base de mesures d’austérité imposées aux prolétaires afin d’atténuer toutes les conséquences catastrophiques que cela pourrait entrainer [1]. Et ce, parce que les « coups » que le capitalisme a subis à cause de ces phénomènes, ne sont que des pertes dans son taux de profit, mais de telles pertes n’altèrent en rien sa structure et son essence, c’est-à-dire les rapports sociaux qui lui permettent de rester en place : marchandise, valeur, marché, exploitation et travail salarié. En fait, c’est précisément dans ces situations que le capital réaffirme avec force ses besoins : le sacrifice de millions d’êtres humains sur l’autel des intérêts économiques, rendant la polarisation entre les classes sociales plus aigüe, et révélant plus vigoureusement la position dans laquelle se trouve la classe dominante, qui s’efforce de préserver cet état des choses.

Et ce n’est pas que la bourgeoisie « ait planifié bien à l’avance toute cette situation autour de la pandémie afin d’en tirer profit » (comme les adeptes des théories du complot le disent avec exaltation) en permettant au secteur le plus vulnérable (les personnes âgées) de mourir dans les hôpitaux, à leur domicile ou même dans la rue… et d’économiser ainsi des millions de dollars pour le paiement des pensions. Cette situation, comme beaucoup d’autres, n’est apparue comme une manœuvre opportune que lorsque le moment l’exigeait. Les enjeux géopolitiques, la concurrence du marché et la guerre médiatique qui peuvent en résulter ne sont que la conséquence, mais jamais la cause, de ce qui se profile.

Il est clair que toute cette situation qui a gagné du terrain dans le monde entier n’en est qu’à ses débuts, car les pénuries auxquelles sont confrontés les hôpitaux et les pompes funèbres, qui sont en surcapacité, ne sont que la partie émergée de l’iceberg, car nous n’avons pas encore vu les effets des pénuries alimentaires et du chômage lorsque tout atteindra son apogée, bref, les effets les plus néfastes doivent encore se produire.

En fait, il n’est pas surprenant que cette recrudescence ait exacerbé la folie et l’hystérie sociale, avec pour résultat plus d’atomisation et d’individualisme, avec le « chacun pour soi » qui règne, ainsi que le « mouchardage » par de braves citoyens qui soutiennent le travail de la police, en balançant sur toute personne qui se promène dans les rues.

Et malgré cela, la logique du capital n’a pas pu se concrétiser de manière totale et uniforme. La conscience de classe réémerge et est perçue comme la seule perspective possible au milieu des décombres, peut-être de manière diffuse, mais son développement est latent. L’idée selon laquelle la bourgeoisie est responsable de la propagation du virus est de plus en plus répandue, non seulement « parce que ce sont les bourgeois qui voyagent le plus », mais aussi parce qu’ils se reposent en quarantaine pendant que nous sommes exposés à l’infection du fait que nous sommes obligés de sortir pour aller chercher de la nourriture. C’est là que la solidarité de classe réapparaît par la mise en commun de quelques moyens de subsistance de base, en participant aux pillages et en érigeant des barricades pour couper les routes du tourisme (comme au Chili). Ces aperçus de la communauté humaine constituent une base qui sera décisive dans les luttes qui pourraient survenir lorsque la catastrophe dépassera ses dimensions.

Toutefois, nous ne devons pas nous satisfaire ou nous complaire dans ces aspects minimaux ; au contraire, nous devons envisager d’aller plus loin. Il est essentiel de comprendre que si nous continuons (en tant que classe soumise aux objectifs de la bourgeoisie) à considérer et à affronter cette situation sous de simples palliatifs réformistes qui évitent la nécessité de vaincre définitivement ce système [2], tous nos efforts ne feront que donner à nos ennemis le temps de se renforcer et de continuer à nous gouverner et à nous exploiter à leur guise.

L’observation d’animaux sauvages dans des centres urbains sous quarantaine, est-elle un triomphe de la nature qui revendique maintenant ce qui lui appartient ? Un tel « triomphe », même si cela signifie la réalisation malthusienne de « l’élimination de la population excédentaire », n’est qu’une situation temporaire, condamnée à s’inverser presque immédiatement. Car au fond, ce qui continuera à dominer, c’est un mode de production qui ne peut se passer des métropoles de béton, d’asphalte et de voitures, des industries de monoculture, des centrales nucléaires et de l’industrie lourde basée sur les combustibles fossiles.

Les contradictions de plus en plus aiguës de ce mode de production (crise, guerre, pandémies, destruction de l’environnement, paupérisation, militarisation), qui vont aggraver nos conditions de survie, ne vont pas ouvrir la voie de façon mécanique ou messianique à la fin du capitalisme. Ou plutôt, de telles conditions, bien qu’elles soient fondamentales, ne seront pas suffisantes. Car pour que le capitalisme voit sa fin, il est essentiel qu’il y ait une force sociale, antagoniste et révolutionnaire qui puisse orienter le caractère destructeur et subversif vers quelque chose de complètement différent de ce que nous vivons et connaissons maintenant.

Que cela nous plaise ou non, nous ne pouvons pas laisser au hasard une question aussi importante que la révolution. Il est nécessaire d’expérimenter la résolution de ce problème, en se basant sur l’organisation des tâches qui peuvent se présenter, c’est-à-dire le regroupement pour l’appropriation et la défense des besoins les plus immédiats (ne pas payer les dettes, ni les loyers, ni les impôts), mais aussi, la rupture avec toutes les illusions et les mirages qui nous amènent à gérer les mêmes misères sous un autre masque.

Encourager l’économie locale ?

Abolition du commerce et de l’argent !

Contre le réformisme, la rupture radicale !

Contre l’immédiateté, la perspective historique !

Contre le localisme, l’internationalisme !

Note apocryphe

À travers tous ses appareils, l’idéologie dominante nous bombarde d’illusions qui portent sur une « possible » prospérité dans les conditions existantes d’exploitation et de misère. L’idéologie de la classe capitaliste nous pousse à adhérer docilement à un « mode de vie » aliéné, où toute remise en cause de ses fondements soit déclarée irraisonnable.

Mais la vérité, c’est qu’aucun de ces paradis dans le « meilleur des mondes possibles » ne concorde avec les centaines d’esclaves noirs victimes de trafic en Libye, les ghettos ravagés par la drogue en Afghanistan, la répression féroce dans la bande de Gaza, les migrants haïtiens qui meurent de faim à Tijuana, la répression sanglante contre les prolétaires au Chili, les bombardements à la frontière turco-syrienne ou la famine qui sévit au Yémen.

Il est inutile d’attendre la dystopie ou des scènes hollywoodiennes d’apocalypse, car celles-ci se manifestent déjà matériellement dans différentes parties du globe, et dépassent de fait largement toute tentative de représentation dans la fiction cinématographique.

La pandémie actuelle de covid-19 est une étape de plus dans la dégradation à laquelle nous conduit cette société productrice de marchandises.

Une étape devant laquelle on ne fait que réaffirmer que le véritable avenir ne tient plus qu’à deux fils :

La révolution communiste ou périr dans l’obscurité !

rivoltaproletaria@riseup.net

  1. Des mesures qui sont en fait déjà mises en œuvre de la manière la plus brutale et la plus ignoble : des centaines de milliers (voire des millions) de personnes licenciées, tout simplement virés de leur boulot, abandonnées à leur sort dans une pauvreté et une précarité accrues.
  2. On nous a beaucoup parlé d’une alternative qui serait d’encourager le commerce local en dehors des multinationales et des grandes entreprises. Le problème de ce type de réponse est que, d’une part, si elle résout temporairement le problème de l’approvisionnement en intrants pour certains prolétaires, les réajustements que la crise du capital entrainera, ne feront qu’apporter plus d’inflation et d’imprévus sur des périodes plus courtes. Se réfugier dans des tentatives d’économies plus bienveillantes, ne fait que prolonger ce que nous devrons inévitablement assumer dans un avenir sans alternatives : la guerre de classe, c’est-à-dire affronter la bourgeoisie et exercer un programme révolutionnaire qui vise à mettre un terme à toute relation sociale médiée par l’échange, le temps comme mesure du travail, ainsi que le rapport salarial.

Source en espagnol : https://materialesxlaemancipacion.espivblogs.net/2020/03/26/colapso-del-sistema-capitalista-algunas-notas-sobre-los-acontecimientos-actuales/

https://materialesxlaemancipacion.espivblogs.net/files/2020/03/CLC3-Colapso-del-sistema-capitalista.pdf

Traduction française : Los Amigos de la Guerra de Clases

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